L'Islam fit passer Hermès du rang de dieu à celui de prophète. Selon le Kitāb al-Ulūf d'Abū Ma‘shar, il y eut, en fait, trois Hermès : le premier, assimilé à Idris et Enoch, vivait en Égypte avant le déluge, édifia les pyramides et consigna par écrit ses enseignements afin de les...
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L'Islam fit passer Hermès du rang de dieu à celui de prophète.
Selon le
Kitāb al-Ulūf d'Abū Ma‘shar, il y eut, en fait, trois Hermès :
le premier, assimilé à Idris et Enoch, vivait en Égypte avant le déluge, édifia les
pyramides et consigna par écrit ses enseignements afin de les préserver du déluge ;
le deuxième, surnommé al-Bābilī, vécut à Babylone après le déluge,
ainsi que le troisième, qui, lui, vécut en Égypte.
C'est Hermès-Idris qui fut regardé par nombre de musulmans comme un véritable prophète, encore qu'il n'eût pas procuré de livre sacré ;
et c'est à travers lui que la pensée grecque commença de s'infiltrer dans la pensée musulmane.
L'hermétisme était, en effet, cultivé par les Sabéens de Harran, qui, menacés d'extermination en tant que païens, tentèrent, mais en vain, de faire admettre leur religion au nombre des cultes monothéistes officiellement tolérés, par le biais du
prophétisme d'Hermès-Idris, auquel ils faisaient remonter leur ascendance. Ils produisirent des livres dont le contenu, affirmaient-ils, avait été révélé par Hermès, telle la
Risālat fī 'n-nafs (« Lettre sur l'âme ») ; et un de leurs docteurs, Thābit ibn Qurra, écrivit en langue syriaque des
Institutions d'Hermès, aujourd'hui perdues, qu'il traduisit en arabe.
L'hermétisme pénétra d'abord – et surtout – en milieu shi‘ite, car, comme l'a fait observer
Henry Corbin, la prophétologie du shi‘isme admet la catégorie prophétique à laquelle appartient Hermès, tandis que sa gnoséologie « prévoit le mode de connaissance commun aux simples
nabīs antérieurs à l'Islam (tel Hermès), aux Imāms et aux
awliyā en général pendant le cycle de la
walāyat succédant au cycle de la prophétie législatrice ». En revanche, ainsi que l'a noté
Louis Massignon, la thèse hermétique selon laquelle l'essence divine peut, grâce aux prières, être contrainte à s'« infondre » dans une idole ou un saint,
et la doctrine de l'ascension de l'esprit dans les cieux, dispensant de croire à la descente d'un ange apportant au prophète le Livre révélé, empêchèrent l'hermétisme d'obtenir le soutien de l'Islam sunnite.
Certains penseurs tels que as-Suhrawardī ou Ibn Sab‘īn se sont explicitement réclamés d'Hermès ;
et al-Kindi aurait admiré, selon son disciple as-Sarakhsī, ce que le Trismégiste avait dit au sujet de l'ineffable transcendance divine, jugeant qu'un musulman comme lui n'aurait pu mieux l'exprimer.
De nombreux traités hermétiques furent traduits en arabe et de nouveaux apocryphes confectionnés.
Dans son
Fihrist (« Catalogue »), Ibn an-Nadīm énumère vingt-deux titres,
dont cinq sur l'astrologie,
quatre sur l'art talismanique
et treize sur l'alchimie.
Certains nous sont parvenus en entier, tels le Kitāb al-Malāṭīs et le Kitāb al-Isṭamākhīs, ou en fragments, comme le Kitāb al-Isṭamāṭīs.
Ces trois traités furent utilisés, avec d'autres ouvrages hermétiques, par le pseudo-Majrīṭī dans son Ghāyat al-ḥakīm fī 's-siḥr (« Le But des sages dans la magie »), qui, dans sa version latine intitulée Picatrix, devait connaître un important succès dans l'Occident latin jusqu'à la
Renaissance.
Des dits philosophiques d'Hermès nous ont été conservés par des doxographes tels que Ḥunayn ibn Isḥāq, Ibn Durayd, ash-Shahrastānī ou Ibn al-Qiftī. Selon Katīb Čelebi, Ḥunayn ibn Isḥāq aurait d'ailleurs lui-même commenté, tout comme Thābit ibn Qurra, le livre hermétique
Kanz al-asrār wa dhakhāir al-abrār (« Le Trésor caché des secrets et ressources des gens pieux »).
Des dits alchimiques, qui semblent provenir d'originaux grecs, sont rapportés par Ibn Umayl dans son
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