Un petit hors sujet. C'est l'affaire ci-dessous qui m'a touchée. L'enquête est close depuis août de cette année.
L'inconnue de l'A10, 20 ans après
Le 11 août 1987, le corps d'une petite fille est retrouvé sur le bord de l'autoroute, près de Blois, mutilé. Malgré des années d'enquête, jamais elle n'a eu d'identité. Un magistrat a décidé de rouvrir le dossier.
epuis vingt ans, c'est un mystère. Un mystère bientôt prescrit. A moins que, au cours des prochains mois, une nouvelle information ne vienne relancer le dossier, il faudra se résoudre à ne jamais donner de nom à la petite inconnue reposant dans le carré des enfants, au cimetière de Suèvres (Loir-et-Cher), bourgade sans histoire aux abords de l'autoroute A 10.
En ce début d'août 1987, la France assoupie est tout à ses vacances. Les Unes de la presse n'ont à se mettre sous la dent que la trêve rompue, au Tchad, ou le tour de France à la voile. Jusqu'à cette avant-veille de 15 août où l'AFP confirme un sinistre fait divers. Le corps d'une fillette mutilée a été retrouvé sans vie sur le bord de l'autoroute. En dépit d'une photo diffusée à la presse et à toutes les gendarmeries de France, son identité reste inconnue.
Deux employés de Cofiroute, en patrouille dans le sens Paris-province, l'ont découvert mardi, vers 15 h 20, aux abords de la bande d'arrêt d'urgence. Ils ont d'abord cru à un colis, puis découvert, enveloppée dans une couverture, une enfant de type méditerranéen, aux cheveux bruns bouclés et aux yeux foncés, vêtue d'un tee-shirt, d'un short et d'une robe de chambre à carreaux bleus. Qui est-elle? Elle a, tout au plus, 3 ou 4 ans. Le rapport du médecin légiste situe son décès entre 11 et 13 heures.
Si les indices sont minces, le constat livré par l'autopsie est consternant: pas de violences sexuelles, mais des traumatismes et fractures divers, signes de mauvais traitements répétés. Pourquoi ces traces de brûlures, susceptibles de provenir d'un fer à repasser, et ces traces de morsures, que seule une - petite - mâchoire humaine a pu produire à hauteur d'un mamelon?
Si les indices sont minces, le constat livré par l'autopsie est consternant
Avec l'aide du Centre d'application et de recherche en microscopie électronique (Carme), les enquêteurs repèrent sur la couverture plusieurs cheveux de textures distinctes qui donnent à penser que l'enfant aurait vécu au sein d'une petite collectivité. L'espoir d'une piste: si plusieurs partagent ce tragique secret, tôt ou tard, l'un des maillons craquera. Même espoir avec la diffusion du visage de la fillette auprès des assistantes sociales, enseignants de maternelle et éducateurs des départements limitrophes. Mais rien.
Malgré quelque 200 appels téléphoniques reçus, aucune piste sérieuse. Ni du côté des fichiers d'enfants disparus des allocations familiales ni dans les hôpitaux psychiatriques, auprès des femmes dépressives et des puéricultrices chargées des visites postnatales. Un an plus tard, on aligne les chiffres: 3 000 familles alentour ont été visitées par 70 brigades de gendarmerie, 130 000 affichettes diffusées à travers l'Hexagone. Interpol comme la presse d'Afrique du Nord ont été mis à contribution - l'A 10 mène vers l'Espagne et, au-delà, le Maroc ou l'Algérie. Au total, 14 000 contacts - sans davantage de résultats. Impossible, même, de privilégier une quelconque hypothèse. S'agit-il d'un maniaque venu déposer l'enfant en empruntant à pied - aucune trace de pneus n'a été relevée - le chemin de terre en bordure de l'autoroute? Ou faut-il cibler les 11 000 véhicules qui, chaque jour, à cette époque de l'année, empruntent la voie rapide? Des témoignages évoqueront une voiture blanche arrêtée sur la bande d'urgence, mais sans plus. En 1991, un premier non-lieu est prononcé.
En mars 1993, l'émission Témoin n° 1 relance un dossier que le procureur de Blois, Etienne Daures, accepte de voir porté à l'antenne «pour redonner une identité à la petite victime». Une piste retiendra les enquêteurs. Suffisante pour ouvrir, l'année suivante, une information judiciaire. Las, après vérification, elle se révélera infondée. Au cimetière de Suèvres, quelques bouquets anonymes accompagnent la petite inconnue.
http://www.lexpress.fr/info/region/dossier/loiret/dossier.asp?ida=458186