Il n'est pas bon de trop questionner, même lorsque l'on est philosophe. Trois professeurs agrégés l'ont appris à leurs dépens. Lundi 22 décembre, de retour de Kinshasa (République démocratique du Congo), Sophie Foch-Rémusat et Yves Cusset ont été appréhendés par la police à leur sortie d'avion et placés en garde à vue pour avoir, lors de leur vol aller, posé des questions à des policiers qui reconduisaient un sans-papiers. Le 16 décembre, leur collègue Pierre Lauret, directeur de programme au collège international de philosophie, avait été débarqué de ce vol aller manu militari.
Avant de monter dans l'avion, les trois philosophes comme tous les autres passagers se sont vu remettre une notice d'information, signée du directeur de la police aux frontières (PAF) de Roissy-Charles-de-Gaulle. Cette note spécifie que s'opposer à une reconduite à la frontière "en incitant à faire débarquer une escorte policière ainsi que l'étranger reconduit hors des frontières françaises" est un délit passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 18 000 euros. Les oppositions aux expulsions d'étrangers en situation irrégulière se multipliant, une telle notice est, depuis 2007, de plus en plus systématiquement distribuée en salle d'embarquement par la PAF. Les peines prononcées n'ont jusque-là pas été au-delà du paiement d'une somme symbolique.
Ce jour-là, tous trois embarquent à Roissy sur un vol Air France pour Kinshasa, où se tient un congrès organisé par l'Agence universitaire de la francophonie et les universités catholiques de Kinshasa. Une fois dans l'avion, les trois philosophes constatent la présence d'un Africain menotté et encadré par cinq policiers. "Avec mes collègues, nous sommes juste allés voir les policiers pour leur demander pourquoi ce monsieur était menotté", affirme Pierre Lauret, 51 ans. Les policiers, très tendus selon M. Lauret, refusent de répondre et demandent aux enseignants d'aller se rasseoir. Ces derniers insistent. Les autres passagers finissent alors par se lever à leur tour pour protester contre le menottage du sans-papiers.
"TRÈS VIOLEMMENT MENOTTÉ"
Au bout d'un quart d'heure, l'agitation retombe. Mais avant de décoller, le commandant de bord vient signifier à Pierre Lauret qu'il va être débarqué. "Nous n'avons lancé aucun appel, aucune protestation. La veille, cependant, un même avion n'avait pas pu décoller à cause d'un incident similaire et certains n'ayant alors pu partir étaient fatigués de vivre un nouveau 'binz'", explique le philosophe, qui dit avoir été "arraché" de son siège par les policiers et "très violemment menotté". Les passagers s'étant remis à protester, un autre homme est, avec lui, également sorti de l'avion.
Une fois dehors, M. Lauret est placé en garde à vue. Il est libéré le soir même, mais avec une convocation le 4 mars 2009 au tribunal de grande instance de Bobigny. Il est poursuivi pour "opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d'un aéronef". Cueillis lundi à leur retour de Kinshasa, ses deux collègues, après dix heures de garde à vue, se sont vu expliquer qu'ils seraient à nouveau convoqués pour une confrontation avec le personnel de bord.
Ironie du sort, le congrès auquel les trois philosophes se rendaient portait sur "la culture du dialogue, les frontières et l'accueil des étrangers". "Cela nous plaçait dans une situation morale délicate", reconnaît M. Lauret.
Le Monde
Avant de monter dans l'avion, les trois philosophes comme tous les autres passagers se sont vu remettre une notice d'information, signée du directeur de la police aux frontières (PAF) de Roissy-Charles-de-Gaulle. Cette note spécifie que s'opposer à une reconduite à la frontière "en incitant à faire débarquer une escorte policière ainsi que l'étranger reconduit hors des frontières françaises" est un délit passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 18 000 euros. Les oppositions aux expulsions d'étrangers en situation irrégulière se multipliant, une telle notice est, depuis 2007, de plus en plus systématiquement distribuée en salle d'embarquement par la PAF. Les peines prononcées n'ont jusque-là pas été au-delà du paiement d'une somme symbolique.
Ce jour-là, tous trois embarquent à Roissy sur un vol Air France pour Kinshasa, où se tient un congrès organisé par l'Agence universitaire de la francophonie et les universités catholiques de Kinshasa. Une fois dans l'avion, les trois philosophes constatent la présence d'un Africain menotté et encadré par cinq policiers. "Avec mes collègues, nous sommes juste allés voir les policiers pour leur demander pourquoi ce monsieur était menotté", affirme Pierre Lauret, 51 ans. Les policiers, très tendus selon M. Lauret, refusent de répondre et demandent aux enseignants d'aller se rasseoir. Ces derniers insistent. Les autres passagers finissent alors par se lever à leur tour pour protester contre le menottage du sans-papiers.
"TRÈS VIOLEMMENT MENOTTÉ"
Au bout d'un quart d'heure, l'agitation retombe. Mais avant de décoller, le commandant de bord vient signifier à Pierre Lauret qu'il va être débarqué. "Nous n'avons lancé aucun appel, aucune protestation. La veille, cependant, un même avion n'avait pas pu décoller à cause d'un incident similaire et certains n'ayant alors pu partir étaient fatigués de vivre un nouveau 'binz'", explique le philosophe, qui dit avoir été "arraché" de son siège par les policiers et "très violemment menotté". Les passagers s'étant remis à protester, un autre homme est, avec lui, également sorti de l'avion.
Une fois dehors, M. Lauret est placé en garde à vue. Il est libéré le soir même, mais avec une convocation le 4 mars 2009 au tribunal de grande instance de Bobigny. Il est poursuivi pour "opposition à une mesure de reconduite à la frontière et entrave à la circulation d'un aéronef". Cueillis lundi à leur retour de Kinshasa, ses deux collègues, après dix heures de garde à vue, se sont vu expliquer qu'ils seraient à nouveau convoqués pour une confrontation avec le personnel de bord.
Ironie du sort, le congrès auquel les trois philosophes se rendaient portait sur "la culture du dialogue, les frontières et l'accueil des étrangers". "Cela nous plaçait dans une situation morale délicate", reconnaît M. Lauret.
Le Monde