Tous les enfants malheureux ne finissent pas en dictateurs sanguinaires. Mais ces derniers ont tous grandi dans des environnements angoissants. Hitler, Staline et Saddam Hussein subissaient les coups de pères violents. Qu'en est-il de Vladimir Poutine, né en URSS ? L'ancien espion du KGB n'a raconté ses débuts qu'une seule fois, en 2000, à trois journalistes (Vladimir Poutine ; première personne, So Lonely). "Il allait être élu président, mais le public ne le connaissait pas, ses conseillers voulaient changer cela ; il s'est montré franc et sincère comme il ne le sera jamais plus après ces entretiens", fait valoir l'une des coauteurs, Natalia Guevorkian.
Le maître du Kremlin y dévoile une jeunesse difficile. Il grandit dans un appartement communautaire, froid et spartiate, à Leningrad - l'actuelle Saint-Pétersbourg. Ses parents ouvriers ont connu les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Sa mère a souffert de la famine, au point, une fois, de "perdre connaissance" et d'être "prise pour morte". Son père, "très autoritaire", manque de se faire tuer à plusieurs reprises au cours d'opérations derrière les lignes allemandes. Avant l'arrivée "miraculeuse" du petit Vladimir en 1952 (sa mère a alors 41 ans), les Poutine avaient perdu deux fils : l'un peu de temps après être né, l'autre dans sa deuxième année de vie, lors du siège de Leningrad.
"C'est une enfance sinistre, que l'on retrouve toujours chez les grands criminels ordinaires, comme un Michel Fourniret, ou d'Etat, comme Staline ou Milosevic, relève le psychiatre Pierre Lassus, qui a écrit sur ces profils (L'Enfance du crime, François Bourin). On reconnaît d'ailleurs chez Poutine des comportements qui peuvent relever de pathologies de types paranoïaque ou mégalomaniaque, que ses terreurs d'enfance ont pu nourrir."
"Il faut frapper le premier"
Son échappatoire : les mauvais coups. "J'étais vraiment une petite canaille", raconte-t-il, confessant un "caractère bagarreur". A "10-11 ans", il rejoint une petite salle d'arts martiaux où il apprend le sambo (lutte russe), puis le judo. Il s'y trouve un entraîneur et mentor, Anatoli Rakhline, qui le "sort de la rue". "Si je n'avais pas commencé à faire du sport, je ne sais pas comment ma vie aurait tourné", assure-t-il.Canalisé, le petit "Volodia", nourri de littérature d'espionnage, se rêve en agent du KGB, la police politique soviétique. Au point de toquer à la porte de la direction locale "pour comprendre comment devenir espion", alors qu'il est en neuvième année d'école (équivalent de la troisième). "Une démarche hallucinante, qui marque un besoin précoce de reconnaissance et de compensation affective", estime Pierre Lassus.
Poutine livre une autre anecdote édifiante dans Première personne : sa confrontation à un rat, qu'il a chassé dans son hall d'immeuble. "Il s'est retourné et il m'a bondi dessus. Ça m'a surpris et j'ai eu très peur. Le rat s'est mis à me poursuivre. [...] J'ai été plus rapide que lui et j'ai réussi à lui claquer la porte au nez." Quelle leçon a-t-il tirée de cet épisode ? Interrogé plus loin sur le conflit tchétchène, il rétorque qu'il "faut frapper le premier et si fort que votre adversaire ne se relèvera pas". Une sentence qui résonne aujourd'hui de façon dramatique.
Vladimir Poutine : l'enfance sinistre d'un futur envahisseur
Le petit Vladimir, dont les parents ont connu les horreurs de la guerre, a vécu une jeunesse difficile. Sa porte de sortie : la pratique des arts martiaux.
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