[Tribune] Lettre à partager avec vos amis blancs (que vous soyez noir ou blanc)
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Par
François Durpaire
Historien, écrivain et journaliste
En France comme aux États-Unis, la vague de manifestations en hommage à George Floyd signifie qu’il y a un problème qui rend nos situations communes : le racisme.
J’ai quelques questions à poser quand j’entends les réactions à la suite des
manifestations pour George Floyd et Adama Traoré.
Pourquoi beaucoup de personnes blanches sont-elles sur la défensive quand le mot « racisme » est prononcé ? Pourquoi avancent-elles des arguments contre la « communautarisation », la « racialisation », comme si les personnes noires s’étaient réveillées un matin en décidant qu’il était utile – ou confortable pour elles – de faire parler de leur couleur de peau ?
Pourquoi réclament-elles la condamnation des militants ayant stigmatisé verbalement les policiers noirs encadrant leur manifestation ? Serait-il à ce point urgent que des Noirs soient condamnés pour racisme contre d’autres Noirs, quand la question du racisme blanc commence à être à peine effleurée ?
Pourquoi ces personnes ne tournent-elles pas sept fois leur langue dans leur bouche avant d’énoncer leurs inébranlables certitudes ? Pourquoi ne mettent-elles pas ce temps à profit pour écouter les témoignages de leurs amis noirs ? Ne disent-elles pas toutes en avoir un ? Un ami noir…
Pourquoi les personnes noires invitées sur les plateaux de télévision sont-elles systématiquement interrompues, interrogées sur leur légitimité quels que soient leurs diplômes ? Sont-elles trop nombreuses ? Les entend-on trop souvent ? Envahissent-elles l’espace médiatique ? Faut-il ne pas être directement concerné par le problème pour en parler mieux ? Cela confère à ce sujet une singulière spécificité…
James Baldwin écrivait pourtant : « Si tu veux comprendre pourquoi les Noirs sont dans la rue, intéresse-toi à leur vie quotidienne. »
La France ne se limite pas à l’Hexagone
Pourquoi mes compatriotes guadeloupéens et martiniquais ont-ils dû survivre pendant la période du Covid-19 sans un accès normal à l’eau ? Pourquoi cela n’a-t-il fait la une d’aucun média ? Pourquoi les journalistes français ont-ils appris à l’école que leur pays, la France, se limitait à un hexagone ?
Pourquoi l’Afrique est-elle toujours le continent oublié ? Pourquoi j’entends déjà ceux qui me disent que ça n’a rien à voir ?
Pourquoi tant d’énergie dépensée à vouloir toujours démontrer que rien n’est comparable ?
Les polices américaine et française sont organisées différemment ? Certes. Les taux d’homicide ne sont pas les mêmes ? Bien sûr.
Et, argument imparable : « La France n’est pas les États-Unis ! » La belle affaire !
Aucun manifestant ne dit le contraire. Rappelons seulement que le mot d’ordre «
Minneapolis is everywhere » signifie qu’il y a un problème qui rend nos situations communes : le racisme.
Lors d’une manifestation à Milan, en Italie, le 7 juin 2020. ©
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