‘Uthman Ibn ‘Affan, l’homme aux deux lumières

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Son nom est ‘Uthman fils de ‘Affan fils de Umayya fils de ‘Abd al-Chams fils de ‘Abd al-Manaf fils de Qussay. Son arbre généalogique rejoint celui du Prophète ﷺ à `Abd al-Manaf. Sa kounya (surnom) officielle est Abou ‘Abd Allah. Il est né dans la ville de Tâ’if (en Arabie) 6 ans après l’année dite de l’éléphant. Il s’est converti à l’Islam par l’intermédiaire d’Abu Bakr Al-Siddîq. Il avait alors 39 ans.

‘Uthman fait partie des premiers mecquois à enter en Islam. Certains historiens affirment d’ailleurs qu’il est le quatrième compagnon à se convertir. Marchand prospère issu du clan des Umayyades, Il épousa l’une des filles de Muhammad ﷺ, Ruqayya, et accompagna le Prophète dès les débuts de la prédication coranique. Il a eu avec elle un enfant nommé ‘Abd Allah.

À la mort de Ruqayya, en 624, il épousa une autre fille de Muhammad ﷺ, Umm Khulthum. Ces deux mariages successifs lui vaudront le surnom de « Dhû al-Nûrayn », « celui qui possède les deux Lumières ». A ce sujet, dans une tradition, le Prophète ﷺ déclare : « si j’avais une troisième fille à marier, je te l’aurais donnée pour épouse », illustrant ainsi la proximité d’Uthman avec lui. Il fut désigné calife, au mois de Muharram de la 24ème année de l’Hégire, et règna durant douze ans.

Les deux émigrations

Les polythéistes de la Mecque persécutaient les premiers musulmans et la conversion de ‘Uthman suscita la colère de son clan, les Banu Umayya. Après de multiples épreuves et exactions, le Prophète ordonna ﷺ, en 615, la première émigration des croyants vers l’Abyssinie (Ethiopie). Les croyants quittaient la Mecque en secret, avec leur monture ou à pied pour les plus pauvres. ‘Uthman participa à cette émigration avec sa femme Ruqayya durant le mois de Rajab.

Par la suite, il revint à la Mecque pensant que les hostilités s’étaient amenuisées. En 622, ‘Uthman émigra de nouveau, et définitivement, à Médine avec le Prophète ﷺ. Lors de la bataille de Badr, malgré son désir ardent de participer à cette confrontation, le Prophète lui ordonna de rester à Médine du fait de la maladie de son épouse, Ruqayya. La fille du Prophète décédera de cette maladie à la fin de la bataille de Badr.

‘Uthman participa toutefois à la bataille d’Uhud et lors de la bataille de Tabuk, il aida financièrement les musulmans et leur armée. Cet évènement est d’ailleurs mentionné dans une anecdote relatée par ‘Abd Allah Ibn Mas’ud :

« le Messager de Dieu a vu `Uthman Ibn `Affan qui s’affairait pour l’armée en manque de moyens, il faisait des allers-retours. Le Prophète ﷺ dit alors: « Ô Allah accorde le pardon à `Uthman pour ce qu’il a fait et ce qu’il va faire, ce qu’il a fait au grand jour et ce qu’il a fait en cachette. »

Sous le califat d’Abu Bakr et d’Umar

Lorsqu’Abu Bakr devint calife, ‘Uthman intègra directement Ahl-ul Chura (les gens de la consultation). Ahl-ul Chura était composé d’un nombre restreint de grand compagnon du prophète ﷺ. Abu Bakr les consultait pour la gestion des musulmans et du califat. Leurs paroles avaient beaucoup de poids dans les prises de position du premier calife.

‘Uthman a continué à tenir un rôle important pendant le règne du calife de ‘Umar. Il conseilla le deuxième calife de l’Islam dans la gestion des biens acquis durant les conquêtes ou encore dans l’organisation de la société musulmane avec l’établissement du calendrier hégirien. Il fut l’une des six personnes qu’Umar a nommées, avant son décès, pour choisir son successeur.

En effet, avant de mourir suite à sa blessure, ‘Umar eut la présence d’esprit de dire aux gens comment organisé sa succession. Il fit une liste de six compagnons capable de lui succéder, composé de ‘Ali ibn Abi Talib, ‘Uthman Ibn ‘Affan, ‘Abderrahman Ibn ‘Awf, Sa’d ibn Abi Waqqas, Zubayr Ibn Al ‘Awwam et Talha ibn ‘Ubaydillah.

‘Umar leur ordonna de ne pas dépasser trois jours de consultation pour choisir le nouveau calife. Ce comité choisi ‘Uthman pour être le prochain calife, bien que lui-même ait voté pour ‘Ali Ibn Abi Talib. Il devint donc le troisième calife de l’islam le jeudi 4 du mois de Muharram de la 23eme année de l’hégire. ‘Uthman régna durant douze années. C’est le plus long règne d’un calife rashidun (bien guidé).

à suivre inshAllah

 

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Expansion islamique et vulgate ‘uthmânienne

Dès son intronisation, ‘Uthman poursuivit l’œuvre de ‘Umar en organisant l’administration du califat et en continuant l’expansion islamique. Le grand mouvement de conquêtes s’étend alors vers l’Afrique du Nord et vers la Perse. L’année 649 voit la conquête de nombreux territoires africains et espagnols, tandis que Rhodes et la Crète sont également conquises sur l’Empire byzantin. Enfin, une partie de la Sicile est conquise vers 650.

La formation commerciale d’Uthman l’aida à introduire des réformes financières qui ont considérablement augmenté la richesse du califat. Il allégea les restrictions sur la vente des terres dans les territoires conquis, ce qui permis au commerce de prospérer. Il augmenta d’environ 25 % l’allocation publique qu’Umar avait introduite, établissant ainsi l’État-providence dans l’Islam.

Il joua également un rôle déterminant dans l’institutionnalisation de la religion musulmane en élaborant notamment la version « définitive » du Coran, qu’on appelle la « vulgate ‘uthmânienne ». Durant son califat, il repris les feuillets rassemblés par Abu Bakr et les firent vérifier et confirmer par les compagnons avant de les copier en un seul livre. Il diffusa ensuite plusieurs exemplaires du Coran dans l’empire musulman. La vulgate ‘uthmânienne devint ainsi le texte coranique de référence jusqu’à nos jours.

Troubles et contestations

La prospérité de l’Empire de l’Islam sous le califat d‘Uthman amèna les puissances extérieures menacées par l’expansion arabe à favoriser les divisions internes en encourageant notamment les contestations. Des contestations naissantes dû également à la politique d’Uthman allant parfois l’encontre des décisions des précédents califes (Abu Bakr et ‘Umar). ‘Uthman s’est attiré la foudre de la foule et de plusieurs compagnons qui lui ont reproché les choses suivantes :

• Il a nommé comme gouverneurs les descendants de ceux qui ont combattu le Prophète (Banu Umayya) et a éloigné les compagnons en poste précédemment. Il a notamment destitué ‘Abd Allah Ibn Mas’ud du Trésor public et a fait revenir à Médine Marwan Ibn al Hakam que le Prophète ﷺ avait banni. Il l’a même engagé comme conseiller politique. Ce faisant, il a favorisé l’appropriation du pouvoir par le clan des Umayyades, tribu dont est il était lui-même issu.

• Il s’est aliéné par sa politique le soutien de grands compagnons (Abu Dharr, Ibn Mas’ud, ‘Ammar ibn Yassir). Il est à l’origine direct ou indirect selon les récits de l’exil de Abu Dharr sur demande de Mu’awiyya dont le pouvoir s’est accru durant ce califat. Il n’a pas redistribué l’argent accumulé dans les caisses, à l’exception de la zakat, selon le reproche fait par Abu Dharr.

Ces différentes décisions suscitèrent également le ressentiment de nombreuses personnalités musulmanes, notamment en Irak dans les villes de Basra et Kufa. S’ajouta à cela, la gronde des partisans ‘Ali qui se développa allant jusqu’à prôner l’action violente pour rétablir le calife « légitime ».

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En 656, conscient du mécontentement qui grandit contre lui, ‘Uthman décida de convoquer, à la Mecque pour le pèlerinage, une assemblée de tous les gouverneurs du califat et de toute personne ayant un grief à partager. Au grand dam de ses opposants, le discours auto-critique du calife convainc la majeure partie de l’assemblée. Cette victoire temporaire canalisa la révolte pour un court moment.

Malgré cette initiative, la rébellion anti-uthmaniene se poursuivit dans plusieurs provinces, et durant l’année 656, Muhammad ibn Abi Hudhaifa, leader des contestataires, pris le pouvoir en Égypte à la suite d’un coup d’État. La gronde s’étendra à Basra et à Kufa, où le contrôle de la province échappa des mains du gouverneur. Chacun de ces trois groupes de rebelles voulurent remplacer ‘Uthman par un nouveau calife : les Égyptiens soutenaient ‘Ali, tandis que Kufa fut partisane d’al-Zubayr alors que Basra se prononça en faveur de Talhah.



La mort tragique du 3e calife

Au cours de l’été 656, 1000 rebelles se rassemblèrent, avec l’objectif d’assassiner ‘Uthman, en se dirigeant vers sa demeure à Médine. Ils assiégèrent sa maison, tandis que ce dernier refusa de se battre bien que ses partisans furent plus nombreux que les rebelles, affirmant qu’il voulu éviter une effusion de sang parmi les musulmans.

Lorsque la nouvelle parvint à ‘Ali, il ordonna à ses deux fils Al-Hassan et Al-Houssayn de défendre la demeure du calife, en précisant de « ne laissez personne parvenir jusqu’à lui ». Al-Zubayr fit de même pour protéger la maison d’Uthman et empêcher les gens d’entrer. Cependant, certains opposants parvinrent tout de même à se glisser à l’intérieur de la maison du calife.

Ils firent irruption alors que ‘Uthman était plongée dans la récitation du Coran. L’un d’entre eux lui donna alors un coup d’épée. ‘Uthman Ibn ‘Affan sera finalement assassiné chez lui le 17 juin 656 correspondant au 18 du mois de Dhu l-Hijjah de l’an 35 de l’hégire. Il meurt, à l’âge de 90 ans, avant d’avoir pu nommer un successeur. Il sera enterré la nuit du samedi dans le cimetière de Al-Baqi à Médine.

Dans une tradition, durant le blocus de sa demeure par les rebelles, le calife soulignera avoir vu, en songe, le Prophète ﷺ annonçant son futur décès : « J’ai vu hier le Messager de Dieu dans un rêve. Il y avait avec lui Abu Bakr et `Umar. Ils m’ont dit: patiente, tu viendras à nos côtés à l’heure de la rupture [jeûne] la nuit prochaine. »




Les mérites d’Uthman Ibn ‘Affan

‘Uthman Ibn ‘Affan fait partie des dix compagnons auxquels le Prophète ﷺ a annoncé, de son vivant, la bonne nouvelle du Paradis. Il était un homme noble, connu des tribus arabes, et un commerçant fortuné qui dépensait énormément, de ce que Dieu lui avait octroyé, pour le bien des musulmans et de l’islam.

En ce sens, Abu Hurayrah, indique dans une tradition que « ‘Uthman Ibnou ‘Affan a gagné le Paradis deux fois auprès du Messager de Dieu, la première lorsqu’il a creusé le puits de Rumah et la deuxième lorsqu’il a subvenu aux besoins de l’armée qui manquait de moyens [durant la bataille de Tabuk] ». Le puit de Rumah était un puit dont l’eau était vendue aux musulmans. ‘Uthman acheta ce puit et en fit un waqf (donation) pour l’ensemble des croyants. Ce puit est jusqu’à aujourd’hui connu à Médine.

Dans une autre tradition prophétique, ‘Aïcha la femme du Messager de Dieu, mentionne notamment la pudeur dont le Prophète et même les anges faisaient preuve à la présence d’Uthman. Le Messager de Dieu avait effectivement coutume de dire : « Ne dois-je pas faire preuve de pudeur avec un homme vis-à-vis duquel les anges font preuve de pudeur ? ».



Ibrahim Madras