Elections israéliennes : un choix confiné à l’extrême-droite ?
mardi 10 février 2009 - 11h:03
D’après El Païs - Juan Miguel Muñoz
« J’ai une bonne et un mauvaise nouvelle », dit le sergent à la troupe. « La bonne c’est qu’on va vous changer vos sous-vêtements, et la mauvaise, c’est qu’il va falloir les changer entre vous. »
Le commentateur politique Uri Avnery a recours à cette plaisanterie pour donner une idée du panorama proposé aux 5,27 millions d’électeurs israéliens qui désignent aujourd’hui leur parlement.
Ils opteront pour de vieilles figures, tous des vétérans qui éveillent de faibles sympathies et ont à leur actif peu de réalisations. Le pays est plongé dans le désarroi. Presqu’un million d’indécis détermineront les résultats entre Benjamin Netanyahu, chef du parti Likud, et Tzipi Livni, candidate du parti Kadima.
Et ils voteront influencés par deux peurs : la peur d’un Iran nucléaire inculquée avec persévérance et la peur d’une récession économique qui arrive en Israël avec retard. Le dossier palestinien, contrairement à d’autres campagnes, a quasi disparu.
Beaucoup de gens sont dans le doute. Le dégoût vis-à-vis d’une classe dirigeante — le Likud a présenté comme étoiles des vétérans ex-députés comme Benny Begin, fils de l’ex-premier ministre Menahem Begin, et l’ex-chef d’état-major Moshe Yaalon — provoque des réactions comme celle de Rinat, économiste employé dans une banque : il se bouche le nez. Son collègue de bureau ne s’était non plus pas encore décidé avant-hier.
Il y a ceux qui hésitent entre les Verts et le néo-fasciste Avigdor Lieberman, fléau des arabes israéliens. Ou entre celui-ci et Livni, parce qu’ils craignent les politiques néo-libérales de Netanyahu maintenant que la crise économique va redoubler.
Avec une telle incertitude et l’étroitesse des prévisions — une paire de sièges d’avance pour le Likud (27) face au Kadima (25) — faire une prévision est une aventure à risque.
Ce qui contribue à ce vide est la stratégie du mutisme appliquée par les candidats. Se taire est mieux que de mettre les pieds dans le plat. La campagne a été pleine de slogans sans compromis. « Fort en économie, fort en sécurité », disait celle de Netanyahu, dont l’attitude ressemble à celle de l’ex-dirigeant soviétique Andrei Gromiko, surnommé « Monsieur Non ». « Nous ne restituerons pas le Golan à la Syrie », a-t-il répété. « Nous ne démantèlerons pas de colonies en Cisjordanie », a-t-il insisté. « Nous ne diviserons pas Jérusalem », a-t-il réitéré. Sa rivale, Livni, ne s’est pas mouillée non plus. « Un leadrership différent », est sa devise.
Peu de propositions et beaucoup d’attaques réciproques sur la capacité à exercer la charge de premier ministre ont jalonné la campagne qui a révélé deux tendances fermement enracinées dans la société israélienne.
Quel que soit le résultat, la droite en sortira consolidée. Depuis les élections qui ont suivi l’assassinat d’Isaac Rabin (en novembre 1995) et qui ont vu la victoire de Netanyahu en mai 1996, les Travaillistes n’ont gouverné qu’une seule période (de 1999 à 2001). Le mandat d’Ehud Barak, à nouveau candidat, a fini comme la couleur rose de l’aurore, puis est arrivé le faucon Ariel Sharon. Et en second lieu, les voix augmentent pour demander un changement dans la législation pour instaurer un régime présidentialiste.
La loi électorale qui établit un système proportionnel intégral dans un secteur unique, favorise la floraison de partis. Avec un effet positif : tous les secteurs de la société israélienne si divisée sont représentés à la Knesset : ultraortodoxes séfarades ou ashkénazes, arabes-israéliens [dont deux partis ont été interdits d’élections, ce qui illustre parfaitement l’aspect ségrégationniste du système israélien - N.d.T], les représentants des colons, des laïques xénophobes, des laïques de gauche, des libéraux du centre [le concept de centre est très particulier en Israël où quasiment tout le spectre politique est situé à l’extrême-droite - N.d.T], les immigrants d’origine russe... Mais avec une conséquence inéluctable : l’instabilité qui afflige le système politique.
Douze partis disposaient de sièges dans le 17ª parlement de l’histoire israélienne. On ne prévoit pas moins dans le prochain parlement élu. Et une conséquence est prédite par beaucoup d’experts, inévitable : la formation d’un gouvernement d’unité nationale qui permettrait de confronter les défis à venir — le programme atomique de l’Iran et les dommages de la crise économique dans un pays étroitement lié l’Europe et aux Etats-Unis — avec des garanties que le monde politique maintiendra ses rangs serrés.
L’éternel conflit avec les Palestiniens a été dédaigné. En mars 2006 durant la campagne préalable aux élections, le premier ministre sortant, Ehud Olmert, proposait un retrait partiel de Cisjordanie comme point central de sa campagne. Et il y a seulement un mois, la société israélienne appuyait en bloc l’attaque contre le Hamas et la destruction de Gaza. Aujourd’hui, il n’est plus question que de vagues mentions. Reprendre ou non des « négociations » est une question marginale.