Le roi devait aller lui-même à New York pour y exposer sa manière de voir le monde et comment celui-ci devrait aller. Il n’a finalement pas fait le déplacement, y envoyant le chef du gouvernement à sa place. On ne sait toujours pas quelle est la raison qui a présidé à cette décision du roi, mais mettre un chef du gouvernement venant de la mouvance islamiste, à la tribune de l’ONU, devant le monde, en ce moment, n’était pas en soi une mauvaise idée, en dépit du couac de communication interne du palais.
Qu’a dit le roi au monde ? Des choses générales certes, mais la partie réservée aux anciens pays colonisateurs est d’une rare violence. Mohammed VI est réputé pour ses coups de sang ravageurs contre les indélicats et les incompétents locaux, mais cette fois-ci, sa mauvaise humeur est dirigée contre les anciens pays colonisateurs, et les nouveaux aussi, comme les Etats-Unis. Le roi dénonce la vérité absolue dont s’accaparent les pays du Nord, directement ou à travers leurs organismes politiques et leurs organisations financières. Quant aux agences de notation, elles agissent selon Mohammed VI en se fondant sur leur propre logique et sur des rapports élaborés par des organismes froids et détachés des réalités et spécificités des nations. Et tout cela crée le désordre, et risque d’engendrer le chaos, se révolte le roi…
Mohammed VI fait une réponse aux diktats du FMI et de la Banque mondiale, mais il attaque aussi le PNUD avec ses critères qui classent toujours le Maroc en piètre position en matière de développement humain.
La démarche est rigoureuse : le constat sur l’état des lieux du Tiers-monde, les responsabilités de cette situation déplorable des pays du sud, des vérités crues sur le pillage de nations entières par d’autres, puis une esquisse de solution.
Un discours d’une rare violence, oui donc, mais utile, sachant que les vérités sont quelquefois bonnes à dire, à asséner. Florilège.
Une dénonciation claire été explicite du colonialisme
L’entrée en matière :«Comme vous le savez , le développement durable ne se décrète pas par des décisions ou des recettes toutes prêtes, pas plus qu’il n’existe un seul et unique modèle en la matière. En effet, chaque pays a un parcours qui lui est propre, selon son évolution historique, son patrimoine civilisationnel et ses ressources humaines et naturelles, outre ses particularités politiques et ses choix économiques, ainsi que les écueils et les défis qu’il vient à affronter ».
puis le roi accélère :«Le premier appel que Je lance du haut de cette tribune est un appel pour le respect des spécificités de chaque pays, dans son itinéraire national, et de la volonté qui est la sienne d’édifier son propre modèle de développement. Cela vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation »
Et on en arrive au constat, qui met les pays développés face à leurs responsabilités et dénonce vigoureusement l’européocentrisme :
« Le colonialisme a causé de grands préjudices aux Etats qui en ont subi la tutelle. Le colonisateur y a entravé le processus de développement pendant de longues années. Il a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples.
Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis, il n’en demeure pas moins que les Etats coloniaux portent une responsabilité historique pour la situation difficile, parfois dramatique, que vivent certains Etats du Sud, surtout en Afrique.
Aujourd’hui, après tous ces effets pervers,ces Etats n’ont pas le droit d’exiger des pays du Sud, un changement radical et rapide selon un schéma étranger à leurs cultures, leurs principes et leurs atouts propres ; comme si le développement ne pouvait se réaliser qu’à l’aune d’un modèle unique : le modèle occidental».
Mohammed VI dénonce certes l’Europe, en parlant de colonisation, mais les Etats-Unis, pays qui ne se range parmi les colonisateurs, ont également eu leur part de l’ire royale, à travers leur domination sur les organismes financiers internationaux et les agences de notation.
Une critique virulente contre la marche du monde selon l’Occident
«Mais certains Etats occidentaux, qui n’ont demandé l’autorisation de personne pour coloniser les pays du Sud, au lieu d’apporter le soutien nécessaire aux peuples de ces pays, s’obstinent à leur imposer des conditions drastiques qui entravent leur évolution naturelle vers le progrès.
Mieux encore ! Les Etats occidentaux et les institutions qui en dépendent ne savent que donner des leçons, à profusion, et dans le meilleur des cas prodiguer quelques conseils. Quant au soutien qu’ils concèdent, il est très faible et systématiquement soumis à conditions.
Plus encore ! Ils exigent des Etats du Sud qu’ils réalisent la stabilité et le développement dans des délais très limités, selon des modalités déterminées qui leur sont imposées sans tenir compte des parcours respectifs et des particularités nationales de ces Etats».
En somme, on vient sans être invités, on pille, on s’enrichit, on s’engraisse, on se paie sur la bâte, et on s’en va… pour garder un œil sur les anciennes possessions, qu’on critique copieusement de ne pas avoir fait ce qu’elles ne peuvent de toutes façons pas faire suite à l’état de délabrement culturel, sociale et économique dans lesquels les ont laissés leurs anciens colonisateurs.
«Des notations inadéquates, inappropriées et donc inutiles
L’opération de notation et de classement de ces Etats selon les paramètres en vigueur actuellement suscite de nombreuses interrogations.
Ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des Etats du Sud, ainsi que leur incapacité à présenter une image objective sur le niveau de développement humain dans ces pays.
Or ces aides, déjà faibles malheureusement, sont accordées souvent sur la base de ces classements, et à des conditions intenables».
Donc, on impose un modèle standard à des pays qui ne peuvent l’adopter en raison de leurs particularités, et c’est sur ces bases qu’on note, puis qu’on accorde les aides. Cela ne marchera jamais, dit Mohammed VI.
Des piques bien senties
A Sarkozy et son désastreux discours sur"l’homme africain qui n’est pas entré dans l’histoire"" le problème n’est pas inhérent à la nature ou aux aptitudes de l’homme africain, qui a déjà fait la démonstration de sa capacité à donner et à créer ,dès lors qu’il trouve les conditions appropriées et qu’il se libère du lourd passif légué par le colonisateur"
A la France, avec une délicieuse évocation du Dahir Berbère et des relations actuelles entre Rabat et Alger:"(Le colonisateur<) a instillé "les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple, et planté les germes du conflit et de la discorde entre les Etats du voisinage"
Aux Etats-Unis, avec leur dernier sommet sur l’Afrique où Obama, donneur de leçons, semblait penser qu’en réunissant les Africains et leur promettant 30 milliards de dollars, il allait résorber tous les problèmes:"Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le développement ne se réduit pas à de simples projets et crédits financiers ; pas plus que le sous-développement n’est consubstantiel aux Etats du Sud."
A tous, en leur intentant un procès, Mohammed VI se fonde sur la technique de la négation pour confirmer son propos et son intention:"Evoquer les effets négatifs du passé colonial, ne revient pas à intenter un procès contre qui que ce soit. Il s’agit plutôt d’un appel sincère à rendre justice aux Etats du Sud, en revoyant la manière de les aborder et en les soutenant dans leur évolution graduelle vers le progrès"
Un début de solution, peut-être ?…
Le roi Mohammed VI revient à son idée de capital immatériel, qu’il voit comme une panacée, en cela que les Etats doivent être jugés sur leur histoire et leurs processus de développement et non sur des chiffres froids et inexpressifs produits dans des bureaux feutrés ou se calfeutrent des fonctionnaires méconnaissant les réalités.
" Nous préconisons donc que le capital immatériel figure désormais parmi les principaux critères de mesure et de classement de la richesse des Etats.
Comme l’affirment les études effectuées par la Banque mondiale, le capital immatériel repose sur une série de données liées au vécu des populations, telles que la sécurité et la stabilité, les ressources humaines ainsi que le niveau des institutions, et la qualité de la vie et de l’environnement. Ces données ont assurément un grand impact sur l’élaboration des politiques publiques.
C’est dire que l’évolution des Etats ne devrait être assujettie à aucune notation ou classement. En revanche, elle devrait être perçue et traitée comme un processus historique, se fondant sur les accumulations positives de chaque pays, dans le respect de ses spécificités"
Une saine colère, comme dirait Ségolène Royal, une colère qui a le mérite de dire les choses telles qu’elles devraient être dites, sans fioritures. Cela étant, le capital immatériel, pour être vraiment utile, doit pouvoir être mis en valeur au Maroc, qui le préconise ; et cela ne saurait être fait sans d’autres colères, aussi saines mais plus nombreuses, contre les responsables qui l’ont en charge au Maroc et qui ne s’acquittent pas de leurs tâches comme ils le devraient.
http://www.panorapost.com/une-charg...roi-mohammed-vi-a-lonu-avec-des-verites-crues
Qu’a dit le roi au monde ? Des choses générales certes, mais la partie réservée aux anciens pays colonisateurs est d’une rare violence. Mohammed VI est réputé pour ses coups de sang ravageurs contre les indélicats et les incompétents locaux, mais cette fois-ci, sa mauvaise humeur est dirigée contre les anciens pays colonisateurs, et les nouveaux aussi, comme les Etats-Unis. Le roi dénonce la vérité absolue dont s’accaparent les pays du Nord, directement ou à travers leurs organismes politiques et leurs organisations financières. Quant aux agences de notation, elles agissent selon Mohammed VI en se fondant sur leur propre logique et sur des rapports élaborés par des organismes froids et détachés des réalités et spécificités des nations. Et tout cela crée le désordre, et risque d’engendrer le chaos, se révolte le roi…
Mohammed VI fait une réponse aux diktats du FMI et de la Banque mondiale, mais il attaque aussi le PNUD avec ses critères qui classent toujours le Maroc en piètre position en matière de développement humain.
La démarche est rigoureuse : le constat sur l’état des lieux du Tiers-monde, les responsabilités de cette situation déplorable des pays du sud, des vérités crues sur le pillage de nations entières par d’autres, puis une esquisse de solution.
Un discours d’une rare violence, oui donc, mais utile, sachant que les vérités sont quelquefois bonnes à dire, à asséner. Florilège.
Une dénonciation claire été explicite du colonialisme
L’entrée en matière :«Comme vous le savez , le développement durable ne se décrète pas par des décisions ou des recettes toutes prêtes, pas plus qu’il n’existe un seul et unique modèle en la matière. En effet, chaque pays a un parcours qui lui est propre, selon son évolution historique, son patrimoine civilisationnel et ses ressources humaines et naturelles, outre ses particularités politiques et ses choix économiques, ainsi que les écueils et les défis qu’il vient à affronter ».
puis le roi accélère :«Le premier appel que Je lance du haut de cette tribune est un appel pour le respect des spécificités de chaque pays, dans son itinéraire national, et de la volonté qui est la sienne d’édifier son propre modèle de développement. Cela vaut surtout pour les pays en voie de développement qui pâtissent encore des effets de la colonisation »
Et on en arrive au constat, qui met les pays développés face à leurs responsabilités et dénonce vigoureusement l’européocentrisme :
« Le colonialisme a causé de grands préjudices aux Etats qui en ont subi la tutelle. Le colonisateur y a entravé le processus de développement pendant de longues années. Il a exploité leurs richesses et les potentialités de leurs enfants, tout en altérant en profondeur les coutumes et les cultures respectives de leurs peuples.
Même si de nombreuses années se sont écoulées depuis, il n’en demeure pas moins que les Etats coloniaux portent une responsabilité historique pour la situation difficile, parfois dramatique, que vivent certains Etats du Sud, surtout en Afrique.
Aujourd’hui, après tous ces effets pervers,ces Etats n’ont pas le droit d’exiger des pays du Sud, un changement radical et rapide selon un schéma étranger à leurs cultures, leurs principes et leurs atouts propres ; comme si le développement ne pouvait se réaliser qu’à l’aune d’un modèle unique : le modèle occidental».
Mohammed VI dénonce certes l’Europe, en parlant de colonisation, mais les Etats-Unis, pays qui ne se range parmi les colonisateurs, ont également eu leur part de l’ire royale, à travers leur domination sur les organismes financiers internationaux et les agences de notation.
Une critique virulente contre la marche du monde selon l’Occident
«Mais certains Etats occidentaux, qui n’ont demandé l’autorisation de personne pour coloniser les pays du Sud, au lieu d’apporter le soutien nécessaire aux peuples de ces pays, s’obstinent à leur imposer des conditions drastiques qui entravent leur évolution naturelle vers le progrès.
Mieux encore ! Les Etats occidentaux et les institutions qui en dépendent ne savent que donner des leçons, à profusion, et dans le meilleur des cas prodiguer quelques conseils. Quant au soutien qu’ils concèdent, il est très faible et systématiquement soumis à conditions.
Plus encore ! Ils exigent des Etats du Sud qu’ils réalisent la stabilité et le développement dans des délais très limités, selon des modalités déterminées qui leur sont imposées sans tenir compte des parcours respectifs et des particularités nationales de ces Etats».
En somme, on vient sans être invités, on pille, on s’enrichit, on s’engraisse, on se paie sur la bâte, et on s’en va… pour garder un œil sur les anciennes possessions, qu’on critique copieusement de ne pas avoir fait ce qu’elles ne peuvent de toutes façons pas faire suite à l’état de délabrement culturel, sociale et économique dans lesquels les ont laissés leurs anciens colonisateurs.
«Des notations inadéquates, inappropriées et donc inutiles
L’opération de notation et de classement de ces Etats selon les paramètres en vigueur actuellement suscite de nombreuses interrogations.
Ces critères ont montré leurs limites et, souvent, leur décalage par rapport à la réalité des Etats du Sud, ainsi que leur incapacité à présenter une image objective sur le niveau de développement humain dans ces pays.
Or ces aides, déjà faibles malheureusement, sont accordées souvent sur la base de ces classements, et à des conditions intenables».
Donc, on impose un modèle standard à des pays qui ne peuvent l’adopter en raison de leurs particularités, et c’est sur ces bases qu’on note, puis qu’on accorde les aides. Cela ne marchera jamais, dit Mohammed VI.
Des piques bien senties
A Sarkozy et son désastreux discours sur"l’homme africain qui n’est pas entré dans l’histoire"" le problème n’est pas inhérent à la nature ou aux aptitudes de l’homme africain, qui a déjà fait la démonstration de sa capacité à donner et à créer ,dès lors qu’il trouve les conditions appropriées et qu’il se libère du lourd passif légué par le colonisateur"
A la France, avec une délicieuse évocation du Dahir Berbère et des relations actuelles entre Rabat et Alger:"(Le colonisateur<) a instillé "les ferments de la division entre les composantes d’un même peuple, et planté les germes du conflit et de la discorde entre les Etats du voisinage"
Aux Etats-Unis, avec leur dernier sommet sur l’Afrique où Obama, donneur de leçons, semblait penser qu’en réunissant les Africains et leur promettant 30 milliards de dollars, il allait résorber tous les problèmes:"Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le développement ne se réduit pas à de simples projets et crédits financiers ; pas plus que le sous-développement n’est consubstantiel aux Etats du Sud."
A tous, en leur intentant un procès, Mohammed VI se fonde sur la technique de la négation pour confirmer son propos et son intention:"Evoquer les effets négatifs du passé colonial, ne revient pas à intenter un procès contre qui que ce soit. Il s’agit plutôt d’un appel sincère à rendre justice aux Etats du Sud, en revoyant la manière de les aborder et en les soutenant dans leur évolution graduelle vers le progrès"
Un début de solution, peut-être ?…
Le roi Mohammed VI revient à son idée de capital immatériel, qu’il voit comme une panacée, en cela que les Etats doivent être jugés sur leur histoire et leurs processus de développement et non sur des chiffres froids et inexpressifs produits dans des bureaux feutrés ou se calfeutrent des fonctionnaires méconnaissant les réalités.
" Nous préconisons donc que le capital immatériel figure désormais parmi les principaux critères de mesure et de classement de la richesse des Etats.
Comme l’affirment les études effectuées par la Banque mondiale, le capital immatériel repose sur une série de données liées au vécu des populations, telles que la sécurité et la stabilité, les ressources humaines ainsi que le niveau des institutions, et la qualité de la vie et de l’environnement. Ces données ont assurément un grand impact sur l’élaboration des politiques publiques.
C’est dire que l’évolution des Etats ne devrait être assujettie à aucune notation ou classement. En revanche, elle devrait être perçue et traitée comme un processus historique, se fondant sur les accumulations positives de chaque pays, dans le respect de ses spécificités"
Une saine colère, comme dirait Ségolène Royal, une colère qui a le mérite de dire les choses telles qu’elles devraient être dites, sans fioritures. Cela étant, le capital immatériel, pour être vraiment utile, doit pouvoir être mis en valeur au Maroc, qui le préconise ; et cela ne saurait être fait sans d’autres colères, aussi saines mais plus nombreuses, contre les responsables qui l’ont en charge au Maroc et qui ne s’acquittent pas de leurs tâches comme ils le devraient.
http://www.panorapost.com/une-charg...roi-mohammed-vi-a-lonu-avec-des-verites-crues