Accrochée aux fenêtres des maisons closes d'Allemagne, la petite lampe rouge - signe discret, mais sans ambiguïté - semble bien pâlotte. Et les affiches, parfois plus explicites, collées aux carreaux n'y changent rien : les temps sont rudes, pour le milieu allemand de la prostitution. "Si le client n'arrive même plus à financer son logement, sa nourriture et sa voiture, comment voulez-vous qu'il fasse des frais pour du sexe ?", demande Monika Heitmann, de l'association Nitribitt, qui, depuis plus de vingt ans, assiste les prostituées de Brême.
Oui, même le Rotlichtmilieu (le "milieu de la lanterne rouge") semble touché par la crise, et "tire la sonnette d'alarme", comme l'a titré le quotidien Süddeutschezeitung. Les patrons de maisons closes sont formels : la fréquentation de leurs établissements a, depuis cet hiver, chuté d'environ 30 %. Contraintes et forcées, bien des "filles" se retrouvent au chômage partiel. Tandis que le plus vieil établissement de Francfort, le FKK Sudfass, a fermé ses portes en début d'année, après trente-sept ans de service, le secteur lutte pour sa survie.
Certes, le quotidien économique Handelsblatt souligne que la situation n'est guère plus brillante à Amsterdam, où, d'après lui, le "ralentissement drastique" de l'activité va "porter le coup de grâce" à de nombreuses maisons du fameux Quartier rouge. Mais l'Allemagne, où le gouvernement Schröder a décidé de légaliser la prostitution en 2002, afin de décriminaliser le milieu et de donner des droits aux prostituées, s'inquiète du sort de ces dernières.
On saura donc tout, grâce au quotidien populaire Bild mais aussi à la presse la plus sérieuse, des misères que connaît le milieu. "Aujourd'hui, nos filles gagnent au maximum 500 euros par semaine, là où elles s'en faisaient facilement 1 500 avant", se lamente Ralf Gottschald, patron d'un établissement de Hanovre. Pour gagner leur vie, les prostituées en viennent à tout accepter. Face à "la concurrence dramatique" qui, d'après Marion Detlefs, de l'association berlinoise Hydra, s'est installée, certaines renoncent même à "faire respecter les fondamentaux du métier : port obligatoire du préservatif, interdit du baiser buccal".
De fait, jamais les établissements n'ont fait preuve d'autant d'imagination. A Berlin, le FKK Artemis propose ainsi des tarifs spéciaux pour les retraités ainsi que pour les chauffeurs de taxi - "ces derniers, nous ramenant pas mal de clients, paient moitié prix le dimanche et le lundi", justifie Ekki Krummeich, le tenancier. A Berlin toujours, le Pussy Club, ouvert en 2008, avec son forfait "Zwei für eins" ("Deux pour le prix d'un"), invite madame à prendre part aux ébats. "Nous n'avons fait que répondre à une demande de notre clientèle, parfois exprimée par les conjointes elles-mêmes", s'en explique Alex Schuh, le gérant.
Mais c'est encore avec sa formule à 70 euros que le Pussy Club bat tous les records. Pour cette somme en effet, le client a droit de "faire tout ce qu'il veut, autant qu'il le veut, aussi longtemps qu'il le peut" (uniquement toutefois aux heures creuses, de 10 heures à 16 heures). Le Pussy Club signe ainsi le triomphe du "bordel discount", un nouveau type d'établissement qui connaît un succès grandissant. A n'en pas douter, "le concept est promis à un bel avenir", se félicite Alex Schuh.
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