Une « exclusivité » du Monde : le tourisme de propagande de BHL en Israël
Publié le 1er août 2006 par Henri Maler, Patrick Champagne
Dans une lettre, publiée le 18 juin 1979, Pierre Vidal-Naquet, indigné de la promotion de lessai bâclé de Bernard-Henri Lévy, noblement intitulé Le Testament de Dieu, proposait aux lecteurs du Nouvel Observateur « une simple anthologie de "perles" dignes dun médiocre candidat au baccalauréat ». Et sinterrogeait : « Comment peut-il se faire que, sans exercer le moindre contrôle, un éditeur, des journaux, des chaînes de télévision lancent un pareil produit, comme on lance une savonnette ? ». La même question demeure.
Alors que Pierre Vidal-Naquet vient de décéder, les lignes qui suivent sont un modeste hommage à sa mémoire.
La prose de Bernard-Henri Lévy (comme son auteur lui-même..) est inclassable. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Le Monde a éprouvé quelques difficultés à définir le genre auquel appartiennent les deux pages de publi-reportage dont il a gratifié ses lecteurs, dans son édition du 28 juillet 2006.
Si lon en croit lappel de la « une », il sagirait dun « témoignage » : un « témoignage, nourri de rencontres avec la population et certains dirigeants du pays ». Si lon en croit le « chapeau » de larticle, sobrement intitulé « La guerre vue dIsraël », il sagirait dun « récit » : « Comment la population et les dirigeants de lEtat juif ressentent-ils les événements ? Récit dun semaine de vie sous les obus ».
En vérité, il sagit surtout dun long tract de propagande consacré à la prise de position de Bernard-Henri Lévy sur la guerre en cours et dun chapitre de son interminable autobiographie.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle il figure dans la rubrique « Lété » dans les pages « Débats ». Débat ? Manifestement, il ne sagit pas dune « tribune libre » gratuitement envoyée au Monde et publiée au même titre que dautres. Plus prudent, le site du Monde présente ce récit estival comme un « point de vue ».
BHL a-t-il été sollicité par Le Monde ou sest-il proposé lui-même pour délayer la prise position belliqueuse quil avait déjà exprimée dans Le Point ? Nous lignorons. En tout cas, à la lecture de cet article, tous ceux qui seraient tentés de regretter le silence (médiatique) des intellectuels sur lintervention militaire des Israéliens au Liban [1] ne pourront que déplorer que Le Monde ait rompu ce silence en proposant, en guise de pseudo-reportage et de contribution au débat, deux pleines pages de tourisme de propagande et dautopromotion.
On le sait : BHL ne laisse à personne le soin de décider à sa place à quelle lignée dintellectuels prestigieux il appartient. Succédant à Mauriac, il lui emprunte le titre de sa chronique hebdomadaire dans Le Point : « Le Bloc-notes ». Se prenant pour Malraux, il cite autant quil le peut (ici, à deux reprises) le témoin et lacteur de la guerre civile espagnole. Rivalisant avec Sartre, il se veut à la fois philosophe, écrivain, auteur de pièces de théâtre. Et mimant Camus rompant avec Sartre, cest en excommunicateur quil congédie Régis Debray pour cause de délit de concurrence dans un article théâtralement intitulé : « Adieu Régis Debray » (Le Monde, 14 mai 1999). Ce dernier avait eu laudace, dans une « Lettre dun voyageur au président de la République » (Le Monde, 13 mai 1999) décrire ce quil avait vu parce que cela ne correspondait pas à ce que certains, nombre de médias en tête, prétendaient quil fallait voir afin de justifier lintervention occidentale [2]. On sait aujourdhui que la réalité était plus proche de ce quil avait alors rapporté que de ce que BHL et nombre de médias sévertuaient déjà à nous faire croire [3].
On le sait également (et la rédaction du Monde aussi...) : Bernard-Henri Lévy est un pseudo-journaliste dont la plupart des « reportages » ont livré non seulement des commentaires controversés, mais des informations plus quapproximatives. On se souvient ou lon devrait se souvenir du séjour du même BHL en Algérie. En 1998, il devient, pour Le Monde, journaliste de la guerre civile algérienne. En deux articles (« Le jasmin et le sang » et « La loi des massacres », les 8 et 9 janvier 1998), pour nous dire tout le mal quil pense des islamistes égorgeurs, il déclame tout le bien quil faut penser du gouvernement algérien qui avait dailleurs largement organisé son voyage [4]. On se souvient, ou lon devrait se souvenir, de son « enquête » en Colombie intitulée « Les maux de tête de Carlos Castaño » (Le Monde, 2 juin 2001) [5]. Inoubliables, également ses séjours en Afghanistan et son « romanquête » sur lassassinat de Daniel Pearl, etc.
Publié le 1er août 2006 par Henri Maler, Patrick Champagne
Dans une lettre, publiée le 18 juin 1979, Pierre Vidal-Naquet, indigné de la promotion de lessai bâclé de Bernard-Henri Lévy, noblement intitulé Le Testament de Dieu, proposait aux lecteurs du Nouvel Observateur « une simple anthologie de "perles" dignes dun médiocre candidat au baccalauréat ». Et sinterrogeait : « Comment peut-il se faire que, sans exercer le moindre contrôle, un éditeur, des journaux, des chaînes de télévision lancent un pareil produit, comme on lance une savonnette ? ». La même question demeure.
Alors que Pierre Vidal-Naquet vient de décéder, les lignes qui suivent sont un modeste hommage à sa mémoire.
La prose de Bernard-Henri Lévy (comme son auteur lui-même..) est inclassable. Peut-être est-ce la raison pour laquelle Le Monde a éprouvé quelques difficultés à définir le genre auquel appartiennent les deux pages de publi-reportage dont il a gratifié ses lecteurs, dans son édition du 28 juillet 2006.
Si lon en croit lappel de la « une », il sagirait dun « témoignage » : un « témoignage, nourri de rencontres avec la population et certains dirigeants du pays ». Si lon en croit le « chapeau » de larticle, sobrement intitulé « La guerre vue dIsraël », il sagirait dun « récit » : « Comment la population et les dirigeants de lEtat juif ressentent-ils les événements ? Récit dun semaine de vie sous les obus ».
En vérité, il sagit surtout dun long tract de propagande consacré à la prise de position de Bernard-Henri Lévy sur la guerre en cours et dun chapitre de son interminable autobiographie.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle il figure dans la rubrique « Lété » dans les pages « Débats ». Débat ? Manifestement, il ne sagit pas dune « tribune libre » gratuitement envoyée au Monde et publiée au même titre que dautres. Plus prudent, le site du Monde présente ce récit estival comme un « point de vue ».
BHL a-t-il été sollicité par Le Monde ou sest-il proposé lui-même pour délayer la prise position belliqueuse quil avait déjà exprimée dans Le Point ? Nous lignorons. En tout cas, à la lecture de cet article, tous ceux qui seraient tentés de regretter le silence (médiatique) des intellectuels sur lintervention militaire des Israéliens au Liban [1] ne pourront que déplorer que Le Monde ait rompu ce silence en proposant, en guise de pseudo-reportage et de contribution au débat, deux pleines pages de tourisme de propagande et dautopromotion.
On le sait : BHL ne laisse à personne le soin de décider à sa place à quelle lignée dintellectuels prestigieux il appartient. Succédant à Mauriac, il lui emprunte le titre de sa chronique hebdomadaire dans Le Point : « Le Bloc-notes ». Se prenant pour Malraux, il cite autant quil le peut (ici, à deux reprises) le témoin et lacteur de la guerre civile espagnole. Rivalisant avec Sartre, il se veut à la fois philosophe, écrivain, auteur de pièces de théâtre. Et mimant Camus rompant avec Sartre, cest en excommunicateur quil congédie Régis Debray pour cause de délit de concurrence dans un article théâtralement intitulé : « Adieu Régis Debray » (Le Monde, 14 mai 1999). Ce dernier avait eu laudace, dans une « Lettre dun voyageur au président de la République » (Le Monde, 13 mai 1999) décrire ce quil avait vu parce que cela ne correspondait pas à ce que certains, nombre de médias en tête, prétendaient quil fallait voir afin de justifier lintervention occidentale [2]. On sait aujourdhui que la réalité était plus proche de ce quil avait alors rapporté que de ce que BHL et nombre de médias sévertuaient déjà à nous faire croire [3].
On le sait également (et la rédaction du Monde aussi...) : Bernard-Henri Lévy est un pseudo-journaliste dont la plupart des « reportages » ont livré non seulement des commentaires controversés, mais des informations plus quapproximatives. On se souvient ou lon devrait se souvenir du séjour du même BHL en Algérie. En 1998, il devient, pour Le Monde, journaliste de la guerre civile algérienne. En deux articles (« Le jasmin et le sang » et « La loi des massacres », les 8 et 9 janvier 1998), pour nous dire tout le mal quil pense des islamistes égorgeurs, il déclame tout le bien quil faut penser du gouvernement algérien qui avait dailleurs largement organisé son voyage [4]. On se souvient, ou lon devrait se souvenir, de son « enquête » en Colombie intitulée « Les maux de tête de Carlos Castaño » (Le Monde, 2 juin 2001) [5]. Inoubliables, également ses séjours en Afghanistan et son « romanquête » sur lassassinat de Daniel Pearl, etc.