Ceux qui veulent soumettre les jeunes
filles à une police des mœurs en France
ne s’attaquent pas uniquement à leur
tenue vestimentaire ou à leur
comportement avec les garçons, mais
aussi à leur volonté de s’émanciper par
l’école et les études
« Au sein de l’école de la République, on peut aujourd’hui empêcher impunément une jeune fille de vivre librement sa vie intellectuelle, en lui opposant
une force virile et obtuse qui veille à ce que les lois linguistiques et culturelles de la tribu soient ostensiblement respectées »
Certaines filles de ce pays sont aujourd’hui menacées par une police des mœurs qui, dans la famille mais aussi à l’école, fait appliquer ses règles viri-
les en matière de comportements sociaux et religieux mais aussi… de modalités d’apprentissage : « Tu vas à l’école mais
fais-en sorte de ne pas trop montrer ton désir d’apprendre ; si tu ne portes pas le voile, tâche d’exhiber
le moins possible tes “appâts” ; évite toute singularité linguistique, tout comportement culturel étranger
à la norme tribale ; et surtout veille à soumettre tes fréquentations à l’autorité fraternelle ou paternelle. » Ce contrôle insidieux et parfois brutal engen-
dre des représailles qui ont récemment coûté la vie à des enfants de 15 ans coupables d’avoir désobéi aux règles archaïques.
Parmi les jeunes que des années de ghettoïsation ont cruellement privés du pouvoir de comprendre
et de se faire comprendre, beaucoup exhibent leurs insuffisances langagières et leur enfermement culturel comme un signe d’appartenance tri-
bale alors qu’ils ne sont que le résultat d’une injustice sociale inacceptable. Certains en viennent à
considérer le choix d’un mot un peu rare, ou la lecture d’un livre, comme la manifestation d’une
trahison culturelle et sociale, et souvent comme un aveu de féminité suspecte. L’affirmation d’une vi-
rilité triomphante se révèle donc dans l’usage d’un vocabulaire pauvre interdit de toute nuance et
dans le rejet de notre patrimoine culturel et historique. Il n’est donc pas étonnant que, dans ces
lieux d’enfermement soumis à la loi virile, ce soient d’abord les filles qui se voient reprocher
tout succès scolaire trop affiché, tout comportement social non conforme, tout marqueur linguis-
tique exogène.
Dans un contexte de fracture culturelle, les filles payent en effet très cher la supériorité de leurs
performances scolaires qui n’a cessé de s’accentuer année après année, notamment en français. À
17 ans, la différence était en 2022 de plus de 4 points entre jeunes gens et jeunes filles en situa-
tion d’illettrisme. En 2024, l’étude du Centre national du livre révèle que les filles lisent plus de
23 minutes par jour alors que les garçons culnent à 6 minutes. Le crédit que beaucoup de filles
accordent aux activités intellectuelles que sont la lecture et l’écriture « longues », leur ouverture au
valeurs culturelles communes les rendent ainsi suspectes de « collaboration » et de trahison. Elles
doivent donc être surveillées et, de temps en temps, « mises au pas ». Féminité et « intellectualité » sont, au sein même de certains établisse-
ments scolaires, l’objet d’un même mépris.
filles à une police des mœurs en France
ne s’attaquent pas uniquement à leur
tenue vestimentaire ou à leur
comportement avec les garçons, mais
aussi à leur volonté de s’émanciper par
l’école et les études
« Au sein de l’école de la République, on peut aujourd’hui empêcher impunément une jeune fille de vivre librement sa vie intellectuelle, en lui opposant
une force virile et obtuse qui veille à ce que les lois linguistiques et culturelles de la tribu soient ostensiblement respectées »
Certaines filles de ce pays sont aujourd’hui menacées par une police des mœurs qui, dans la famille mais aussi à l’école, fait appliquer ses règles viri-
les en matière de comportements sociaux et religieux mais aussi… de modalités d’apprentissage : « Tu vas à l’école mais
fais-en sorte de ne pas trop montrer ton désir d’apprendre ; si tu ne portes pas le voile, tâche d’exhiber
le moins possible tes “appâts” ; évite toute singularité linguistique, tout comportement culturel étranger
à la norme tribale ; et surtout veille à soumettre tes fréquentations à l’autorité fraternelle ou paternelle. » Ce contrôle insidieux et parfois brutal engen-
dre des représailles qui ont récemment coûté la vie à des enfants de 15 ans coupables d’avoir désobéi aux règles archaïques.
Parmi les jeunes que des années de ghettoïsation ont cruellement privés du pouvoir de comprendre
et de se faire comprendre, beaucoup exhibent leurs insuffisances langagières et leur enfermement culturel comme un signe d’appartenance tri-
bale alors qu’ils ne sont que le résultat d’une injustice sociale inacceptable. Certains en viennent à
considérer le choix d’un mot un peu rare, ou la lecture d’un livre, comme la manifestation d’une
trahison culturelle et sociale, et souvent comme un aveu de féminité suspecte. L’affirmation d’une vi-
rilité triomphante se révèle donc dans l’usage d’un vocabulaire pauvre interdit de toute nuance et
dans le rejet de notre patrimoine culturel et historique. Il n’est donc pas étonnant que, dans ces
lieux d’enfermement soumis à la loi virile, ce soient d’abord les filles qui se voient reprocher
tout succès scolaire trop affiché, tout comportement social non conforme, tout marqueur linguis-
tique exogène.
Dans un contexte de fracture culturelle, les filles payent en effet très cher la supériorité de leurs
performances scolaires qui n’a cessé de s’accentuer année après année, notamment en français. À
17 ans, la différence était en 2022 de plus de 4 points entre jeunes gens et jeunes filles en situa-
tion d’illettrisme. En 2024, l’étude du Centre national du livre révèle que les filles lisent plus de
23 minutes par jour alors que les garçons culnent à 6 minutes. Le crédit que beaucoup de filles
accordent aux activités intellectuelles que sont la lecture et l’écriture « longues », leur ouverture au
valeurs culturelles communes les rendent ainsi suspectes de « collaboration » et de trahison. Elles
doivent donc être surveillées et, de temps en temps, « mises au pas ». Féminité et « intellectualité » sont, au sein même de certains établisse-
ments scolaires, l’objet d’un même mépris.