(l'Islam , la république et le Monde .
par Alain Gresh ..)
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"Je le répète, je suis athée. Je me réclame du rationalisme et je ne crois à aucune vérité révélée. En dépit de la curiosité que j’éprouve pour les religions, leurs textes sacrés, leurs mythes fondateurs, ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce n’est pas tant ce qu’elles disent, ni même leur histoire, jalonnée de bien des crimes, que ce que font les croyants.
Il existe en Israël une association de rabbins contre l’occupation, et je me sens proche d’eux. Des prêtres ont participé aux luttes sociales en Amérique latine, inventant la théologie de la libération, j’ai suivi leurs combats avec passion. Des musulmans ont lutté, au nom de leur foi, contre l’occupation coloniale : faut il les condamner parce que l’idéologie des colonisateurs s’appuyait sur les Lumières et le progrès, alors que l’islam était « rétrograde » ? Je n’ai jamais idéalisé les mouvements des opprimés. Je ne sais quel écrivain notait que la révolte de Spartacus et des esclaves devait apparaître bien « barbare » à l’aune de la vie raffinée à Rome. La cause des peuples algérien et vietnamien était « juste » ; cela ne veut pas dire que chaque action du combat pour leur libération était juste, ni que la société qu’allaient construire les anciens dominés serait « idéale ».
En un mot, la culpabilité, le « sanglot de l’homme blanc », ne m’étouffe pas, mais je reste persuadé qu’il faut se situer du côté des opprimés contre les oppresseurs.Comment se reconnaître dans le débat sur l’islam qui déchire la société française et interpelle les pays dits « occidentaux » ? D’abord en faisant une constatation simple : l’islam ne définit pas une politique. En Égypte, l’islam est resté religion d’État sous la monarchie, sous la République nassérienne et socialiste, sous le pouvoir d’Anouar Al-Sadate. En Turquie, un parti à référence musulmane a gagné les élections de novembre 2002 ; deux ans d’exercice du pouvoir ont fait la preuve de la « normalité » de cette formation, que l’on pourrait rapprocher des démocraties chrétiennes de l’après-guerre en Europe.
Elle suscite néanmoins des contestations liées à… sa politique néolibérale. Prenons l’exemple de la France. J’ai côtoyé de nombreux militants musulmans inscrits dans la lutte altermondialiste : ils ne me semblent ni plus ni moins qualifiés que d’autres militants, catholiques, juifs, protestants ou athées, pour participer à des luttes d’émancipation. Pourquoi alors suscitent-ils une telle méfiance ? Pourquoi une organisation altermondialiste qui compte parmi ses membres Témoignage chrétien ou encore le CCFD s’interroge t-elle longuement pour savoir si elle peut mener un dialogue avec des organisations musulmanes ? Pourquoi ce rejet est-il spécifique à la France ?"