Abdelilah Benkirane est un Premier ministre qui parle. Ça nous change, comparé aux véritables carpes quauront été les Youssoufi, Filali, Jettou, Lamrani, El Fassi, etc. Tous ces chefs taiseux avaient réussi à dresser un mur de silence derrière lequel ils ont fini par disparaître corps et âme. Le roi ne parlait pas, alors eux non plus, le silence devenant chez eux un mode de gouvernance et un exercice à part entière de la politique. Benkirane, lui, casse cette logique de fer. Il parle. Il fait dans ce que les sociologues appellent le signifiant, manière savante de dire quil produit du sens. Et il narrête pas
Le Premier ministre a expliqué à plusieurs reprises que la communication entre les proches du roi et lui nétait pas dune fluidité exceptionnelle*. Il sest plaint à demi-mots de ce que le roi ou ses conseillers le court-circuitent, lui, le Chef de gouvernement, pour donner des directives à ses ministres. Bien entendu, Benkirane ne nous apprend strictement rien, lomniscience du roi, de ses proches et de ses conseillers, leur omnipotence et leur hégémonie aussi, étant un secret de polichinelle. Oui. Mais Benkirane parle pour nous le dire quand même, nous qui savons mais navons pas lhabitude de lentendre dans la bouche dun Premier ministre. Jusque-là, tout va bien, la prise de parole dun Chef de gouvernement pouvant être assimilée à un début démancipation par rapport au joug du Palais
Et puis tout se déglingue. Benkirane, qui parle décidément trop, se ravise très vite - quelquun lui a-t-il tiré les oreilles ? - et signe un ahurissant communiqué dexcuses, au roi et à ses conseillers, pour leur expliquer, et nous expliquer à nous aussi au passage, que ses propos ont été déformés. Et que tout va bien dans le meilleur des mondes. En substance, le Chef du gouvernement marocain adopte lattitude de lécolier devant son maître : Je nai rien fait, rien dit, mais excusez-moi quand même !.
Ce lamentable épisode qui a eu lieu durant lété nest quun avatar de la dépravation des murs politiques au Maroc. Largument selon lequel le Chef du gouvernement sexcuse pour couper la route à ceux (mais qui ?) qui voudraient, soi-disant, installer une ligne de fritures dans ses rapports avec le roi, est bidon. En réalité, Benkirane fait de la politique en parlant là où ses prédécesseurs la faisaient en se taisant. Il nest pas mieux loti queux. Eux se réfugiaient dans le silence, lui dans le verbe. Et il est aussi démuni queux en face de la surpuissance jamais démentie du roi et de ses représentants.
Si la réalité politique dun pays est le strict reflet des rapports de force qui laniment dans le présent, il y a de quoi sinquiéter. La cause de la démocratie na pas avancé dun pouce. Elle a même reculé. Et cest manifeste. De la répression des manifestations de rue à la domestication des principales forces politiques, en passant par la multiplication des nominations en dehors du circuit gouvernemental (la dernière en date est celle de Driss Jettou, parachuté à la tête de la Cour des comptes à linsu du gouvernement) et le retour à la tradition dans ses représentations les plus archaïques (dernier exemple en date, la Beya, dont le cérémonial pèse toujours des tonnes), le Palais reprend peu à peu ses vieilles habitudes. Les mauvaises. Celles davant le Printemps arabe. Celles de toujours.
tel quel
Le Premier ministre a expliqué à plusieurs reprises que la communication entre les proches du roi et lui nétait pas dune fluidité exceptionnelle*. Il sest plaint à demi-mots de ce que le roi ou ses conseillers le court-circuitent, lui, le Chef de gouvernement, pour donner des directives à ses ministres. Bien entendu, Benkirane ne nous apprend strictement rien, lomniscience du roi, de ses proches et de ses conseillers, leur omnipotence et leur hégémonie aussi, étant un secret de polichinelle. Oui. Mais Benkirane parle pour nous le dire quand même, nous qui savons mais navons pas lhabitude de lentendre dans la bouche dun Premier ministre. Jusque-là, tout va bien, la prise de parole dun Chef de gouvernement pouvant être assimilée à un début démancipation par rapport au joug du Palais
Et puis tout se déglingue. Benkirane, qui parle décidément trop, se ravise très vite - quelquun lui a-t-il tiré les oreilles ? - et signe un ahurissant communiqué dexcuses, au roi et à ses conseillers, pour leur expliquer, et nous expliquer à nous aussi au passage, que ses propos ont été déformés. Et que tout va bien dans le meilleur des mondes. En substance, le Chef du gouvernement marocain adopte lattitude de lécolier devant son maître : Je nai rien fait, rien dit, mais excusez-moi quand même !.
Ce lamentable épisode qui a eu lieu durant lété nest quun avatar de la dépravation des murs politiques au Maroc. Largument selon lequel le Chef du gouvernement sexcuse pour couper la route à ceux (mais qui ?) qui voudraient, soi-disant, installer une ligne de fritures dans ses rapports avec le roi, est bidon. En réalité, Benkirane fait de la politique en parlant là où ses prédécesseurs la faisaient en se taisant. Il nest pas mieux loti queux. Eux se réfugiaient dans le silence, lui dans le verbe. Et il est aussi démuni queux en face de la surpuissance jamais démentie du roi et de ses représentants.
Si la réalité politique dun pays est le strict reflet des rapports de force qui laniment dans le présent, il y a de quoi sinquiéter. La cause de la démocratie na pas avancé dun pouce. Elle a même reculé. Et cest manifeste. De la répression des manifestations de rue à la domestication des principales forces politiques, en passant par la multiplication des nominations en dehors du circuit gouvernemental (la dernière en date est celle de Driss Jettou, parachuté à la tête de la Cour des comptes à linsu du gouvernement) et le retour à la tradition dans ses représentations les plus archaïques (dernier exemple en date, la Beya, dont le cérémonial pèse toujours des tonnes), le Palais reprend peu à peu ses vieilles habitudes. Les mauvaises. Celles davant le Printemps arabe. Celles de toujours.
tel quel