Lorsque le pape Benoit XVI glose sur l'antagonisme intrinsèquement islamique entre foi et raison, ou qu'un caricaturiste ose tourner en dérision un prophète figé dans une sacralité sclérosante, c'est l'ensemble du monde islamique, du Caire à Islamabad en passant par Paris et Londres, qui réagit dans une hystérie défensive et vindicative.
Plus de différence ni de distance entre le quiétiste et l'intégriste, entre l'élite intellectuelle et la horde, entre les régimes théocratiques et les républiques semi-laïques, entre l'islam savant et l'islam populaire ou maraboutique. Tous se mobilisent pour dénoncer l'islamophobie occidentale et les multiples croisades menées contre l'islam pour le discréditer et le honnir. Et pour cause : soutenir l'islam, plaider pour la supériorité de sa doctrine sur les autres systèmes religieux ou philosophiques et pour l'excellence de sa morale est une obligation religieuse.
Où qu'il soit, le devoir de chaque musulman - outre le prosélytisme - est de prendre fait et cause pour sa religion et pour ses coreligionnaires contre les ennemis et les comploteurs. "Soutiens ton frère en islam, qu'il soit victime ou coupable", stipule un hadith attribué au prophète. Indéniablement, ce devoir trouve dans le corpus coranique certaines arguties théologiques et dans la sunna quelques justifications prophétiques. De là à dévoyer ces mêmes alibis à des fins terroristes, il n'y a qu'un pas que les candidats au martyr ont vite franchi.
Lorsqu'en revanche une jeune fille de 17 ans, dans le nord-ouest du Pakistan, se fait flageller par un infâme taliban, au nom d'une charia primitive et nauséabonde, la voix de l'islam devient inaudible et la fierté islamique se fait toute petite. Tout le monde se tait : les têtes pensantes comme les têtes couronnées rejoignent les têtes enturbannées dans un silence bien oecuménique. La açabiya, cette solidarité tribale et atavique si bien comprise par Ibn Khaldûn, agit sur les esprits comme un opium. Le frère en religion, si abjecte soit sa conduite, se substitue au frère en humanité. Tout cela pour la gloire de Dieu et l'intégrité de l'islam.
Pourtant, à y regarder de près, qu'est-ce qui est plus préjudiciable pour Dieu et plus dégradant pour l'islam, la barbarie talibanesque, déversant toute sa haine et toute sa frustration sexuelle sur le corps d'une jeune fille sans défense, ou le dessin d'un caricaturiste danois ? Qu'est-ce qui est plus choquant pour une religion digne de ce nom, l'encre d'un journaliste ou d'un écrivain irrévérencieux ou le sang des innocents qu'on flagelle, qu'on mutile et qu'on décapite, sans parler des victimes déchiquetées par les attentats-suicides ? C'est pourtant ce prophète, au nom duquel on prétend agir, qui enseignait que "l'encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr" !
Assoupis, nos yeux se sont accoutumés à ces horreurs affligeantes : les châtiments corporels. Ce ne sont que des scènes ordinaires dans les pays où le soleil d'Allah brille de ses mille éclats. Particulièrement dans les deux théocraties totalitaires, la wahhabite-sunnite et la khomeyniste-chiite, qui rivalisent d'ingéniosité répressive pour commettre leurs forfaits et méfaits sans laisser de traces visuelles, contrairement à ce qui vient de se passer avec la jeune Pakistanaise flagellée et dont la vidéo a fait le tour du monde.
Que Dieu bénisse Internet ! Un outil maléfique et diabolique pour certains grands muftis de l'islam sunnite qui professent leurs visions conservatrices sur les chaînes de télévision arabes, ou pour certains ayatollahs de l'islam chiite qui diffusent leurs théologies djihadiques pour égarer les âmes et galvaniser les esprits. Cette absence de preuves par la photo ou par la vidéo arrange d'ailleurs tout le monde ; les bourreaux comme leurs alliés occidentaux chez lesquels l'invocation des droits de l'homme obéit souvent à une géométrie invariablement variable. La macabre comptabilité, tenue par Amnesty International, des exécutions par lapidation ou décapitation en Arabie saoudite et en Iran, relève du délire.
La secte talibane est précisément une excroissance du wahhabisme saoudien, qui est pour l'islam ce que l'Inquisition fut au christianisme : une perversion théologico-politique. Passer du wahhabisme au talibanisme est un processus psychologique et idéologique tout à fait naturel. Le cas d'Oussama Ben Laden est significatif. Lorsque cette secte gouvernait l'Afghanistan au grand dam du commandant Massoud, les seuls Etats qui avaient reconnu leur pouvoir sanguinaire sont l'Arabie saoudite et le Pakistan, deux pays également fondés sur une base confessionnelle et qui doivent leur naissance au génie stratégique anglo-américain.
Plus de différence ni de distance entre le quiétiste et l'intégriste, entre l'élite intellectuelle et la horde, entre les régimes théocratiques et les républiques semi-laïques, entre l'islam savant et l'islam populaire ou maraboutique. Tous se mobilisent pour dénoncer l'islamophobie occidentale et les multiples croisades menées contre l'islam pour le discréditer et le honnir. Et pour cause : soutenir l'islam, plaider pour la supériorité de sa doctrine sur les autres systèmes religieux ou philosophiques et pour l'excellence de sa morale est une obligation religieuse.
Où qu'il soit, le devoir de chaque musulman - outre le prosélytisme - est de prendre fait et cause pour sa religion et pour ses coreligionnaires contre les ennemis et les comploteurs. "Soutiens ton frère en islam, qu'il soit victime ou coupable", stipule un hadith attribué au prophète. Indéniablement, ce devoir trouve dans le corpus coranique certaines arguties théologiques et dans la sunna quelques justifications prophétiques. De là à dévoyer ces mêmes alibis à des fins terroristes, il n'y a qu'un pas que les candidats au martyr ont vite franchi.
Lorsqu'en revanche une jeune fille de 17 ans, dans le nord-ouest du Pakistan, se fait flageller par un infâme taliban, au nom d'une charia primitive et nauséabonde, la voix de l'islam devient inaudible et la fierté islamique se fait toute petite. Tout le monde se tait : les têtes pensantes comme les têtes couronnées rejoignent les têtes enturbannées dans un silence bien oecuménique. La açabiya, cette solidarité tribale et atavique si bien comprise par Ibn Khaldûn, agit sur les esprits comme un opium. Le frère en religion, si abjecte soit sa conduite, se substitue au frère en humanité. Tout cela pour la gloire de Dieu et l'intégrité de l'islam.
Pourtant, à y regarder de près, qu'est-ce qui est plus préjudiciable pour Dieu et plus dégradant pour l'islam, la barbarie talibanesque, déversant toute sa haine et toute sa frustration sexuelle sur le corps d'une jeune fille sans défense, ou le dessin d'un caricaturiste danois ? Qu'est-ce qui est plus choquant pour une religion digne de ce nom, l'encre d'un journaliste ou d'un écrivain irrévérencieux ou le sang des innocents qu'on flagelle, qu'on mutile et qu'on décapite, sans parler des victimes déchiquetées par les attentats-suicides ? C'est pourtant ce prophète, au nom duquel on prétend agir, qui enseignait que "l'encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr" !
Assoupis, nos yeux se sont accoutumés à ces horreurs affligeantes : les châtiments corporels. Ce ne sont que des scènes ordinaires dans les pays où le soleil d'Allah brille de ses mille éclats. Particulièrement dans les deux théocraties totalitaires, la wahhabite-sunnite et la khomeyniste-chiite, qui rivalisent d'ingéniosité répressive pour commettre leurs forfaits et méfaits sans laisser de traces visuelles, contrairement à ce qui vient de se passer avec la jeune Pakistanaise flagellée et dont la vidéo a fait le tour du monde.
Que Dieu bénisse Internet ! Un outil maléfique et diabolique pour certains grands muftis de l'islam sunnite qui professent leurs visions conservatrices sur les chaînes de télévision arabes, ou pour certains ayatollahs de l'islam chiite qui diffusent leurs théologies djihadiques pour égarer les âmes et galvaniser les esprits. Cette absence de preuves par la photo ou par la vidéo arrange d'ailleurs tout le monde ; les bourreaux comme leurs alliés occidentaux chez lesquels l'invocation des droits de l'homme obéit souvent à une géométrie invariablement variable. La macabre comptabilité, tenue par Amnesty International, des exécutions par lapidation ou décapitation en Arabie saoudite et en Iran, relève du délire.
La secte talibane est précisément une excroissance du wahhabisme saoudien, qui est pour l'islam ce que l'Inquisition fut au christianisme : une perversion théologico-politique. Passer du wahhabisme au talibanisme est un processus psychologique et idéologique tout à fait naturel. Le cas d'Oussama Ben Laden est significatif. Lorsque cette secte gouvernait l'Afghanistan au grand dam du commandant Massoud, les seuls Etats qui avaient reconnu leur pouvoir sanguinaire sont l'Arabie saoudite et le Pakistan, deux pays également fondés sur une base confessionnelle et qui doivent leur naissance au génie stratégique anglo-américain.