La mutation de la Russie en un Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s’agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie.
Les transes zombies retranscrites ici, aussi démentes qu’elles paraissent, sont absolument avérées. Rien n’a été exagéré et beaucoup a été omis. Certes, « tous les Russes ne sont pas comme ça », comme le clame la sagesse du bistrot de gare – à laquelle je souscris volontiers. Il n’empêche. La mutation de la Russie en un Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s’agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie, ou, à défaut, de s’en approcher, pour pouvoir nous en prévenir, et, éventuellement, soigner les sujets atteints.
Paroles de zombie:
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la plupart des zombies sont des gens bien. Ils aiment leurs proches autant que nous. Certains sont impliqués dans des œuvres de charité, d’autres sont des puits de culture ambulants. Une femme zombie, que je ne connaissais pas plus que ça, est venue exprès de Russie pour s’occuper de ma mère gravement malade, avec abnégation et sourire, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. J’en ai fait l’expérience : on peut prendre le thé avec un zombie et rire ensemble aux souvenirs d’une vieille comédie romantique. Mais dites un mot contre la guerre en Ukraine, osez une moue sur Poutine, le zombie se fige, la gueule ouverte, la mâchoire crispée. À cet instant, il vous boufferait le crâne. Il n’y a plus d’amitié qui tienne, il n’y a plus de famille. Ses propres enfants ne sont plus que viande pour lui.
Vous pensez que j’exagère ? Que je surjoue le mélodrame facile ?
Katia, seize ans, coincée à Marioupol à côté du cadavre de sa mère morte de froid et de malnutrition, appelle son oncle resté en Russie pour lui apprendre la mort de sa sœur. Réponse embarrassée de l’oncle-zombie : « Mais qui êtes-vous pour me raconter ces inepties ? Arrêtez de m’appeler. Je ne vous connais pas. »
Un prisonnier russe contacte sa famille pour raconter, en pleurant, qu’il n’a pas trouvé de nazis en cette Ukraine qu’il est venu « dénazifier » en tuant des civils. Réponse agacée de sa mère-zombie : « Arrête, Sergueï, je vois bien que les nazis t’ont reformaté. »
Une autre maman a trouvé sur internet une vidéo de son fils, prisonnier et blessé, où il raconte l’horreur des combats. Abandonnée par ses supérieurs, sans essence, sans munitions, avec des rations périmées en 2015, sa section a dû se terrer pendant une semaine dans une forêt glacée… La mère affolée en parle à ses voisines, leur montre la vidéo. Ces expertes sont catégoriques : « L’armée russe ne se comporte pas ainsi. C’est un fake . D’ailleurs, vise attentivement l’uniforme du bonhomme, ses bottes : on ne s’habille pas en guenilles chez nous. Et les reflets dans la vitre derrière lui, on dirait un montage. Surtout, même s’il y a un air de ressemblance, ce n’est pas Boris. Catégorique ! Ton fils est plus large des épaules. » La mère a fini par se convaincre que Boris n’est pas Boris – pendant une dizaine de jours, elle a nié l’évidence, jusqu’à ce qu’un coup de fil du ministère des Armées lui confirme officiellement la nouvelle.
Aucune preuve, aussi concrète soit-elle, n’est capable d’ébranler leurs certitudes. Non seulement ils ne croient pas ce qu’ils voient, ils préféreraient perdre la vue plutôt que de douter. Arkadi raconte comment, après des heures de palabres, il a fini par convaincre son père de regarder sur YouTube des vidéos d’immeubles calcinés à Kharkiv et Marioupol. Réponse impassible : « Tu vois bien que ce
sont les Ukrainiens eux-mêmes qui se bom bardent à la roquette. Ils ont ensuite le beau rôle de se dépeindre en victimes. »
Tiré de Z comme zombi
Les transes zombies retranscrites ici, aussi démentes qu’elles paraissent, sont absolument avérées. Rien n’a été exagéré et beaucoup a été omis. Certes, « tous les Russes ne sont pas comme ça », comme le clame la sagesse du bistrot de gare – à laquelle je souscris volontiers. Il n’empêche. La mutation de la Russie en un Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s’agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie, ou, à défaut, de s’en approcher, pour pouvoir nous en prévenir, et, éventuellement, soigner les sujets atteints.
Paroles de zombie:
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la plupart des zombies sont des gens bien. Ils aiment leurs proches autant que nous. Certains sont impliqués dans des œuvres de charité, d’autres sont des puits de culture ambulants. Une femme zombie, que je ne connaissais pas plus que ça, est venue exprès de Russie pour s’occuper de ma mère gravement malade, avec abnégation et sourire, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. J’en ai fait l’expérience : on peut prendre le thé avec un zombie et rire ensemble aux souvenirs d’une vieille comédie romantique. Mais dites un mot contre la guerre en Ukraine, osez une moue sur Poutine, le zombie se fige, la gueule ouverte, la mâchoire crispée. À cet instant, il vous boufferait le crâne. Il n’y a plus d’amitié qui tienne, il n’y a plus de famille. Ses propres enfants ne sont plus que viande pour lui.
Vous pensez que j’exagère ? Que je surjoue le mélodrame facile ?
Katia, seize ans, coincée à Marioupol à côté du cadavre de sa mère morte de froid et de malnutrition, appelle son oncle resté en Russie pour lui apprendre la mort de sa sœur. Réponse embarrassée de l’oncle-zombie : « Mais qui êtes-vous pour me raconter ces inepties ? Arrêtez de m’appeler. Je ne vous connais pas. »
Un prisonnier russe contacte sa famille pour raconter, en pleurant, qu’il n’a pas trouvé de nazis en cette Ukraine qu’il est venu « dénazifier » en tuant des civils. Réponse agacée de sa mère-zombie : « Arrête, Sergueï, je vois bien que les nazis t’ont reformaté. »
Une autre maman a trouvé sur internet une vidéo de son fils, prisonnier et blessé, où il raconte l’horreur des combats. Abandonnée par ses supérieurs, sans essence, sans munitions, avec des rations périmées en 2015, sa section a dû se terrer pendant une semaine dans une forêt glacée… La mère affolée en parle à ses voisines, leur montre la vidéo. Ces expertes sont catégoriques : « L’armée russe ne se comporte pas ainsi. C’est un fake . D’ailleurs, vise attentivement l’uniforme du bonhomme, ses bottes : on ne s’habille pas en guenilles chez nous. Et les reflets dans la vitre derrière lui, on dirait un montage. Surtout, même s’il y a un air de ressemblance, ce n’est pas Boris. Catégorique ! Ton fils est plus large des épaules. » La mère a fini par se convaincre que Boris n’est pas Boris – pendant une dizaine de jours, elle a nié l’évidence, jusqu’à ce qu’un coup de fil du ministère des Armées lui confirme officiellement la nouvelle.
Aucune preuve, aussi concrète soit-elle, n’est capable d’ébranler leurs certitudes. Non seulement ils ne croient pas ce qu’ils voient, ils préféreraient perdre la vue plutôt que de douter. Arkadi raconte comment, après des heures de palabres, il a fini par convaincre son père de regarder sur YouTube des vidéos d’immeubles calcinés à Kharkiv et Marioupol. Réponse impassible : « Tu vois bien que ce
sont les Ukrainiens eux-mêmes qui se bom bardent à la roquette. Ils ont ensuite le beau rôle de se dépeindre en victimes. »
Tiré de Z comme zombi