Une étudiante modèle de Sciences Po d'origine algérienne arrêtée avec 10 kg d’héroïne au péage Saint-Arnoult-Yvelines

Pourquoi une étudiante modèle de Sciences Po Lille a-t-elle accepté de convoyer 10 kg d’héroïne ? Au tribunal de Versailles, tout le petit monde judiciaire attendait la réponse avec impatience, le mardi 2 juillet 2024. Tremblant de tout son corps, pleurant à chaudes larmes, Hélène* s’est avancée vers ses juges pour s’expliquer, clamer sa « honte », demander pardon.

La jeune femme a été arrêtée le vendredi 28 juin 2024, sur l’A10, à la barrière de péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines. À 2 h 40, les douaniers ont décidé de contrôler son Audi A3. Et ils n’ont pas été déçus du voyage. Dans une cache aménagée dans l’accoudoir central, ils ont découvert neuf blocs rectangulaires. Poids total : près de 10 kg. Nature du contenu : de l’héroïne. Valeur marchande : près de 300 000 euros.

Âgée de 21 ans, Hélène est immédiatement placée en garde à vue. La jeune femme va tout raconter. Ou presque. Craignant pour sa sécurité, elle refuse de donner le moindre nom, le moindre prénom. Seul le surnom de son commanditaire ressortira d’échanges sur WhatsApp. Il s’agit d’un certain Scarface.

Exploitée dans sa plus grande fragilité​

L’étudiante devait gagner 1 000 euros pour ce trajet destiné à alimenter la région d’Orléans (dép. 45 – Loiret). « En fait, ce n’est pas la première fois… J’en ai déjà fait une dizaine à Dijon (dép. 21 – Côte-d’Or) , Nantes (dép. 44 – Loire-Atlantique) ou encore Chambéry (dép. 73 – Savoie). Et si j’ai accepté, c’est à cause de mes problèmes d’argent. »

Il y a quelques mois, la jeune femme a été victime d’un accident de trottinette. Employée dans un restaurant près de Roubaix (dép. 59 – Nord), elle a été licenciée. Sans argent, elle ne parvenait plus à payer le loyer de 630 euros de sa chambre. Parallèlement, son petit ami de l’époque a réussi à détourner les aides qu’elle devait percevoir, non sans oublier de la frapper. Pour en rajouter une couche, sa mère lui aurait pris ses 8 000 euros d’économie.

Se tourner vers son père ? Hélène y a pensé. Mais les rapports sont conflictuels. Cet ancien douanier en Algérie lui reproche d’avoir fait Sciences Po quand son frère s’est orienté vers la médecine.

Tout cela va plonger l’étudiante dans une profonde dépression. Et c’est à cet instant que des proches de son petit ami vont entrer en scène. Ce sont eux qui vont lui proposer de convoyer de la drogue contre un peu d’argent. « Les longs trajets, je touchais 1 000 euros. Les plus courts, c’était 150 euros. »

« Je n’ai aucune excuse »​

« 150 euros ?, s’étonne la présidente du tribunal. C’est prendre beaucoup de risques pour pas grand-chose. » Les mains appuyées sur la barre, les doigts très fins crispés, Hélène fond en larmes.

« J’avais tellement besoin d’argent. J’ai extrêmement honte d’être ici, d’avoir fait ça, d’avoir trahi la loi, l’éducation très stricte que j’ai reçue. Madame la juge, sachez que je n’ai aucune excuse. Je ne viens pas pour ça. Je viens pour assumer. »
La prévenue
Hélène apprend alors que son appartement a été visité pendant la garde à vue. Toutes ses affaires ont été mises sans dessus dessous. Les commanditaires ont cherché le pain d’héroïne qu’elle n’avait pas réussi à mettre dans la cache. L’information n’encourage pas la jeune femme à donner des noms. « Je peux juste vous dire que je devais aller d’un point A à un point B. Je ne savais jamais quelle matière je transportais et en quelle quantité. »
 

« J’ai gâché ma vie »​

Son procès est aussi celui de la confession. « Je ne voulais pas que l’on me voie comme quelqu’un de faible. C’est à moi que mes amies demandent toujours de l’aide et du soutien. Pas l’inverse. Et regardez où j’en suis. Mes amis sont venus à Versailles pour voir mon procès. J’ai gâché ma vie », murmure-t-elle en réajustant sa veste de tailleur.

Quelle peine requérir contre cette jeune femme diplômée d’un bas S mention très bien, d’un master 1 à Sciences Po et dont le master 2 se déroule plutôt bien ? Pour la procureure de la République, l’heure est venue de faire tomber la foudre une seconde fois au même endroit. « Vous transportiez un produit qui donne la mort. Sachez que vous encourez 10 ans de prison ! » Hélène éclate en lourds sanglots. « Toutefois, la justice tient à l’individualisation de la peine. Convoyer 10 kg d’héroïne, c’est un acte d’une extrême gravité. Mais je prends en compte vos difficultés. » Le parquet demande 4 ans de prison, dont trois années avec sursis. La procureure estime que la partie ferme doit prendre la forme d’une incarcération ou d’une semi-liberté.

Pour maître Guillaume Teboul, l’enjeu est là : éviter la case prison à sa cliente. « On lui donne peu et on lui fait courir tous les risques. Dans un moment de grande faiblesse, elle a mis le pied dans la porte. Elle a accepté l’inacceptable. Chaque trajet réussi renforçait son sentiment d’impunité. Mais aujourd’hui, elle vient pour assumer. » L’avocat suspend sa plaidoirie. Il se penche et soulève un grand sac.

« Vous voyez, elle sait qu’elle risque la prison. Elle est prête à y aller. Mais le mérite-t-elle dans tout ce contexte ? »
Guillaume Teboul, avocat de la défense

« Disparaissez du Nord »​

Le tribunal se retire. De longues minutes s’écoulent. Lorsque la sonnerie de la reprise retentit, Hélène tente de faire bonne figure. « Vous êtes condamnée à 2 ans de prison, dont une année de sursis probatoire. Nous prononçons une amende de 20 000 euros. Pour la partie ferme, c’est une juge de l’application des peines qui décidera de la modalité. Nous vous donnons un conseil : éloignez-vous définitivement de Roubaix et de Lille. »

À peine sortie de la salle d’audience, Hélène s’effondre littéralement par terre. « Maître, ça veut dire que je ne vais pas en prison ce soir ? » L’avocat répond qu’elle reste libre, toute en la sermonnant sur le virage qu’elle doit prendre. « Le début de votre nouvelle vie commence maintenant. Arrêtez tout. Disparaissez du Nord. » Comme une enfant, Hélène lui saute au cou. « Merci de m’avoir fait éviter la prison. Je vais pouvoir faire mon prochain défilé et mes photos. » Là, c’est sa gloire passée qui ressurgit. Celle d’une miss de beauté locale.

* Le prénom a été modifié.

 
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