Alors que la presse égyptienne nationaliste et officielle fait campagne en faveur de la candidature du ministre de la Culture à la tete de l'UNESCO, les intellectuels égyptiens se montrent beaucoup plus réservés à l'égard de ce représentant fidèle d'un régime plutôt décrié.
Ceux qui ont lu la page entière consacrée à Farouk Hosni dans le quotidien cairote Al-Ahram auront compris que la "grandeur de l'Egypte" est mobilisée derrière sa candidature au poste de secrétaire général de l'UNESCO, comme elle avait été mobilisé derrière Boutros Boutros-Ghali [ancien secrétaire général de l'ONU], Mohamed ElBaradei [chef de l'AIEA] et Ahmed Zeweil [prix Nobel de chimie]. La grandeur de l'Egypte, le prestige de l'Egypte, le rôle régional de l'Egypte, c'est tout cela qui est en jeu. Une question patriotisme. Pourtant, les intellectuels égyptiens ne semblent pas déborder d'enthousiasme. Ils ne se retrouvent pas dans ce combat. Même l'hostilité de certains amis d'Israël tels que Bernard Henri-Lévy ne suffit pas à leur faire serrer les rangs derrière le candidat. Prenons les islamistes. Ils sont toujours prompts à dénoncer les pro-israéliens, mais leur aversion pour Hosni l'emporte sur l'aversion pour les amis d'Israël.
J'en conclus que les intellectuels, au-delà de leurs différences, n'adhèrent pas à son bilan de ministre de la Culture [poste qu'il occupe depuis vingt-deux ans]. Le réflexe consistant à faire bloc autour de Saddam Hussein ou d'Omar El-Béchir, déclarés héros de la résistance à l'étranger ne semble pas avoir prise sur eux. Hosni les laisse froids. Pis encore, il leur inspire de l'aversion. Mais la presse nationaliste égyptienne et arabe, Al-Ahram et les autres, continue de mener la bataille, les thuriféraires vantant ses succès en tant que ministre. L'enjeu essentiel, toutefois, c'est la grandeur de l'Egypte. Sauf qu'il n'y pas aujourd'hui de consensus national autour de la candidature de Hosni. Car ce dernier est un enfant du régime et il le restera.
Au départ, il était peintre. Un peintre formé à Paris. Le nommer au ministère de la Culture était une bonne idée, d'une intelligence rare chez les gouvernants arabes. On peut dire qu'il est un élève de Nicolas de Staël, celui qui se jeta par la fenêtre en laissant ce mot d'adieu devant sa toile : "Je ne veux pas finir ce tableau." Il fut un élève de de Staël et il le restera. Son dernier tableau en témoigne. La charge de son travail de ministre ne lui a pas laissé le temps d'évoluer, mais il a continué à peindre, à exposer et à vendre. A des prix astronomiques. Il a vendu des toiles pour plus de 100 000 dollars, voire 150 000 dollars, alors que feu le grand peintre Hassan Suleiman se contentait de quelques miettes. A l'époque où il vivait à Paris, son nom était cité dans les revues artistiques arabes. Cela n'empêche que les prix de ses toiles sont scandaleux, en comparaison de ceux obtenus par des artistes plus talentueux. Car personne ne peut dire s'il s'agit du prix de la toile ou du prix du ministre. C'est comme la valeur d'une chaussure d'Elvis Presley : ce qui coûte cher, ce n'est pas la chaussure mais le nom d'Elvis.
L'UNESCO nous intéresse en tant que telle. Un de ses rôles est de protéger la culture des peuples du monde entier, pas seulement celle de l'Occident. D'après ce qu'on peut conclure de l'article du dernier numéro du Monde diplomatique, l'organisation n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire sous la présidence actuelle de Koichiro Matsuura. Celui-ci aurait réduit les moyens financiers alloués à cette fin et attribué des postes à des Japonais et des Européens, dont certains sont entachés d'une réputation de racisme. Pire, il aurait transformé l'UNESCO en fief personnel et aurait déréglé tous ses mécanismes pour mettre la main dessus et en faire des instruments à son service. Sans parler de la corruption. Les gaspillages se chiffrent en millions. L'UNESCO est plongée dans un chaos total débâcle administrative et corruption. Farouk Hosni est-il la personne idoine pour la sortir de cette impasse ? Y a-t-il quelque chose dans son parcours qui le désigne comme le sauveur que tout le monde attend ? Ou est-il le successeur tout trouvé pour passer l'éponge sur les errements de Matsuura ?
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Ceux qui ont lu la page entière consacrée à Farouk Hosni dans le quotidien cairote Al-Ahram auront compris que la "grandeur de l'Egypte" est mobilisée derrière sa candidature au poste de secrétaire général de l'UNESCO, comme elle avait été mobilisé derrière Boutros Boutros-Ghali [ancien secrétaire général de l'ONU], Mohamed ElBaradei [chef de l'AIEA] et Ahmed Zeweil [prix Nobel de chimie]. La grandeur de l'Egypte, le prestige de l'Egypte, le rôle régional de l'Egypte, c'est tout cela qui est en jeu. Une question patriotisme. Pourtant, les intellectuels égyptiens ne semblent pas déborder d'enthousiasme. Ils ne se retrouvent pas dans ce combat. Même l'hostilité de certains amis d'Israël tels que Bernard Henri-Lévy ne suffit pas à leur faire serrer les rangs derrière le candidat. Prenons les islamistes. Ils sont toujours prompts à dénoncer les pro-israéliens, mais leur aversion pour Hosni l'emporte sur l'aversion pour les amis d'Israël.
J'en conclus que les intellectuels, au-delà de leurs différences, n'adhèrent pas à son bilan de ministre de la Culture [poste qu'il occupe depuis vingt-deux ans]. Le réflexe consistant à faire bloc autour de Saddam Hussein ou d'Omar El-Béchir, déclarés héros de la résistance à l'étranger ne semble pas avoir prise sur eux. Hosni les laisse froids. Pis encore, il leur inspire de l'aversion. Mais la presse nationaliste égyptienne et arabe, Al-Ahram et les autres, continue de mener la bataille, les thuriféraires vantant ses succès en tant que ministre. L'enjeu essentiel, toutefois, c'est la grandeur de l'Egypte. Sauf qu'il n'y pas aujourd'hui de consensus national autour de la candidature de Hosni. Car ce dernier est un enfant du régime et il le restera.
Au départ, il était peintre. Un peintre formé à Paris. Le nommer au ministère de la Culture était une bonne idée, d'une intelligence rare chez les gouvernants arabes. On peut dire qu'il est un élève de Nicolas de Staël, celui qui se jeta par la fenêtre en laissant ce mot d'adieu devant sa toile : "Je ne veux pas finir ce tableau." Il fut un élève de de Staël et il le restera. Son dernier tableau en témoigne. La charge de son travail de ministre ne lui a pas laissé le temps d'évoluer, mais il a continué à peindre, à exposer et à vendre. A des prix astronomiques. Il a vendu des toiles pour plus de 100 000 dollars, voire 150 000 dollars, alors que feu le grand peintre Hassan Suleiman se contentait de quelques miettes. A l'époque où il vivait à Paris, son nom était cité dans les revues artistiques arabes. Cela n'empêche que les prix de ses toiles sont scandaleux, en comparaison de ceux obtenus par des artistes plus talentueux. Car personne ne peut dire s'il s'agit du prix de la toile ou du prix du ministre. C'est comme la valeur d'une chaussure d'Elvis Presley : ce qui coûte cher, ce n'est pas la chaussure mais le nom d'Elvis.
L'UNESCO nous intéresse en tant que telle. Un de ses rôles est de protéger la culture des peuples du monde entier, pas seulement celle de l'Occident. D'après ce qu'on peut conclure de l'article du dernier numéro du Monde diplomatique, l'organisation n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire sous la présidence actuelle de Koichiro Matsuura. Celui-ci aurait réduit les moyens financiers alloués à cette fin et attribué des postes à des Japonais et des Européens, dont certains sont entachés d'une réputation de racisme. Pire, il aurait transformé l'UNESCO en fief personnel et aurait déréglé tous ses mécanismes pour mettre la main dessus et en faire des instruments à son service. Sans parler de la corruption. Les gaspillages se chiffrent en millions. L'UNESCO est plongée dans un chaos total débâcle administrative et corruption. Farouk Hosni est-il la personne idoine pour la sortir de cette impasse ? Y a-t-il quelque chose dans son parcours qui le désigne comme le sauveur que tout le monde attend ? Ou est-il le successeur tout trouvé pour passer l'éponge sur les errements de Matsuura ?
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