Voyage du pape en Indonésie : François à la rencontre d’un islam modéré et tolérant

Le visage enveloppé d’un joli hidjab rose pâle, Alyah déguste un ragoût de bœuf épicé dans le restaurant halal Garuda. Avec sa copine Aminah, de longs cheveux noir de jais lâchés sur ses épaules, elles sortent de l’université de pharmacie après une longue journée de cours. L’une porte le voile, l’autre non. « Je suis libre de le porter ou pas, explique Alyah, je ne sens pas la moindre contrainte même si mes parents sont plutôt traditionnels, et parfois même je l’enlève en fonction de l’endroit où je suis. »


En souriant, Aminah souligne qu’elle « ne le porte pas souvent », sauf lorsqu’elle va à la mosquée, « de temps en temps ». Surprises qu’on leur pose de telles questions sur le voile, elles insistent sur la nature de la société musulmane indonésienne qu’elles qualifient en chœur d’« ouverte et tolérante, même pour les femmes, loin des images d’un islam radical oppressant au Moyen-Orient ». Derrière elles, sur la terrasse, des filles sans voile vapotent en rigolant avec des copains.

Dans le monde musulman, l’islam indonésien que vient rencontrer le pape François du 3 au 6 septembre fait figure d’exception. Ni État laïque, ni théocratie, l’Indonésie (280 millions d’habitants) présente un visage religieux à majorité musulmane (88 %) mais d’une grande diversité ethnique et spirituelle. Une mosaïque de sensibilités, qui va de la tolérance la plus totale à une rigidité extrême. Une des singularités de cet immense pays de plus de 4 000 kilomètres de long éclaté en des milliers d’îles, qui communiquent ensemble pour souder l’unité nationale.

« Une société ouverte où les femmes jouent un rôle majeur »​

« Nous vivons un islam serein et tolérant », reconnaît d’emblée Farid Saenong, président du programme d’éducation et de recherche à la mosquée Istiqlal de Djakarta, la plus grande d’Asie du Sud-Est, qui peut accueillir plus de 110 000 fidèles. « Même s’il existe un large éventail de sensibilités au sein de la famille musulmane indonésienne, poursuit ce diplômé en anthropologie sociale, nous avons des débats, et chacun peut exprimer ses opinions, ses divergences et ses désaccords. Et nous avons la chance aujourd’hui d’avoir des leaders politiques modérés. »


Pour Imran Mohamed Taib, directeur fondateur de l’institut Dialogue Center à Singapour, grand spécialiste de l’islam asiatique, « plus vous étudiez l’islam indonésien, plus vous comprenez l’islam et moins vous devenez radical. C’est le mystère du système indonésien qui est une société ouverte où les femmes jouent un rôle majeur… Cette alchimie ne peut tolérer les radicaux et le terrorisme, même si le danger existe toujours. »

Pour le théologien très respecté Mukti Ali Qusyairi, qui enseigne à la Grande Mosquée, trois raisons majeures expliquent cette singularité : « Au sein de notre islam, même s’il n’y a qu’un seul dogme, il existe un bouillonnement d’idées qui permet une grande variété d’interprétations qui évitent de tomber dans l’extrémisme. »
 
Haut