un journaliste palestinien, interprète et fixeur pour Radio France, tué dans un bombardement

Il était né en 1992 à Londres. Roshdi Sarraj est mort à 31 ans, dimanche 22 octobre, dans un bombardement israélien sur le quartier de Tel Al Hawa, un quartier de Gaza Ville. Il travaillait avec les correspondants et envoyés spéciaux de Radio France depuis mai 2021, date de la précédente guerre entre le Hamas et Isr aël.
À l'origine photo-reporter, avec son épouse et plusieurs amis, il avait fondé l'agence de presse Ain Media qui employait des rédacteurs, cameramen, photographes, monteurs, éditeurs visuels. C'est une agence très sérieuse, sollicitée par Netflix pour tourner des séquences de documentaires, qui ouvrait ses locaux aux correspondants de Radio France lors de leurs reportages à Gaza.
Indépendant d'esprit, ouvert sur le monde, capable de prendre beaucoup de hauteur par rapport à l'interminable conflit israélo-palestinien, Roshdi était un fixeur complet : il nous conduisait, nous trouvait les interlocuteurs intéressants, traduisait leurs propos de l'arabe vers l'anglais, savait prendre en main une interview s'il sentait que l'interlocuteur nous perdait ou essayait de nous détourner du sujet, expliquait la situation, regardait les médias arabes, décryptait ce qui se passait, conscient des attentes des journalistes étrangers mais aussi des pressions permanentes du Hamas.

"Je ne sortirai de Gaza que par le ciel"​

Malgré les dangers encourus en temps de guerre (l'un de ses collègues avait été tué par l'armée israélienne lors de reportages sur une "marche du retour" en 2018 et un autre il y a deux semaines) il avait préféré rester chez lui dans le nord de la bande de Gaza, expliquant que sa famille avait fui Jaffa (aujourd'hui en Isr aël) en 1948 et qu'il ne voulait pas revivre une deuxième Nakba. Sur les réseaux sociaux, il continuait à documenter ce qui se passait à Gaza en publiant des photos des bombardements.
Son métier, Roshdi Sarraj le faisait avec la plus grande humilité, la plus grande des douceurs, le plus grand professionnalisme. Il était attentif aux autres, posait la bonne question à la bonne personne, sans en faire des tonnes, sans misérabilisme, mais sans rien atténuer de l’horreur des faits. Il savait détendre l’atmosphère quand nous passions des journées exténuantes à crapahuter du nord au sud de Gaza, à entendre des choses qui font mal.
Il disait aussi qu'avec sa femme et son bébé de onze mois (blessées lors de la frappe d'hier) il préférait rester chez lui et mourir dignement dans un lieu familier plutôt que dans la poussière au bord d'une route. "Je ne sortirai de Gaza que par le ciel" avait-il écrit.
 
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