Tiens d'ailleurs vas-y la-bas et tu verras que beaucoup sont marocaines
Vous êtes bien naif avec cet argument passe-partout
De plus il est bel et bien nié ce problème ici même
bonne lecture
LA PROSTITUTION SÉVIT MASSIVEMENT
Drame et misère
On les croise partout : devant les hôtels, les grands boulevards, aux alentours des résidences universitaires et dans toutes les boîtes de nuit. A force de les voir, on finit par retenir leurs emplacements. Elles sont devenues tellement nombreuses quelles font partie de notre décor quotidien. Ce sont les prostituées.
La population algérienne vit, en effet, dans la misère économique dans ses manifestations les plus dégradantes. On la entraînée, en lespace de quelques années, vers les abysses de la pauvreté et de linsuffisance. Le taux de chômage avoisine les 20 % (année 2004). Près de 8 millions (année 2002), soit 7 778 000, sont des célibataires de plus de 20 ans et nont aucune perspective de pouvoir fonder un foyer, à cause notamment de la crise du logement et du problème de lemploi. Environ 600 000 élèves sont exclus, chaque année, du système scolaire ou labandonnent par manque de moyens. Tout cela a fini par créer cet environnement propice à la prolifération des maux sociaux avec un accroissement et une brutalité inégalées, comme le divorce, les conflits familiaux, le suicide, la drogue, la mendicité, la prostitution. Nul ne peut nier que la misère économique est le terreau fertile sur lequel se développe la prostitution.
Cette prostitution qui sévit massivement dans toutes nos villes et même nos petits villages - qui ont du mal à la dissimuler - est lun des résultats de la catastrophe sociale et de la ruine économique quimpliquent les politiques dajustement structurel, les privatisations, le libre-échange à sens unique ; bref, la mondialisation et ses effets sur laccroissement des inégalités sociales. Désormais, aujourdhui, ces malheureuses font partie de la mosaïque des gens de la rue. Elles y passent la plus grande partie de leur temps, elles disent quelles y travaillent. Les scènes de contact et les palabres entre la fille de joie et son client sont repérables à vue dil, même sils sont attablés dans un café.
Il ne faut pas plus de quelques minutes pour que le marché soit conclu ou, dans le cas contraire, le présumé client sen aille poursuivre sa chasse ailleurs. Ces femmes ont un quotidien qui na rien de commun avec le nôtre et leur vie a des lois et des codes différents de ceux que nous connaissons. Parmi les sept femmes qui ont bien voulu nous parler, nous vous livrons le témoignage de trois dentre elles. Fifi (Fatima), à peine vingt ans, campe face à un hôtel. Cheveux taillés courts et teintés blonds, habillée dun jean moulé à taille basse, tee-shirt blanc très court faisant apparaître son nombril et une bonne partie de son ventre. Hypermaquillée, elle scrute les automobilistes de ses grands yeux noirs. Fifi a bien voulu nous parler de son histoire, après sêtre assurée de notre personne et de notre objectif. Son regard à la fois grave et morose donne limpression que cette jeune femme voudrait vider tout ce quelle a sur le cur. Elle nous confie que son moral est rarement bon. Elle est pessimiste, a du mal à se concentrer et, comme le veut son âge, veut tout et tout de suite. Malgré son énergie, elle a souvent envie de pleurer, est inquiète et nerveuse, se fait des reproches, se sent déprimée et désespérée en pensant à lavenir.
Dailleurs, elle pense tout le temps au suicide et en a fait deux tentatives. Elle avoue avoir souvent des excès de colère, elle crie fort, frappe et casse. Quand elle parle de santé, elle évoque son mal de tête et les troubles du sommeil (endormissement difficile, réveil nocturne, fatigue accumulée) et ajoute quelle na jamais consulté de médecin. « Je nai pas choisi de vivre dans la rue ni de vendre ma chair. Cest le seul lieu où jai trouvé refuge lorsque jai été forcée de quitter la maison familiale. ça fait maintenant plus de 4 ans que jexerce ce métier. » Elle ne dit rien sur les motivations de sa décision de quitter la maison familiale. Son corps frêle a appris à résister aux nuits glaciales de lhiver. Son regard profond et les cernes quelle arrive à peine à camoufler par un épais maquillage sont les témoins de ces longues années derrance et de souffrance. « Il est difficile pour moi de tolérer le regard des autres qui est plein de mépris. Jaurais souhaité une autre vie. » « Au quotidien, jai du mal à me regarder dans la glace, je me déteste, je ne sais pas de quoi sera fait demain. Ce que je fais ici, ça me ronge intérieurement, de la même manière quune maladie, ça me bouffe physiquement et ça menfonce dans la détresse. De temps en temps, il marrive de rigoler, davoir le sourire, mais on ne la pas vraiment au fond de soi. » Elle nous a affirmé être là (face à lhôtel) depuis plus de deux heures et avoir déjà accompli trois passes et récolté 3400 DA.
Le prix quelle prend pour chaque passe varie entre 500 DA et un plafond qui peut atteindre 2000, voire 3000 DA, selon les circonstances et les clients. La liaison sexuelle se déroule le plus souvent dans la voiture du client. Quant aux clients, elle affirme quils sont de toutes les professions, de tous âges et de tous les horizons. Ils disent payer pour assouvir leurs fantasmes, sans égard ni scrupules. Ils ne sont pas nécessairement « étrangers » à la ville, nous confient la plupart des filles interviewées. On trouve, parmi eux, des maçons qui vivent dans leur chantier de travail, loin de leur famille, de plus en plus de Chinois, des quinquagénaires, des marchands ambulants et quelques amateurs de lacte rapide. Le client tourne, regarde, choisit, discute les prix. Toujours à propos des clients, elle dit qu« ils sont toujours avides de nouveauté. Lorsquune nouvelle personne arrive sur le trottoir, elle a un succès immédiat. Ils veulent plus de beauté, plus de jeunesse et ils veulent tous lessayer ».
[...]
Le problème, cest largent. On se laisse manger par largent. On parle de la drogue. Mais largent, cest de la drogue. » Zouzou lâche ses réflexions par bribes. « Vous en connaissez, vous, une p... qui ne prend pas dalcool, pas de drogue ou de cachetons ? » « Contrairement à la clientèle de la prostitution de la rue, quand ils sont là (les clients), il faut les faire boire au maximum. Un verre de whisky à 600 DA, une bouteille à 5000 DA. Le verre de whisky, il faut le descendre et vite demander au client de nous en reverser un autre. Pour aider, on peut enlever le soutien-gorge et tolérer une caresse. Pendant tout ce temps, on boit aussi, évidemment, une fois que le type est bien gai, on peut demander autant de bouteilles quon veut. Quand on sature, on amène une autre fille pour nous aider à boire.
Le patron donne un pourcentage sur chaque bouteille consommée par le client. » « Les clients, on leur dit les choses quils ont envie dentendre. Des mensonges. En réalité, ils sont moches. Ils nous racontent leur vie. Ils sont mariés. Et quand ils veulent aller plus loin, la passe est rarement inférieure à 3000 DA. Lacte se déroule dans lune des 4 chambres situées au-dessus et qui nous servent également de lieu dhébergement (pour les filles qui y travaillent). Les hommes, ce quils ne peuvent faire avec leur femme, ils viennent nous le demander. Ils croient quils peuvent nous faire ce quils voient dans les films pornos. On gagne de largent, mais à quel prix ! On perd sa dignité, on na plus envie dhommes. Parmi les clients, il y a les obsédés, mais pas tant que ça. On a de tout. Des cadres, des médecins, des militaires. Enormément de types qui aiment les gamines. Nous travaillons le soir et nous dormons toute la matinée. De ce fait, notre vie est forcément différente des autres personnes dites normales. » Enfin, le troisième témoignage, celui de Hassiba, lune des victimes des réformes économiques, cette jeune mère de deux enfants, avec ses mèches blondes toujours dans les yeux, raconte sans haine comment elle a commencé à tapiner : « Jétais très heureuse avec mon mari et mes deux enfants.
[...]
Personne (à notre connaissance) na effectué une recherche sur laspect humain de ces personnes, sur leurs véritables besoins et sur les alternatives qui pourraient leur être proposées. La plupart ne voient en elles quun seul aspect : elles défigurent le visage des villes. Plus vieux métier du monde, métier tout court, mal nécessaire, esclavage... les affrontements idéologiques et moraux sont innombrables autour de la prostitution. Mais, de vrai débat public, il ny en a point.
Okba Khiar
Source : elwatan