Les trois Synoptiques rapportent cette plainte du Christ, cette invective d'une génération incrédule (Matthieu, Marc, Luc) et perverse (Matthieu). Il exprime les sentiments profonds de son coeur: tristesse, peine, déception et colère, et il semble qu'il s'en prenne à tout le monde, scribes, foule et... disciples.
Bien qu'ils l'aient suivi pendant près de trois ans, recevant son instruction, ceux-ci faisaient encore preuve de l'incrédulité qui caractérisait Israël tout entier. Jésus s'attendait à mieux de leur part. Il est déçu et mécontent. Dans Matthieu 17:19.20, il les traite de gens de peu de foi, dont la foi n'est pas plus grande qu'un grain de moutarde.
Sa plainte est suivie d'un ordre bref qui contient une promesse: "Amenez-le-moi". Et dès que l'enfant est en présence du Christ, il est sujet à une violente crise. Crise d'épilepsie aux symptômes décrits plus haut. Mais ce n'est pas un cas d'épilepsie ordinaire. La crise est déclenchée à l'instant où le gamin apparaît devant le Seigneur et attribuée à l'esprit qui habite en lui. Il y a donc à la fois épilepsie et possession démoniaque. Le démon ne supporte manifestement pas la présence du Christ, de celui qui est plus fort que lui et venu pour le vaincre. Il est clair qu'il est l'auteur de la maladie et l'agent de la crise.
Jésus s'informe auprès du père. Cela ressemble étrangement à une consultation médicale. Le père répond à sa question en ajoutant une supplication. L'interrogatoire ne doit pas permettre à Jésus de faire un diagnostic, mais aider le père à réaliser ce qu'il demande au Seigneur: rien de moins qu'une guérison instantanée et complète, alors que le gamin est malade depuis sa petite enfance! Pédagogie du Christ, pour que le malheureux père mesure la portée de ce qu'il lui demande et de ce qui va se produire. Il ne sollicite pas une aide humaine, mais le secours divin.
Si tu peux quelque chose...:
Cet homme croit, mais sa foi est bien faible. "Si tu peux quelque chose..., si par hasard tu es plus fort que tes disciples qui ont échoué...".
"Viens à notre secours, aie compassion de nous". Il fait appel à la pitié du Christ en faveur de l'enfant et de toute sa famille.
Si tu peux!... Tout est possible à celui qui croit!
On ressent l'impatience et le mécontentement de Jésus. "Race incrédule", s'était-il exclamé. Il ne s'agit pas de savoir s'il peut ou non faire ce miracle, mais si ce père a assez de foi pour l'en croire capable. S'il croit et ne doute pas, il obtiendra ce qu'il désire.
La réaction du père est immédiate: "Je crois! Viens au secours de mon incrédulité!" La foi est là, réelle, sincère, mais bien faible. Compte tenu de ce qu'elle devrait être, le père l'appelle "incrédulité", une incrédulité dont il demande à Jésus de le délivrer. Sincérité et humilité. Seuls ceux qui reconnaissent leur manque de foi peuvent progresser dans la foi.
Les miracles ne dépendent pas de la foi, mais de la seule volonté de Jésus. Rien ne prouve que tous les malades qu'il guérit étaient des croyants. Le paralytique de Jean 5 ne savait même pas qui lui avait accordé la guérison. La veuve de Naïn était-elle croyante? Rien dans le texte ne permet de l'affirmer. Jésus refusait de faire des miracles, quand il avait affaire à un attroupement d'incroyants, mais il n'exigeait pas pour autant la foi des malades ou de leur famille. En tout cas, cette exigence n'était pas systématique. Ici, il a affaire à un père croyant. Son dialogue a pour but de lui faire réaliser qu'il demande un grand miracle, une démonstration de toute-puissance divine, et ainsi de fortifier sa foi et de la lui faire confesser.
Esprit muet et sourd, je te l'ordonne, sors de cet enfant!
Jésus guérit le garçon en chassant le démon qui habitait en lui. Il veut une guérison totale et définitive. L'esprit impur doit sortir et ne plus jamais revenir en lui. Au moment où il sort, l'enfant est inerte, dans le coma, à tel point qu'on le croit mort. Mais le Seigneur parachève son miracle. Il le réanime et le relève. Il rend à son père un garçon instantanément et complètement guéri.
Pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit?
Suit, chez Matthieu et chez Marc, un entretien avec les disciples où Jésus insiste sur leur manque de foi, source de leur échec. Ils ont échoué, alors que le Christ leur avait donné pouvoir sur les démons (Matthieu 10:8; Marc 6:7). C'est que le coeur humain est tortueux (Jérémie 17:9). Il existe une foi dite charismatique ou héroïque qui déplace des montagnes (1 Corinthiens 13:1.2). Jésus attendait des douze qu'ils fassent des miracles sans douter de leur pouvoir, car il leur avait ordonné d'en faire et les en avait rendus capables. Mais pour accomplir des prodiges, il faut recourir à la prière. Sans elle, le pouvoir accordé par le Christ reste inopérant.