Trop, cest trop !
Ce nest pas parce que nous nous autocensurons que le Palais peut nous écraser le nez dans la poussière à la moindre saute dhumeur
Toute la profession en tremble encore dindignation. La semaine dernière, lhebdomadaire Al Ayam a subi un violent assaut de la Brigade nationale de la police judiciaire (qui normalement soccupe de terrorisme, cest dire ) Ils étaient pas moins de vingt agents en civil déployés, talkies-walkies à la main, dans les bureaux, la cage descalier,
chaque palier de limmeuble dAl Ayam Le directeur de la publication, Noureddine Miftah, et la rédactrice en chef, Maria Moukrim, nétant pas là, les agents de la BNPJ sont allés les cueillir, la seconde à son domicile, le premier dans un immeuble localisé par triangulation, grâce au signal GPS dun portable (waw !!) Sen sont suivis des interrogatoires de 4 à 6 heures, des menaces à peine voilées, lintervention du chef de la BNPJ en personne (ny a-t-il donc plus de terroristes à traquer dans ce pays ?), en liaison permanente avec on ne sait qui au téléphone
Et pourquoi tout ça ? Parce que nos confrères avaient, dans un tiroir, une photo de Lalla Latifa, la mère de Mohammed VI. Une image compromettante, un secret dEtat ? Même pas ! Il sagissait dune simple photo didentité, prise pendant la jeunesse de la reine mère. Le comble, cest que la police ne savait que cette photo existait que parce que Miftah lui-même avait, fort civilement, demandé au cabinet royal lautorisation de la publier !! Soyez correct, après ça
Pour expliquer le rodéo quont vécu nos confrères, les hypothèses vont bon train. On évoque tel courtisan qui, pour plaire à Sa Majesté, aurait fait du zèle en ordonnant une interpellation digne de Jason Bourne On évoque aussi un règlement de comptes entre services : en gros, un premier aurait manipulé cette affaire avec diplomatie, tandis quun second y serait allé grossièrement, dans le but de discréditer son rival auprès du roi Cest nébuleux, vous ny comprenez rien ? Rassurez-vous, moi non plus. Si ça se trouve, cest fait pour !
Dans tout ça, personne ne sétonne que la BNPJ, fleuron de la police daction marocaine, soit mue par des mains invisibles pour terroriser des journalistes au mépris de toute hiérarchie, puisque le ministre de lIntérieur est tombé des nues en apprenant ce qui sétait passé ! Histoire, quand même, de loindre dun vernis de légalité, on se contente dindiquer que cette opération sest faite sur ordre du procureur général de Casablanca comme si lui-même ne recevait dinstructions de personne !
A lorigine de tout cela, il y a ce fameux dahir de 1956 qui interdit la publication de photographies de notre Majesté ou de leurs Altesses royales sans autorisation préalable du cabinet impérial. Vu les centaines de photos du roi, publiques comme privées, publiées tous les jours dans la presse marocaine sans autorisation de quiconque, cest tout simplement une blague. Et puis disons-le clairement : en soi, ce dahir est éminemment contestable. Avec tout le respect dû à la famille royale, de la reine mère au plus obscur des petits cousins de Mohammed VI, ces gens là devraient se souvenir de temps en temps que leur vie est intégralement financée par nos impôts les vôtres et les miens. A ce titre, la moindre des politesses serait de nous montrer leurs visages. En Angleterre, la presse se repaît des affaires privées les plus glauques des altesses royales (dérapages, beuveries, infidélités ), traquant jusquaux grammes de cellulite en trop sur les hanches de telle princesse surprise en maillot de bain, photos avant/après à lappui Certes, ce genre de voyeurisme nhonore pas la presse, mais il nen reste pas moins un exercice que la démocratie permet.
Le Maroc nest pas une démocratie, cest entendu. Mais ce nest pas parce que nous, journalistes marocains, intégrons un certain degré dautocensure que le Palais peut sestimer libre de nous écraser le nez dans la poussière, à la moindre saute dhumeur du moindre sous-fifre. Le roi nétait pas au courant, disent les bonnes âmes. Ah oui ? Très bien, admettons. Eh bien maintenant il lest. Et il sait forcément qui est à lorigine de ce dérapage. Alors, que cette personne, au moins, soit punie. Et que nous le sachions. Ou alors même ça, cest trop demander ?
© 2009 TelQuel Magazine. Maroc.
Ce nest pas parce que nous nous autocensurons que le Palais peut nous écraser le nez dans la poussière à la moindre saute dhumeur
Toute la profession en tremble encore dindignation. La semaine dernière, lhebdomadaire Al Ayam a subi un violent assaut de la Brigade nationale de la police judiciaire (qui normalement soccupe de terrorisme, cest dire ) Ils étaient pas moins de vingt agents en civil déployés, talkies-walkies à la main, dans les bureaux, la cage descalier,
chaque palier de limmeuble dAl Ayam Le directeur de la publication, Noureddine Miftah, et la rédactrice en chef, Maria Moukrim, nétant pas là, les agents de la BNPJ sont allés les cueillir, la seconde à son domicile, le premier dans un immeuble localisé par triangulation, grâce au signal GPS dun portable (waw !!) Sen sont suivis des interrogatoires de 4 à 6 heures, des menaces à peine voilées, lintervention du chef de la BNPJ en personne (ny a-t-il donc plus de terroristes à traquer dans ce pays ?), en liaison permanente avec on ne sait qui au téléphone
Et pourquoi tout ça ? Parce que nos confrères avaient, dans un tiroir, une photo de Lalla Latifa, la mère de Mohammed VI. Une image compromettante, un secret dEtat ? Même pas ! Il sagissait dune simple photo didentité, prise pendant la jeunesse de la reine mère. Le comble, cest que la police ne savait que cette photo existait que parce que Miftah lui-même avait, fort civilement, demandé au cabinet royal lautorisation de la publier !! Soyez correct, après ça
Pour expliquer le rodéo quont vécu nos confrères, les hypothèses vont bon train. On évoque tel courtisan qui, pour plaire à Sa Majesté, aurait fait du zèle en ordonnant une interpellation digne de Jason Bourne On évoque aussi un règlement de comptes entre services : en gros, un premier aurait manipulé cette affaire avec diplomatie, tandis quun second y serait allé grossièrement, dans le but de discréditer son rival auprès du roi Cest nébuleux, vous ny comprenez rien ? Rassurez-vous, moi non plus. Si ça se trouve, cest fait pour !
Dans tout ça, personne ne sétonne que la BNPJ, fleuron de la police daction marocaine, soit mue par des mains invisibles pour terroriser des journalistes au mépris de toute hiérarchie, puisque le ministre de lIntérieur est tombé des nues en apprenant ce qui sétait passé ! Histoire, quand même, de loindre dun vernis de légalité, on se contente dindiquer que cette opération sest faite sur ordre du procureur général de Casablanca comme si lui-même ne recevait dinstructions de personne !
A lorigine de tout cela, il y a ce fameux dahir de 1956 qui interdit la publication de photographies de notre Majesté ou de leurs Altesses royales sans autorisation préalable du cabinet impérial. Vu les centaines de photos du roi, publiques comme privées, publiées tous les jours dans la presse marocaine sans autorisation de quiconque, cest tout simplement une blague. Et puis disons-le clairement : en soi, ce dahir est éminemment contestable. Avec tout le respect dû à la famille royale, de la reine mère au plus obscur des petits cousins de Mohammed VI, ces gens là devraient se souvenir de temps en temps que leur vie est intégralement financée par nos impôts les vôtres et les miens. A ce titre, la moindre des politesses serait de nous montrer leurs visages. En Angleterre, la presse se repaît des affaires privées les plus glauques des altesses royales (dérapages, beuveries, infidélités ), traquant jusquaux grammes de cellulite en trop sur les hanches de telle princesse surprise en maillot de bain, photos avant/après à lappui Certes, ce genre de voyeurisme nhonore pas la presse, mais il nen reste pas moins un exercice que la démocratie permet.
Le Maroc nest pas une démocratie, cest entendu. Mais ce nest pas parce que nous, journalistes marocains, intégrons un certain degré dautocensure que le Palais peut sestimer libre de nous écraser le nez dans la poussière, à la moindre saute dhumeur du moindre sous-fifre. Le roi nétait pas au courant, disent les bonnes âmes. Ah oui ? Très bien, admettons. Eh bien maintenant il lest. Et il sait forcément qui est à lorigine de ce dérapage. Alors, que cette personne, au moins, soit punie. Et que nous le sachions. Ou alors même ça, cest trop demander ?
© 2009 TelQuel Magazine. Maroc.