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Carotroka :
Alors pourquoi posent-ils la question, à cet age, "comment fait-on les bébés" ?
La question du sexe, en tant qu'acte, leur est totalement étranger. Mais pas la question de leur origine, qui est une question qui persiste dans le monde adulte aussi, sous une forme différente qu'on appelle spiritualité. Ou religion. Ou l'un ou l'autre mot que nous utilisons (puisque les mots sont si limités en soi).
Il y a quelque chose sur laquelle tout pédagogue est d'accord, peu importe le courant qu'il a choisi de "prêcher". Un acquis obtenu à un jeune âge est un acquis qui persiste. Cela fonctionne tant sur les acquis abstrait (ce dont nous parlons ici) que sur tout ce qui est mémoire musculaire par exemple.
Et cela s'explique même par la biologie puisque c'est lorsque nous sommes jeunes que notre réseau synaptique se forme à grande vitesse (et continue de le faire, "morceau" par "morceau" jusqu'à nos 20 ans, en gros). Suffit de voir les travaux des behavioristes, mêmes si honnêtement, je suis loin d'accepter leurs méthodes et l'entièreté de leurs théories. Si on peut "créer" une phobie dans l'esprit d'un enfant, il nous est aussi possible d'y inclure une erreur.
Et j'ai pu l'observer quelques fois. Sur des choses simples, comme les schémas des corps humains. Lors de l'explication de la circulation sanguine, de façon simplifiée, un élève fait une erreur et présente u schéma du cœur fonctionnant "à l'envers". Le prof le note, mal évidemment, mais sans lui expliquer l'erreur. Il continue sa scolarité et, d'année en année, se voit présenter des schémas de plus en plus complexe. Plus d'organes, plus de noms, plus de détails. Et dans tous les schémas qu'il produit, encore et encore, le système sanguin est présenté en inversé. Et tous les profs qu'il a eu le note mal mais sans jamais corriger son erreur.
Dans cette histoire, vraie au fait, où est l'erreur ? La réponse simple est "l'apprenant n'a rien compris". La vraie réponse est que celui qui est censé le guider sur le chemin du savoir a échoué. Ainsi que tous ceux qui ont suivi. Et pour que l'élève, jamais corrigé, n'arrive enfin à produire un schéma correct, il faudra au prochain prof l'équivalent didactique d'un marteau et d'un burin. Si pas un marteau-piqueur. Histoire de démolir l'édifice qu'il s'est construit et qu'il a renforcé, de schéma en schéma.
Un écrivain et deux scientifiques (profs eux aussi) ont écrit un bouquin il y a quelques temps qui couvre pas mal de sujet. Le thème principal était l'existence des "mensonges-pour-enfants" comme ils appelaient cela. Le mensonge-pour-enfant est le fait de donner à un enfant une petite partie d'un savoir sans l'assommer avec tout le savoir. Et "menteur-pour-enfant" était, toujours selon eux, un métier très honorable que nous avons appeler "enseignant".
Tout l'art de l'enseignant est de transmettre un mensonge-pour-enfant suffisamment proche de la réalité pour que ce même enfant, plus tard, puisse construire quelque chose de plus grand à l'aide d'un autre "menteur-pour-enfant". Parce que ce que nous transmettons n'est PAS la vérité. Nous le savons très bien.
Mais si nous devons mentir, pour le bien de l'enfant, autant le faire correctement.
A 3 ans, ce que l'enfant cherche est une réponse avant un mécanisme. Il se contentera de n'importe quelle réponse. La preuve en est que le coup des abeilles et des fleurs, des choux, des graines dans le sol le satisfait pleinement.
Ma question est, quitte à lui mentir, pourquoi le faire mal ? Se contenter de dire "Les bébés grandissent dans le ventre de leur mère" est suffisant la plupart du temps. S'il pose la question du comment le bébé est arrivé là, là encore, donnons lui un autre mensonge-pour-enfant : le père dépose une graine dans le ventre de la mère. Cette graine se transforme en bébé.
C'est un mensonge, c'est vrai, mais un mensonge qui détient plus de "vérité" que la cigogne ou l'abeille. Intégrer une idée, quelle qu'elle soit, va déjà lui demander un travail énorme, des changements importants au niveau de son cerveau. Pourquoi réimposer ce même travail par la suite pour démolir l'ancien savoir et replacer le nouveau. Alors qu'on peut simplement lui faire tomber les morceaux trop simples pour les remplacer par des morceaux plus complexes, plus solides aussi.