shehzad
VIB
"Ce nest donc plus aux hommes que je madresse ; cest à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : sil est permis à de faibles créatures perdues dans limmensité, et imperceptibles au reste de lunivers, doser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités.
Tu ne nous as point donné un cur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau dune vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe dune toile blanche pour dire quil faut taimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; quil soit égal de tadorer dans un jargon formé dune ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont lhabit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle dun petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis dun certain métal, jouissent sans orgueil de ce quils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais quil ny a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi senorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir quils sont frères ! Quils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de lindustrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons linstant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusquà la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant."
Voltaire, Traité sur la tolérance à loccasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII.
Tu ne nous as point donné un cur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau dune vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe dune toile blanche pour dire quil faut taimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; quil soit égal de tadorer dans un jargon formé dune ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont lhabit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle dun petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis dun certain métal, jouissent sans orgueil de ce quils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais quil ny a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi senorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir quils sont frères ! Quils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de lindustrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons linstant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusquà la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant."
Voltaire, Traité sur la tolérance à loccasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII.