SharonWB
Adios
Extrait de Asma Lamrabet, Le Coran et les femmes : une lecture de libération, éd.Tawhid, 2007.
La mère de Mariam appelée Hanna est décrite comme une fervente croyante qui, au terme d’une longue stérilité, et de nombreuses implorations destinées à son Créateur, verra son désir d’enfanter exaucé à un âge avancé de sa vie… Bouleversée de bonheur par l’annonce de cette grossesse tant désirée, elle fera « vœu de consécration » de l’enfant à venir à Dieu en gage de sa reconnaissance et de sa gratitude infinie… C’est ainsi que le Coran décrit cet épisode : « La femme d’Imran dit : « Seigneur je Te voue comme consacré (Muharraran) ce qui est dans mon sein ! Daigne Seigneur, l’accepter ! Tu es, en vérité, Celui qui entend tout, qui sait tout » Coran 3 ; 35
Hanna, femme profondément religieuse, souhaitait ardemment « offrir » son futur enfant à Dieu… Ce qui traduit dans le langage de l’époque reviendrait à dire qu’il serait entièrement voué au service du Temple sacré… En effet, selon les traditions de l’époque, le rite juif donnait la possibilité de consacrer, dès la naissance, de jeunes enfants au service du Sanctuaire, mais il ne pouvait s’agir que de garçons du fait – toujours selon les coutumes de l’époque – des menstruations des filles considérées comme source d’impureté… On notera, qu’à travers le temps et l’histoire de l’humanité la discrimination envers le sexe féminin est chose courante et se fera encore plus sentir dans le domaine du sacré considéré, à tort, comme l’apanage du masculin par ordre divin ! Selon la logique des usages de l’époque, pour pouvoir concrétiser son engagement, Hanna « se devait » de mettre au monde un garçon afin de lui faire accomplir cette mission religieuse spécifiquement assignée aux plus vertueux d’entre les hommes…
Elle rêvait donc de voir son futur enfant parmi les fidèles de Dieu… Ceux qui étaient parmi les Elus de la cité… Elle voulait que son enfant soit « muharraran », autrement dit « libéré » et « affranchi » de l’esclavage de ce bas monde. L’exégèse coranique aussi bien classique[2]que mystique exprime l’aspiration de Hanna de voir son futur enfant libéré de la dépendance des passions négatives et des exigences de son âme charnelle…
Elle le désirait totalement voué à l’amour de Dieu, à Son obéissance et au service de Ses amis, de Ses adorateurs, ceux qui vivaient dans la Maison Sacrée[3] . Cette interprétation rejoint celle de Sayd Qotb, qui décrit la mère de Mariam comme une âme pieuse et qui en « offrant » le fruit de ses entrailles à Son Créateur, nous donnait par la même occasion une belle leçon de « libération humaine ». Elle le voulait libéré de tout sauf de LUI… C’est la parfaite traduction de la soumission à Dieu, l’image sublime de la profonde adhésion au principe de l’Unicité Divine ou Tawhid…
Mais quelle fut sa surprise lors de la naissance de son enfant de voir que Dieu lui avait donné une fille ! Comment une fille pourrait-elle gérer cette fonction religieuse, privilège exclusif du sexe masculin ? ! Hanna apparaît, dans un premier temps, un tant soit peu « déçue » d’avoir mis au monde une fille… Le Coran nous décrit la tristesse à peine voilée de cette mère, de se voir enfanter une « pauvre fille », alors qu’elle avait promis de vouer son futur enfant « un garçon comme il se doit ! » à cette consécration religieuse de l’époque… Désemparée, elle se retrouve entrain de s’en excuser auprès de Son Seigneur : « Et lorsqu’elle eut mis son enfant au monde, elle s’écria : « Seigneur j’ai donné naissance à une fille » – Dieu le savait bien – « Un garçon n’est pas pareil à une fille » (layssa adhakari kal untha). Je l’ai appelée Mariam ajouta-t-elle, et je la mets, Seigneur sous Ta protection, elle et sa descendance contre Satan le réprouvé. » Coran 3 ; 36.