Extrait de son livre paru en avril 2011 : Les mots de ma vie
Vieillir, cest chiant. Jaurais pu dire : vieillir, cest désolant, cest insupportable, cest douloureux, cest horrible, cest déprimant, cest mortel. Mais jai préféré « chiant » parce que cest un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste.
Vieillir, cest chiant parce quon ne sait pas quand ça a commencé et lon sait encore moins quand ça finira. Non, ce nest pas vrai quon vieillit dès notre naissance. On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant. On était bien dans sa peau. On se sentait conquérant. Invulnérable. La vie devant soi. Même à cinquante ans, cétait encore très bien. Même à soixante. Si, si, je vous assure, jétais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme. Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps mais quand jai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de lâge quils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge. Jai lu dans leurs yeux quils nauraient plus jamais dindulgence à mon égard. Quils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables. Sans men rendre compte, jétais entré dans lapartheid de lâge.
Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect », « En hommage respectueux », « Avec mes sentiments très respectueux ». Les ******* ! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect ? Les **** ! Et du « cher Monsieur Pivot » long et solennel comme une citation à lordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !
Un jour, dans le métro, cétait la première fois, une jeune fille sest levée pour me donner sa place. Jai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué. « Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. Jai pensé que » Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? - Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. Parce que jai les cheveux blancs ? Non, cest pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, ça été un réflexe, je me suis levée - Je parais beaucoup beaucoup plus âgé que vous ? Non, oui, enfin un peu, mais ce nest pas une question dâge - Une question de quoi, alors ? Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois »
Jai arrêté de la taquiner, je lai remerciée de son geste généreux et lai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.
Vieillir, cest chiant. Jaurais pu dire : vieillir, cest désolant, cest insupportable, cest douloureux, cest horrible, cest déprimant, cest mortel. Mais jai préféré « chiant » parce que cest un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste.
Vieillir, cest chiant parce quon ne sait pas quand ça a commencé et lon sait encore moins quand ça finira. Non, ce nest pas vrai quon vieillit dès notre naissance. On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant. On était bien dans sa peau. On se sentait conquérant. Invulnérable. La vie devant soi. Même à cinquante ans, cétait encore très bien. Même à soixante. Si, si, je vous assure, jétais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme. Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps mais quand jai vu le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de lâge quils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge. Jai lu dans leurs yeux quils nauraient plus jamais dindulgence à mon égard. Quils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables. Sans men rendre compte, jétais entré dans lapartheid de lâge.
Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect », « En hommage respectueux », « Avec mes sentiments très respectueux ». Les ******* ! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect ? Les **** ! Et du « cher Monsieur Pivot » long et solennel comme une citation à lordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !
Un jour, dans le métro, cétait la première fois, une jeune fille sest levée pour me donner sa place. Jai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué. « Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. Jai pensé que » Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? - Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. Parce que jai les cheveux blancs ? Non, cest pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, ça été un réflexe, je me suis levée - Je parais beaucoup beaucoup plus âgé que vous ? Non, oui, enfin un peu, mais ce nest pas une question dâge - Une question de quoi, alors ? Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois »
Jai arrêté de la taquiner, je lai remerciée de son geste généreux et lai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.