kamomille
VIB
http://www.challenges.fr/styles/recit/0204.029831/?xtmc=purobjetdudesir&xtcr=1
Dans l'histoire, la psychanalyse et nos placards, le soulier a une place à part. Cette source de passion sait mettre les deux sexes à l'unisson.
Elles étaient là. Perdues dans cette minuscule vitrine d'une boutique de Syracuse, par une chaleur suffocante, un après-midi d'été 2007. Les ballerines souris de Marc Jacobs. Mes ballerines. Vernies, noires, divines avec leurs bouts en forme de museau, ornés de petites oreilles en cuir et de moustaches... Les chaussures de mes rêves (d'une saison). Repérées, essayées, puis maintes fois abandonnées aux mains de la vendeuse, à Paris. Une petite folie - près de 300 euros, tout de même. Je me croyais guérie. Et voilà qu'une paire, à ma pointure, et bradée à plus de 50 % venait me narguer, dans cette belle cité antique. Comment résister ? Quelques minutes plus tard, me voici qui trottine, euphorique, mes nouveaux trésors aux pieds, vers la terrasse où m'attend un ami. « Incorrigible », lâche-t-il, en me voyant. « Incomprise », lui répondis-je.
Toquée de pompes ? Oui. Je ne cherche même plus à me soigner. Depuis mes premiers bottillons de marche, j'ai tout porté : compensées, espadrilles, cuissardes, babies... L'escarpin conquérant de la working girl et la Tropézienne des plages. Travers culturel, sans doute, au paradis de la mode : avec six paires achetées par an et par habitant, selon la Fédération française de la chaussure, la France est le premier marché d'Europe. Mais tropisme, aussi - hélas ? - lié au sexe : plus d'une Française sur deux avoue avoir entre six à dix paires de chaussures. Mais près de 40 % bien davantage. La femme place même la chaussure en tête des achats qui lui procurent le plus de plaisir, devant le parfum ou la lingerie. De quoi me sentir moins seule, avec mes dizaines de paires, pieusement rangées dans leurs boîtes, par genres et par saisons.
Cantonner cette passion à un égarement purement féminin serait pourtant une erreur. Du gentilhomme - qui signifiait son rang social par la longueur des pointes de ses souliers -, au zazou, l'homme s'est souvent montré aussi fervent. « Seulement, il n'apprécie pas la même chose dans une chaussure que la femme », dit Michel Perry. Créateur adulé des tops et des bobos chics, il a été recruté en 2001 comme directeur artistique chez Weston. Une maison qui chausse des politiques (Jacques Chirac, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy...), mais aussi des people à l'élégance dandy : Michel Denisot, Charles Berling, Julien Doré... « L'homme Weston est un homme mesuré. Il va admirer la technique et le savoir-faire de la chaussure, quand la femme privilégiera le coup de coeur et le créatif, explique Perry. Même s'il est vrai qu'aujourd'hui l'homme s'autorise un peu plus d'émotion. » Philippe Atienza, directeur général chez Massaro - monument de la chaussure de luxe, et inventeur notamment de la ballerine bicolore Chanel -, compare volontiers les égards que certains hommes accordent à leurs chaussures à ceux qu'ils portent... à leur voiture. « Ils les cirent, les «bichonnent», un peu comme on peut lustrer une belle carrosserie », dit-il. Pierre Corthay, autre maestro du sur-mesure, pousse la métaphore jusqu'à accueillir le visiteur dans des sièges de Fiat Dino, un coupé des années 1960 équipé d'un moteur de Ferrari ! Dans les caves de son atelier, près de la place Vendôme, qui exhalent les peaux et onguents en tout genre, s'alignent les formes en bois des pieds de ses clients. Hommes d'affaires, princes du Moyen-Orient, vedettes (Valérie Lemercier... ), cordons-bleus (Guy Savoy, Pierre Hermé)... Depuis vingt ans, ce compagnon s'inspire notamment de la peinture pour créer des modèles en apparence classique, mais toujours rehaussé d'un zeste d'originalité, d'une couleur ou d'une patine inattendues. Un tempérament présent dans ses modèles de prêt-à-chausser, aux noms explicites (Schizo, Electrochoc...). Et surtout dans son sur-mesure : « Pour celui qui la crée, et celui qui la porte, la chaussure devient alors un élément de liberté. » Comme ce mocassin démesuré que Pierre Corthay a dessiné pour Jacques-Antoine Granjon, le PDG hétérodoxe de Vente-privée. com, devenu sa signature vestimentaire : un modèle très pointu, taille 62, de près de 35 centimètres ! La dernière version, en croco poncé chocolat, doublé de cuir couleur clémentine, lui a été livrée il
Dans l'histoire, la psychanalyse et nos placards, le soulier a une place à part. Cette source de passion sait mettre les deux sexes à l'unisson.
Elles étaient là. Perdues dans cette minuscule vitrine d'une boutique de Syracuse, par une chaleur suffocante, un après-midi d'été 2007. Les ballerines souris de Marc Jacobs. Mes ballerines. Vernies, noires, divines avec leurs bouts en forme de museau, ornés de petites oreilles en cuir et de moustaches... Les chaussures de mes rêves (d'une saison). Repérées, essayées, puis maintes fois abandonnées aux mains de la vendeuse, à Paris. Une petite folie - près de 300 euros, tout de même. Je me croyais guérie. Et voilà qu'une paire, à ma pointure, et bradée à plus de 50 % venait me narguer, dans cette belle cité antique. Comment résister ? Quelques minutes plus tard, me voici qui trottine, euphorique, mes nouveaux trésors aux pieds, vers la terrasse où m'attend un ami. « Incorrigible », lâche-t-il, en me voyant. « Incomprise », lui répondis-je.
Toquée de pompes ? Oui. Je ne cherche même plus à me soigner. Depuis mes premiers bottillons de marche, j'ai tout porté : compensées, espadrilles, cuissardes, babies... L'escarpin conquérant de la working girl et la Tropézienne des plages. Travers culturel, sans doute, au paradis de la mode : avec six paires achetées par an et par habitant, selon la Fédération française de la chaussure, la France est le premier marché d'Europe. Mais tropisme, aussi - hélas ? - lié au sexe : plus d'une Française sur deux avoue avoir entre six à dix paires de chaussures. Mais près de 40 % bien davantage. La femme place même la chaussure en tête des achats qui lui procurent le plus de plaisir, devant le parfum ou la lingerie. De quoi me sentir moins seule, avec mes dizaines de paires, pieusement rangées dans leurs boîtes, par genres et par saisons.
Cantonner cette passion à un égarement purement féminin serait pourtant une erreur. Du gentilhomme - qui signifiait son rang social par la longueur des pointes de ses souliers -, au zazou, l'homme s'est souvent montré aussi fervent. « Seulement, il n'apprécie pas la même chose dans une chaussure que la femme », dit Michel Perry. Créateur adulé des tops et des bobos chics, il a été recruté en 2001 comme directeur artistique chez Weston. Une maison qui chausse des politiques (Jacques Chirac, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy...), mais aussi des people à l'élégance dandy : Michel Denisot, Charles Berling, Julien Doré... « L'homme Weston est un homme mesuré. Il va admirer la technique et le savoir-faire de la chaussure, quand la femme privilégiera le coup de coeur et le créatif, explique Perry. Même s'il est vrai qu'aujourd'hui l'homme s'autorise un peu plus d'émotion. » Philippe Atienza, directeur général chez Massaro - monument de la chaussure de luxe, et inventeur notamment de la ballerine bicolore Chanel -, compare volontiers les égards que certains hommes accordent à leurs chaussures à ceux qu'ils portent... à leur voiture. « Ils les cirent, les «bichonnent», un peu comme on peut lustrer une belle carrosserie », dit-il. Pierre Corthay, autre maestro du sur-mesure, pousse la métaphore jusqu'à accueillir le visiteur dans des sièges de Fiat Dino, un coupé des années 1960 équipé d'un moteur de Ferrari ! Dans les caves de son atelier, près de la place Vendôme, qui exhalent les peaux et onguents en tout genre, s'alignent les formes en bois des pieds de ses clients. Hommes d'affaires, princes du Moyen-Orient, vedettes (Valérie Lemercier... ), cordons-bleus (Guy Savoy, Pierre Hermé)... Depuis vingt ans, ce compagnon s'inspire notamment de la peinture pour créer des modèles en apparence classique, mais toujours rehaussé d'un zeste d'originalité, d'une couleur ou d'une patine inattendues. Un tempérament présent dans ses modèles de prêt-à-chausser, aux noms explicites (Schizo, Electrochoc...). Et surtout dans son sur-mesure : « Pour celui qui la crée, et celui qui la porte, la chaussure devient alors un élément de liberté. » Comme ce mocassin démesuré que Pierre Corthay a dessiné pour Jacques-Antoine Granjon, le PDG hétérodoxe de Vente-privée. com, devenu sa signature vestimentaire : un modèle très pointu, taille 62, de près de 35 centimètres ! La dernière version, en croco poncé chocolat, doublé de cuir couleur clémentine, lui a été livrée il