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VIB
Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité, répond à Jean-Paul Brighelli qui avait dénoncé une déferlante du voile islamiste à l'université.
M. Brighelli, vous vous offusquez de la présence de femmes portant le foulard à l'université. Ce n'est pas la première fois que vous traitez de ce sujet. L'année dernière, vous m'aviez accordé un droit de réponse à un de vos articles où j'étais personnellement critiqué en tant que président de l'Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre. Un an plus tard, me voilà de nouveau pris pour cible. Permettez-moi pourtant de ne pas penser comme vous. C'est aussi cela, la laïcité.
Notre désaccord porte à la fois sur ce qu'est la laïcité et sur les moyens du vivre ensemble. Beaucoup de vos tribunes partagent une même obsession, celle de la visibilité, semblant occulter la question des comportements. La question du voile (et non du voile intégral qui, lui, est interdit) à l'université n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est que deux enseignants s'en soient pris violemment à des étudiantes parce que voilées, en dehors de toute considération objective (assiduité, notes, discipline, etc.).
Cela pose question, car elles ne semblaient pas perturber les cours d'une quelconque façon. La laïcité telle que définie par la loi de 1905 n'interdit pas le port de signes religieux (ni d'un tee-shirt à la gloire de Che Guevara d'ailleurs) dans l'enseignement supérieur. La laïcité garantit pour chacun le respect des croyances et convictions dès lors qu'il n'y a pas de trouble au fonctionnement d'un service ou une atteinte à la liberté d'autrui. Lorsqu'elle impose la neutralité, c'est d'abord pour les représentants de l'État, afin de garantir leur impartialité.
La laïcité suppose une vision objective
Concernant ce qui s'est passé à l'IEP d'Aix-en-Provence, il y a un point que vous oubliez : les étudiants présents se sont levés pour protester contre l'attitude du professeur. Il n'y avait aucune perturbation du cours par l'étudiante. Cela aurait été très différent s'il y avait eu le constat d'un comportement prosélyte et l'exercice de pressions. Cela aurait alors appelé une grande fermeté et des sanctions immédiates.
Par ailleurs, vos tribunes évoquent quasi systématiquement des "filles" qui "s'enfermeraient" sous leur voile. À vous lire, il n'est que question de personnes de sexe féminin nécessairement influençables. Votre thèse nous ramène aux arguments parfois avancés il y a plus d'une soixantaine d'années contre le droit de vote accordé aux femmes : ne reposaient-ils pas sur l'affirmation que, "nécessairement influençables", elles allaient voter "comme leur curé" ?
Il n'appartient ni à vous ni à nous au sein de l'Observatoire de la laïcité de juger s'il s'agit d'un "enfermement", de pudeur ou de protection selon leurs convictions religieuses. La laïcité suppose justement une vision objective, dégagée de toute approche émotive et de toute influence politique ou religieuse.
Des adultes agissant en toute conscience
L'extension de la loi de 2004 à l'université devrait davantage vous interroger. L'Observatoire de la laïcité n'a pas encore étudié ce sujet, mais, a minima, n'y aurait-il pas un paradoxe à vouloir interdire de façon absolue (car de nombreuses limitations sont déjà possibles, y compris par le règlement intérieur) toute tenue vestimentaire qui laisserait trahir une quelconque conviction politique ou religieuse au sein de ce haut lieu de la liberté et du savoir, l'université ?
M. Brighelli, de fait, vous commettez de nombreuses erreurs de droit dans vos définitions de la laïcité. Je ne les reprendrai pas toutes, mais vous rappellerai toutefois que ce n'est pas le critère de majorité qui exclut les étudiants du dispositif de loi de 2004. Le vrai critère est simple : il s'agit d'adultes qui ont acquis à l'école, au collège et au lycée les savoirs indispensables leur permettant de se forger leur propre opinion et d'agir en toute conscience. L'université, c'est aussi l'utilisation de ces outils, transmis avant le baccalauréat, pour développer ses connaissances dans un espace de liberté d'expression et où la diversité permet le dialogue et l'ouverture à l'autre.
Soyez rassuré, je n'ai pas la censure pour habitude et l'Observatoire de la laïcité a déjà prévu dans son programme de travail de se pencher sur le sujet de la laïcité dans l'enseignement supérieur. Et d'abord pour établir un véritable état des lieux objectif.
Jean-Louis Bianco est président de l'Observatoire de la laïcité et ancien Ministre.
http://www.lepoint.fr/societe/voile...-ne-resoudront-rien-10-10-2014-1871245_23.php
M. Brighelli, vous vous offusquez de la présence de femmes portant le foulard à l'université. Ce n'est pas la première fois que vous traitez de ce sujet. L'année dernière, vous m'aviez accordé un droit de réponse à un de vos articles où j'étais personnellement critiqué en tant que président de l'Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre. Un an plus tard, me voilà de nouveau pris pour cible. Permettez-moi pourtant de ne pas penser comme vous. C'est aussi cela, la laïcité.
Notre désaccord porte à la fois sur ce qu'est la laïcité et sur les moyens du vivre ensemble. Beaucoup de vos tribunes partagent une même obsession, celle de la visibilité, semblant occulter la question des comportements. La question du voile (et non du voile intégral qui, lui, est interdit) à l'université n'est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est que deux enseignants s'en soient pris violemment à des étudiantes parce que voilées, en dehors de toute considération objective (assiduité, notes, discipline, etc.).
Cela pose question, car elles ne semblaient pas perturber les cours d'une quelconque façon. La laïcité telle que définie par la loi de 1905 n'interdit pas le port de signes religieux (ni d'un tee-shirt à la gloire de Che Guevara d'ailleurs) dans l'enseignement supérieur. La laïcité garantit pour chacun le respect des croyances et convictions dès lors qu'il n'y a pas de trouble au fonctionnement d'un service ou une atteinte à la liberté d'autrui. Lorsqu'elle impose la neutralité, c'est d'abord pour les représentants de l'État, afin de garantir leur impartialité.
La laïcité suppose une vision objective
Concernant ce qui s'est passé à l'IEP d'Aix-en-Provence, il y a un point que vous oubliez : les étudiants présents se sont levés pour protester contre l'attitude du professeur. Il n'y avait aucune perturbation du cours par l'étudiante. Cela aurait été très différent s'il y avait eu le constat d'un comportement prosélyte et l'exercice de pressions. Cela aurait alors appelé une grande fermeté et des sanctions immédiates.
Par ailleurs, vos tribunes évoquent quasi systématiquement des "filles" qui "s'enfermeraient" sous leur voile. À vous lire, il n'est que question de personnes de sexe féminin nécessairement influençables. Votre thèse nous ramène aux arguments parfois avancés il y a plus d'une soixantaine d'années contre le droit de vote accordé aux femmes : ne reposaient-ils pas sur l'affirmation que, "nécessairement influençables", elles allaient voter "comme leur curé" ?
Il n'appartient ni à vous ni à nous au sein de l'Observatoire de la laïcité de juger s'il s'agit d'un "enfermement", de pudeur ou de protection selon leurs convictions religieuses. La laïcité suppose justement une vision objective, dégagée de toute approche émotive et de toute influence politique ou religieuse.
Des adultes agissant en toute conscience
L'extension de la loi de 2004 à l'université devrait davantage vous interroger. L'Observatoire de la laïcité n'a pas encore étudié ce sujet, mais, a minima, n'y aurait-il pas un paradoxe à vouloir interdire de façon absolue (car de nombreuses limitations sont déjà possibles, y compris par le règlement intérieur) toute tenue vestimentaire qui laisserait trahir une quelconque conviction politique ou religieuse au sein de ce haut lieu de la liberté et du savoir, l'université ?
M. Brighelli, de fait, vous commettez de nombreuses erreurs de droit dans vos définitions de la laïcité. Je ne les reprendrai pas toutes, mais vous rappellerai toutefois que ce n'est pas le critère de majorité qui exclut les étudiants du dispositif de loi de 2004. Le vrai critère est simple : il s'agit d'adultes qui ont acquis à l'école, au collège et au lycée les savoirs indispensables leur permettant de se forger leur propre opinion et d'agir en toute conscience. L'université, c'est aussi l'utilisation de ces outils, transmis avant le baccalauréat, pour développer ses connaissances dans un espace de liberté d'expression et où la diversité permet le dialogue et l'ouverture à l'autre.
Soyez rassuré, je n'ai pas la censure pour habitude et l'Observatoire de la laïcité a déjà prévu dans son programme de travail de se pencher sur le sujet de la laïcité dans l'enseignement supérieur. Et d'abord pour établir un véritable état des lieux objectif.
Jean-Louis Bianco est président de l'Observatoire de la laïcité et ancien Ministre.
http://www.lepoint.fr/societe/voile...-ne-resoudront-rien-10-10-2014-1871245_23.php