20 % des Canadiens détiennent 75 % des actifs du pays
La concentration de la richesse entre les mains des Canadiens les plus nantis a continué de s'accroître au cours des cinq dernières années, une tendance lourde observée depuis maintenant une vingtaine d'années. Ainsi, les 20 % de familles les plus riches détenaient 75 % de la richesse totale des ménages en 2005, contre 69 % en 1984, selon une étude de Statistique Canada rendue publique hier. En 2005, les familles se situant dans les 20 % supérieurs de la répartition de la richesse avaient une valeur nette moyenne de 551 000 $. Les chiffres correspondants étaient de 465 000 $ en 1999 et de 336 000 $ en 1984. Par contre, la valeur nette médiane des familles du quintile inférieur a quant à elle stagné entre 1984 et 2005. En fait, la valeur de leur actif n'a jamais dépassé la valeur de leurs dettes au cours de la période allant de 1984 à 2005.
Ainsi, les familles du quintile supérieur détenaient 75 % de la richesse totale des ménages en 2005, contre 73 % en 1999 et 69 % en 1984.
Depuis deux décennies, seules les familles de la tranche supérieure de 10 % ont augmenté leur part de la richesse totale. Entre-temps, la valeur nette a stagné ou a diminué dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition, mais a considérablement augmenté dans la tranche supérieure de 40 %. Par exemple, la valeur nette moyenne a chuté d'environ 7500 $ dans la tranche inférieure de 10 % au cours de la période de 1984 à 2005, tout en progressant de 237 000 $ à 659 000 $ dans la tranche supérieure de 10 %.
«Par conséquent, l'inégalité de la richesse s'est accentuée étant donné que tous les segments de la population canadienne n'ont pas profité d'un accroissement de la richesse», souligne l'étude intitulée Inégalité de la richesse: second regard, publiée dans l'édition de décembre de L'emploi et le revenu en perspective. L'inégalité de la richesse ne s'est pas accrue uniformément. Sans surprise, elle a augmenté beaucoup plus chez les couples non âgés ayant des enfants et les familles monoparentales que chez les personnes seules et les couples non âgés sans enfant.
Fait à noter, «la proportion des familles ayant une valeur nette nulle ou négative n'a montré aucune amélioration», indique le document. En 2005, 14 % des familles avaient plus de dettes que d'avoirs, alors que ce pourcentage s'élevait à 11 % en 1984. En outre, plus de familles n'avaient aucune richesse financière en 2005 (24 %) qu'en 1984 (18 %).
L'étude révèle également que la richesse a fléchi considérablement depuis 1984 parmi les familles dont le principal soutien économique était âgé de 25 à 34 ans. En 2005, ces familles avaient une richesse médiane de 13 400 $, contre 27 000 $ en 1984. Cette baisse de l'avoir net est surtout liée à la diminution des gains cumulés des jeunes hommes. Entre 1994 et 2004, ces gains cumulatifs s'élevaient à environ 267 000 $ en moyenne, contre 330 000 $ entre 1973 et 1983.
Selon l'étude, la croissance de la valeur du logement a alimenté en partie l'augmentation de la richesse des familles de la tranche supérieure de 20 %. «Le prix des maisons a nettement augmenté depuis quelques années et 95 % des ménages dans le quintile supérieur possèdent une maison. Ils ont bénéficié de cette appréciation. Mais à peine 6 % des ménages dans le quintile inférieur en possèdent une, donc ils n'en ont pas profité», explique l'économiste René Morissette, de Statistique Canada.
En effet, la valeur de la résidence principale a peu changé dans les familles se situant dans les 20 % inférieurs, majoritairement locataires. Au contraire, chez les propriétaires, la valeur médiane de la résidence principale a grimpé de 75 000 $ au cours des six dernières années, en raison d'une hausse marquée du prix du logement.
Unsal Ozdilek, professeur au département de sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal, voit mal comment on pourrait corriger ce facteur d'écart, puisque les moins nantis font carrément face à une «barrière» dans le domaine immobilier. «On investit dans l'immobilier ces temps-ci parce que ça va bien. Alors le message est "devenez propriétaire"; mais c'est un cercle vicieux parce qu'ils [les moins nantis] ne pourront pas devenir propriétaires s'ils n'ont pas les ressources nécessaires, soutient-il. Il y a un écart très important, qui est même une barrière pour une bonne partie de la population qui n'est pas capable de payer, par exemple, l'hypothèque d'une maison sur l'île de Montréal.»
«Et bien sûr que l'écart va se creuser avec le temps parce que celui qui est propriétaire a des moyens supplémentaires», souligne M. Ozdilek, d'autant plus «qu'il possède un actif qui lui donne un coup de pouce en prenant de la valeur». Avec pour conséquence que cet actif «contribue à augmenter l'écart entre riches et pauvres». Une tendance qui est loin de se résorber, selon lui.
M. Morissette estime d'ailleurs que ce constat fait suite à une augmentation de l'inégalité du revenu familial net, survenue dans les années 1990. «L'écart de revenus entre les familles riches et pauvres s'est accru dans les années 90, donc les familles les plus riches avaient plus d'argent à épargner, ce qui se traduit quelques années plus tard par des actifs plus considérables pour les plus riches», dit-il. Au contraire, «le revenu des familles les moins nanties a stagné au cours de la même période», ajoute l'économiste. Il juge «difficile de prévoir» si cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années.
Martin Petit, de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, ne s'étonne pas des constats de cette étude. «Si on avait reculé dans le temps, on aurait pu remarquer que cette tendance remonte à bien avant 1984», note-t-il, ajoutant que «cette tendance est de plus en plus forte». L'aspect du logement lui paraît particulièrement révélateur, notamment parce que certains locataires moins nantis «consacrent 60 à 65 % de leurs revenus» pour se loger. «La faiblesse des revenus de ces ménages a pour conséquence qu'ils se privent de biens souvent essentiels, comme des assurances, ou bien qu'ils s'endettent davantage», affirme-t-il.
L'étude a aussi révélé que «le vieillissement de la population n'a pas constitué un facteur de l'inégalité croissante de la richesse entre 1984 et 2005. En fait, la concentration de la richesse aurait été encore plus grande si la structure par âge de la population était demeurée constante au fil du temps», écrivent les auteurs.
Ledevoir.com
La concentration de la richesse entre les mains des Canadiens les plus nantis a continué de s'accroître au cours des cinq dernières années, une tendance lourde observée depuis maintenant une vingtaine d'années. Ainsi, les 20 % de familles les plus riches détenaient 75 % de la richesse totale des ménages en 2005, contre 69 % en 1984, selon une étude de Statistique Canada rendue publique hier. En 2005, les familles se situant dans les 20 % supérieurs de la répartition de la richesse avaient une valeur nette moyenne de 551 000 $. Les chiffres correspondants étaient de 465 000 $ en 1999 et de 336 000 $ en 1984. Par contre, la valeur nette médiane des familles du quintile inférieur a quant à elle stagné entre 1984 et 2005. En fait, la valeur de leur actif n'a jamais dépassé la valeur de leurs dettes au cours de la période allant de 1984 à 2005.
Ainsi, les familles du quintile supérieur détenaient 75 % de la richesse totale des ménages en 2005, contre 73 % en 1999 et 69 % en 1984.
Depuis deux décennies, seules les familles de la tranche supérieure de 10 % ont augmenté leur part de la richesse totale. Entre-temps, la valeur nette a stagné ou a diminué dans la tranche inférieure de 40 % de la répartition, mais a considérablement augmenté dans la tranche supérieure de 40 %. Par exemple, la valeur nette moyenne a chuté d'environ 7500 $ dans la tranche inférieure de 10 % au cours de la période de 1984 à 2005, tout en progressant de 237 000 $ à 659 000 $ dans la tranche supérieure de 10 %.
«Par conséquent, l'inégalité de la richesse s'est accentuée étant donné que tous les segments de la population canadienne n'ont pas profité d'un accroissement de la richesse», souligne l'étude intitulée Inégalité de la richesse: second regard, publiée dans l'édition de décembre de L'emploi et le revenu en perspective. L'inégalité de la richesse ne s'est pas accrue uniformément. Sans surprise, elle a augmenté beaucoup plus chez les couples non âgés ayant des enfants et les familles monoparentales que chez les personnes seules et les couples non âgés sans enfant.
Fait à noter, «la proportion des familles ayant une valeur nette nulle ou négative n'a montré aucune amélioration», indique le document. En 2005, 14 % des familles avaient plus de dettes que d'avoirs, alors que ce pourcentage s'élevait à 11 % en 1984. En outre, plus de familles n'avaient aucune richesse financière en 2005 (24 %) qu'en 1984 (18 %).
L'étude révèle également que la richesse a fléchi considérablement depuis 1984 parmi les familles dont le principal soutien économique était âgé de 25 à 34 ans. En 2005, ces familles avaient une richesse médiane de 13 400 $, contre 27 000 $ en 1984. Cette baisse de l'avoir net est surtout liée à la diminution des gains cumulés des jeunes hommes. Entre 1994 et 2004, ces gains cumulatifs s'élevaient à environ 267 000 $ en moyenne, contre 330 000 $ entre 1973 et 1983.
Selon l'étude, la croissance de la valeur du logement a alimenté en partie l'augmentation de la richesse des familles de la tranche supérieure de 20 %. «Le prix des maisons a nettement augmenté depuis quelques années et 95 % des ménages dans le quintile supérieur possèdent une maison. Ils ont bénéficié de cette appréciation. Mais à peine 6 % des ménages dans le quintile inférieur en possèdent une, donc ils n'en ont pas profité», explique l'économiste René Morissette, de Statistique Canada.
En effet, la valeur de la résidence principale a peu changé dans les familles se situant dans les 20 % inférieurs, majoritairement locataires. Au contraire, chez les propriétaires, la valeur médiane de la résidence principale a grimpé de 75 000 $ au cours des six dernières années, en raison d'une hausse marquée du prix du logement.
Unsal Ozdilek, professeur au département de sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal, voit mal comment on pourrait corriger ce facteur d'écart, puisque les moins nantis font carrément face à une «barrière» dans le domaine immobilier. «On investit dans l'immobilier ces temps-ci parce que ça va bien. Alors le message est "devenez propriétaire"; mais c'est un cercle vicieux parce qu'ils [les moins nantis] ne pourront pas devenir propriétaires s'ils n'ont pas les ressources nécessaires, soutient-il. Il y a un écart très important, qui est même une barrière pour une bonne partie de la population qui n'est pas capable de payer, par exemple, l'hypothèque d'une maison sur l'île de Montréal.»
«Et bien sûr que l'écart va se creuser avec le temps parce que celui qui est propriétaire a des moyens supplémentaires», souligne M. Ozdilek, d'autant plus «qu'il possède un actif qui lui donne un coup de pouce en prenant de la valeur». Avec pour conséquence que cet actif «contribue à augmenter l'écart entre riches et pauvres». Une tendance qui est loin de se résorber, selon lui.
M. Morissette estime d'ailleurs que ce constat fait suite à une augmentation de l'inégalité du revenu familial net, survenue dans les années 1990. «L'écart de revenus entre les familles riches et pauvres s'est accru dans les années 90, donc les familles les plus riches avaient plus d'argent à épargner, ce qui se traduit quelques années plus tard par des actifs plus considérables pour les plus riches», dit-il. Au contraire, «le revenu des familles les moins nanties a stagné au cours de la même période», ajoute l'économiste. Il juge «difficile de prévoir» si cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années.
Martin Petit, de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques, ne s'étonne pas des constats de cette étude. «Si on avait reculé dans le temps, on aurait pu remarquer que cette tendance remonte à bien avant 1984», note-t-il, ajoutant que «cette tendance est de plus en plus forte». L'aspect du logement lui paraît particulièrement révélateur, notamment parce que certains locataires moins nantis «consacrent 60 à 65 % de leurs revenus» pour se loger. «La faiblesse des revenus de ces ménages a pour conséquence qu'ils se privent de biens souvent essentiels, comme des assurances, ou bien qu'ils s'endettent davantage», affirme-t-il.
L'étude a aussi révélé que «le vieillissement de la population n'a pas constitué un facteur de l'inégalité croissante de la richesse entre 1984 et 2005. En fait, la concentration de la richesse aurait été encore plus grande si la structure par âge de la population était demeurée constante au fil du temps», écrivent les auteurs.
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