Un texte de Nietzsche sur le libre arbitre

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Ebion

Ça a l'air que je suis l'esclave da quebrada
VIB
(Tiré du Crépuscule des idoles)

Erreur du libre arbitre. — Il ne nous reste aujourd’hui plus aucune espèce de compassion avec l’idée du « libre arbitre » : nous savons trop bien ce que c’est — le tour de force théologique le plus mal famé qu’il y ait, pour rendre l’humanité « responsable », à la façon des théologiens, ce qui veut dire : pour rendre l’humanité dépendante des théologiens… Je ne fais que donner ici la psychologie de cette tendance à vouloir rendre responsable. — Partout où l’on cherche des responsabilités, c’est généralement l’instinct de punir et de juger qui est à l’œuvre. On a dégagé le devenir de son innocence lorsque l’on ramène un état de fait quelconque à la volonté, à des intentions, à des actes de responsabilité : la doctrine de la volonté a été principalement inventée à fin de punir, c’est-à-dire avec l’intention de trouver coupable. Toute l’ancienne psychologie, la psychologie de la volonté n’existe que par le fait que ses inventeurs, les prêtres, chefs des communautés anciennes, voulurent se créer le droit d’infliger une peine — ou plutôt qu’ils voulurent créer ce droit pour Dieu… Les hommes ont été considérés comme « libres », pour pouvoir être jugés et punis, — pour pouvoir être coupables : par conséquent toute action devait être regardée comme voulue, l’origine de toute action comme se trouvant dans la conscience (— par quoi le faux-monnayage in psychologicis, par principe, était fait principe de la psychologie même…). Aujourd’hui que nous sommes entrés dans le courant contraire, alors que nous autres immoralistes cherchons, de toutes nos forces, à faire disparaître de nouveau du monde l’idée de culpabilité et de punition, ainsi qu’à en nettoyer la psychologie, l’histoire, la nature, les institutions et les sanctions sociales, il n’y a plus à nos yeux d’opposition plus radicale que celle des théologiens qui continuent, par l’idée du « monde moral », à infester l’innocence du devenir, avec le « péché » et la « peine ». Le christianisme est une métaphysique du bourreau…

8.
Qu’est-ce qui peut seul être notre doctrine ? — Que personne ne donne à l’homme ses qualités, ni Dieu, ni la société, ni ses parents et ses ancêtres, ni lui-même (— le non-sens de l’« idée », réfuté en dernier lieu, a été enseigné, sous le nom de « liberté intelligible », par Kant et peut-être déjà par Platon). Personne n’est responsable du fait que l’homme existe, qu’il est conformé de telle ou telle façon, qu’il se trouve dans telles conditions, dans tel milieu. La fatalité de son être n’est pas à séparer de la fatalité de tout ce qui fut et de tout ce qui sera. L’homme n’est pas la conséquence d’une intention propre, d’une volonté, d’un but ; avec lui on ne fait pas d’essai pour atteindre un « idéal d’humanité », un « idéal de bonheur », ou bien un « idéal de moralité », — il est absurde de vouloir faire dévier son être vers un but quelconque. Nous avons inventé l’idée de « but » : dans la réalité le « but » manque… On est nécessaire, on est un morceau de destinée, on fait partie du tout, on est dans le tout, — il n’y a rien qui pourrait juger, mesurer, comparer, condamner notre existence, car ce serait là juger, mesurer, comparer et condamner le tout… Mais il n’y a rien en dehors du tout ! — Personne ne peut plus être rendu responsable, les catégories de l’être ne peuvent plus être ramenées à une cause première, le monde n’est plus une unité, ni comme monde sensible, ni comme « esprit » : cela seul est la grande délivrance, — par là l’innocence du devenir est rétablie… L’idée de « Dieu » fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence… Nous nions Dieu, nous nions la responsabilité en Dieu : par là seulement nous sauvons le monde. —
 
L'argument de Nietzsche peut facilement se retourner contre lui : nier le libre arbitre peut très bien être une manoeuvre malhonnête pour tenter d'échapper à la responsabilité de nos actes, surtout pour ceux qui ont des choses à se reprocher. ;)
 
Par contre c'est vrai qu'on peut avoir une approche trop punitive et moralisatrice d'actions qui sont parfois la simple conséquences de désordres mentaux/neurologiques et non de choix libres. Et c'est parfois dur de juger parce qu'on a pas toujours une bonne compréhension du cerveau des autres, et même du nôtre.
 
L'argument de Nietzsche peut facilement se retourner contre lui : nier le libre arbitre peut très bien être une manoeuvre malhonnête pour tenter d'échapper à la responsabilité de nos actes, surtout pour ceux qui ont des choses à se reprocher. ;)
Tout dépend de la position d'où l'on se trouve. Si on regarde à partir de la position cosmologique on pourra voir que l'être humain agit et choisit "librement", et si on regarde à partir de la position ontologique, on pourra voir que les choix et les actions de l'être humain sont illusoires. La vérité ne se trouve pas dans la scène mais au contraire dans les coulisses.
 
Ebion, j'aime ton argumentation, Nietzsche veut libérer l’humanité de ces chaînes en disant que nous sommes des morceaux de destinée sans intention divine ou finalité, je suis d'accord a 99% :D même si je suis croyant.. Il ne cherche pas à nier la responsabilité pour excuser les fautes, mais à remettre en question les fondements mêmes de la moralité culpabilisante...qu'en penses tu ? j'ai commencé a lire Nietzsche il y a exactement 26 ans, malgré que je savais qu'il etait extraordinaire, rien ne rentrait dans ma tete, j'étais hermétique. Je comprends mieux aujourd'hui que la responsabilité dans le sens moral est une fiction. Toujours penser a ce que l'héritage judeo chretien a ancré en nous. Maintenant, Le libre arbitre existe t'il vraiment ou est il une illusion ? C'est ici que c'est crucial..
je pense que Nietzsche ne cherche pas à donner une excuse à ceux qui veulent fuir leurs responsabilités. Il parle surtout de démonter tout le système qui fait qu’on culpabilise à mort pour des trucs qu’on contrôle pas vraiment. Genre, il veut qu’on arrête de s’auto-flageller pour être juste des morceaux du grand bordel qu’est la vie.

Après, c’est clair que si on tourne ça mal, certains pourraient dire : 'Je fais ce que je veux, je suis pas responsable, c’est la fatalité ! Mais ce serait un peu trahir l’idée de base. Bref, c’est pas un joker pour éviter de réfléchir à ce qu’on fait.
 
Bonjour
Les règles de la vie sont simples:
Tu es libre de prendre des initiatives mais il faut en assumer les responsabilités.
Ta situation sociale, intellectuelle, culturelle, le contexte ( lois , normes etc) sont des limites ( des chaînes) à ton libre arbitre que tu t’imposes consciemment ou non.
La liberté c’est la seule valeur qui reste de nôtre devise Nationale.
L’égalité et la fraternité ont disparues depuis longtemps.
 
Bonjour
Les règles de la vie sont simples:
Tu es libre de prendre des initiatives mais il faut en assumer les responsabilités.
Ta situation sociale, intellectuelle, culturelle, le contexte ( lois , normes etc) sont des limites ( des chaînes) à ton libre arbitre que tu t’imposes consciemment ou non.
La liberté c’est la seule valeur qui reste de nôtre devise Nationale.
L’égalité et la fraternité ont disparues depuis longtemps.
Une liberté CONDITIONNEE n'est pas vraiment libre.
 
Ebion, j'aime ton argumentation, Nietzsche veut libérer l’humanité de ces chaînes en disant que nous sommes des morceaux de destinée sans intention divine ou finalité, je suis d'accord a 99% :D même si je suis croyant.. Il ne cherche pas à nier la responsabilité pour excuser les fautes, mais à remettre en question les fondements mêmes de la moralité culpabilisante...qu'en penses tu ? j'ai commencé a lire Nietzsche il y a exactement 26 ans, malgré que je savais qu'il etait extraordinaire, rien ne rentrait dans ma tete, j'étais hermétique. Je comprends mieux aujourd'hui que la responsabilité dans le sens moral est une fiction. Toujours penser a ce que l'héritage judeo chretien a ancré en nous. Maintenant, Le libre arbitre existe t'il vraiment ou est il une illusion ? C'est ici que c'est crucial..
je pense que Nietzsche ne cherche pas à donner une excuse à ceux qui veulent fuir leurs responsabilités. Il parle surtout de démonter tout le système qui fait qu’on culpabilise à mort pour des trucs qu’on contrôle pas vraiment. Genre, il veut qu’on arrête de s’auto-flageller pour être juste des morceaux du grand bordel qu’est la vie.

Après, c’est clair que si on tourne ça mal, certains pourraient dire : 'Je fais ce que je veux, je suis pas responsable, c’est la fatalité ! Mais ce serait un peu trahir l’idée de base. Bref, c’est pas un joker pour éviter de réfléchir à ce qu’on fait.

Pour ce qui est de Nietzsche, la plupart de ses textes sont obscurs ou sont des commentaires personnels de faits très liés à l'Allemagne et à l'Europe de la fin du 19e siècle, avec lesquels on a pas trop de lien en 2025. Occasionnellement, oui Nietzsche lance des idées ou des critiques philosophiques décapantes qui résonnent encore pour nous, même quand on est pas tout à fait convaincu.

Oui Nietzsche croit que le concept de liberté, et son corollaire, la responsabilité, ont été utilisées par le christianisme pour tourmenter les gens inutilement et les écraser, et c'est vrai qu'il peut y avoir cet effet-là, surtout envers les gens qui ont des problèmes mentaux non reconnus. Tout comme aujourd'hui on a une approche moins punitive de l'éducation des enfants (tout en veillant à pas tomber dans l'excès contraire).

Simplement, le déterminisme de Nietzsche (puisque c'est finalement de cela qu'il s'agit) peut avoir des effets aussi pervers, en déresponsabilisant des gens et leur offrant des excuses cheap à leurs fautes. Mais Nietzsche semble pas voir cet autre aspect.
 
Nietzsche est pourtant moralisateur à sa façon. Il critique beaucoup la mesquinerie et l'hypocrisie et la « dégénérescence » par exemple.
 
Ca me rappelle l’épisode de Dr House avec le prisonnier condamné a mort pour plusieurs meurtres commis lors de crise de rage
Au final c’était une tumeur au cerveau qui sécrétait des pulsions de testostérone qui causait ces crises de rage
il a été soigné mais exécuté quand meme
 
À la limite, il y aurait plus vraiment de « criminels », même des merdeux comme Dominique Pélicot. Il y aurait seulement des gens « malades » ou « en difficulté d'adaptation » et ils seraient aussi victimes de la « fatalité » que les gens à qui ils ont fait du mal.

Il faut certes juger de la responsabilité des gens avec discernement en tenant compte d'un ensemble de facteurs, comme l'excuse classique « j'ai eu une enfance malheureuse ».

Mais je tiens pas à ce qu'on élimine la responsabilité. Le déterminisme est une option philosophique qui peut se défendre, qui a eu des défenseurs très intelligents (Spinoza, Leibniz, Hume, Voltaire...), mais je souhaite pas que toute la société y croie.
 
Salut Ebion ,
Je comprends ton approche sur Nietzsche, mais t’as mal compris certains trucs. Nietzsche est souvent mal compris parce qu'on simplifie trop ses idées ou qu'on les détache de leur contexte. (toujours ce foutu contexte) Oui, il démonte le christianisme parce qu’il trouve que ça fait culpabiliser les gens pour rien, les écrase avec des trucs genre le péché et les empêche de s’élever. Mais ça veut pas dire qu’il est là pour dire "tout est pardonné" ou qu’il excuse tout.

Nietzsche, c’est pas vraiment un déterministe ! Il ne croit pas que nos actes soient totalement prédéterminés par des facteurs extérieurs. Il ne pense pas qu’on est juste des robots contrôlés par notre passé ou la société. L'éternel retour c’est : Vis ta vie comme si chaque chose que tu faisais allait se répéter pour toujours.C'est une forme de responsabilité en puissance : vivre en affirmant pleinement ses choix. C’est pas une excuse, c’est une grosse claque pour te dire d’assumer tes choix à fond.

Et sur un gars comme Dominique Pélicot, il dirait pas que c’est un malade ou une victime de la fatalité. Il critique les systèmes qui écrasent les gens,mais pas pour les remplacer par un chaos ou des excuses a tout. Il faut dépasser la culpabilité et viser une vie authentique et affirmée, ce qui demande un effort personnel énorme.. il te pousse à te dépasser, Sur Homme, à être plus grand que tes excuses ou ton passé. Il ne veut pas un monde où tout le monde se déresponsabilise, il veut un monde où chacun trouve sa force intérieure et se dépasse.dépasser les concepts de jugement oppressifs.

Nietzsche te dit de vivre ta responsabiité autrement, en mode affirmation de soi, pas de culpabilité. Ça change tout.
 
Salut Ebion ,
Je comprends ton approche sur Nietzsche, mais t’as mal compris certains trucs. Nietzsche est souvent mal compris parce qu'on simplifie trop ses idées ou qu'on les détache de leur contexte. (toujours ce foutu contexte) Oui, il démonte le christianisme parce qu’il trouve que ça fait culpabiliser les gens pour rien, les écrase avec des trucs genre le péché et les empêche de s’élever. Mais ça veut pas dire qu’il est là pour dire "tout est pardonné" ou qu’il excuse tout.

Nietzsche, c’est pas vraiment un déterministe ! Il ne croit pas que nos actes soient totalement prédéterminés par des facteurs extérieurs. Il ne pense pas qu’on est juste des robots contrôlés par notre passé ou la société. L'éternel retour c’est : Vis ta vie comme si chaque chose que tu faisais allait se répéter pour toujours.C'est une forme de responsabilité en puissance : vivre en affirmant pleinement ses choix. C’est pas une excuse, c’est une grosse claque pour te dire d’assumer tes choix à fond.

Et sur un gars comme Dominique Pélicot, il dirait pas que c’est un malade ou une victime de la fatalité. Il critique les systèmes qui écrasent les gens,mais pas pour les remplacer par un chaos ou des excuses a tout. Il faut dépasser la culpabilité et viser une vie authentique et affirmée, ce qui demande un effort personnel énorme.. il te pousse à te dépasser, Sur Homme, à être plus grand que tes excuses ou ton passé. Il ne veut pas un monde où tout le monde se déresponsabilise, il veut un monde où chacun trouve sa force intérieure et se dépasse.dépasser les concepts de jugement oppressifs.

Nietzsche te dit de vivre ta responsabiité autrement, en mode affirmation de soi, pas de culpabilité. Ça change tout.

Oui merci pour les précisions et corrections. :cool:

Je crois quand même que Nietzsche est « déterministe », ou du moins certains de ses textes vont en ce sens, mais certes il ne prêche pas une sorte d'anarchisme moral jouisseur facile. Il prêche une sorte de morale aristocratique virile, de la « vie », de l'affirmation de soi, comme tu le dis. C'est pas nécessairement incompatible avec un déterminisme : être « déterminé » ne veut pas dire être « inchangeable » ou « imperméable » aux influences ou idées extérieures. Regarde le déterminisme du psychologue B. F. Skinner par exemple.

Simplement, les idées ont des conséquences logiques, même quand leurs auteurs ne les voient pas ou ne les reconnaissent pas. C'est plutôt en ce sens-là que je disais que le déterminisme pouvait déresponsabiliser les gens et servir d'excuse. Bien sûr si Nietzsche voyait des personnes se servir ainsi du déterminisme, il les trouverait mesquines et viles.
 
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