Washington et Pékin à couteaux tirés

Les États-Unis gagnent une bataille dans leur guerre d'influence régionale avec la Chine.

La Chine a du mal à se remettre de la fièvre asiatique qui s'est emparée de Barack Obama. Elle s'estime défiée, humiliée par les États-Unis. Et ce, dans sa «cour», dans cette Asie-Pacifique que certains voudraient transformer en «sinosphère».

Le président américain, il est vrai, ne s'est pas contenté d'une solennelle déclaration, proclamant que l'Amérique était «là pour rester». Il a lâché une longue rafale d'actes concrets. En annonçant la création d'une base de marines en Australie. En passant outre les avertissements chinois de ne pas mettre les différends de mer de Chine méridionale au menu du sommet de l'Asie de l'Est (EAS) de Bali.

Et, enfin, au sommet de l'Apec (Coopération économique Asie-Pacifique), en poussant à la formation d'une vaste zone de libre-échange transpacifique (TPP), à laquelle la Chine n'est pour l'heure pas conviée. Hillary Clinton achève de « vider le chargeur», en se rendant en Birmanie, ce qui est vu ici comme une volonté de contrer le parrain chinois.


«Mentalité de guerre froide»

Après un temps de stupéfaction, les réactions chinoises se multiplient. Mercredi, de manière assez rare, le ministère chinois de la Défense a officiellement critiqué le débarquement annoncé de 2500 «US Marines» en Australie. «Les alliances militaires sont le produit de l'histoire, mais nous pensons que les renforcer ou les étendre relève d'une mentalité de guerre froide», a-t-il fait savoir, avertissant que cela pouvait déstabiliser la région. La veille, un général de l'Armée populaire de libération était monté en ligne, dans les colonnes du Quotidien du peuple. Le général Luo Yan s'insurge contre ce «positionnement de pièces et de forces à la périphérie de la Chine», signe d'une volonté d'«encerclement» du pays. Il y voit une «erreur stratégique fatale». Les stratèges chinois voyaient déjà la présence américaine en Afghanistan comme une manœuvre autour de la Chine, complétant, à l'Ouest, le dispositif militaire déjà présent à l'Est, en Corée et au Japon.

Par un «hasard» du calendrier, l'armée chinoise a annoncé pour ces jours-ci d'importantes manœuvres navales dans «l'ouest de l'océan Pacifique». Et, en même temps, annonce a été faite de la deuxième sortie en mer pour essais du porte-avions expérimental chinois. Sur la Birmanie, la presse officielle sonne aussi la charge. Le quotidien Global Times a averti mercredi que la Chine n'y laissera pas «piétiner» ses intérêts. Washington s'est déjà attiré les meilleures grâces de la plupart des pays d'Asie du Sud-Est, Vietnam y compris.
 
Dans la guerre d'influence régionale, les commentateurs de Hongkong et même de Chine continentale estiment que les États-Unis ont gagné cette nouvelle bataille diplomatique. Même si, comme l'a dit à Reuters le professeur Shen Dingli, du Centre d'études américaines de l'université Fudan, de Shanghaï, «cette fois-ci, nous avons perdu, mais dans dix ans, ce sont les États-Unis qui perdront. Nous pouvons être plus patients qu'une administration américaine.» Les experts estiment qu'au-delà de déclarations outrées, Pékin ne va pas réagir dans l'urgence. Pour ne pas accentuer l'impression de camouflet, et parce que les Chinois entrent eux aussi en «année électorale», avec un changement de leadership en 2012, qui s'accommode mal de fortes turbulences internationales. Le professeur Zhu Feng, de l'université de Pékin, juge cependant que le président Hu Jintao est soumis «à une pression sans précédent en politique étrangère».

Certains suggèrent que ce dernier bras de fer stratégique sert les deux pays, en satisfaisant leurs opinions réciproques. Et en évitant le pire, une guerre commerciale à outrance après un vote sanction du Congrès américain sur la question du yuan.

http://www.lefigaro.fr/internationa...0758-washington-et-pekin-a-couteaux-tires.php
 
Retour
Haut