Privé de mariage, un couple gay attaque l'État.
Dominique et Mohammed devaient se marier samedi dernier. Mais une convention bilatérale entre la France et le Maroc, pays dont Mohammed est issu, fait obstacle à la célébration en France d'un mariage entre deux personnes de même sexe.
Les invités étaient déjà arrivés, les petits fours commandés et le champagne au frais. «J'avais même préparé un beau discours!», raconte, désolée, Madame la maire. Dominique et Mohammed devaient se marier samedi dernier à Jacob-Bellecombette, près de Chambéry. Mais, 48 heures avant la cérémonie, le parquet s'est opposé à leur union: une convention bilatérale entre la France et le Maroc, pays dont Mohammed est issu, fait obstacle à la célébration en France d'un mariage entre deux personnes de même sexe.
«Assez effondrés», les deux jeunes gens restent combatifs. «Nous allons engager une procédure devant le tribunal de grande instance de Chambéry pour demander que l'opposition du parquet soit levée, a déclaré Me Didier Besson, leur avocat. Il y a un préjudice moral qu'on va chiffrer à environ 10.000 euros et aussi un préjudice financier, évalué à 6.000 euros.» Les bans avaient pourtant été publiés en juillet… «On s'attendait à un refus dans l'été, mais deux jours avant, c'est vraiment dégueulasse!, poursuit l'avocat. Soit il y a un loupé très important, soit une volonté de nuire: mes clients n'ont eu qu'une notification par huissier, sans aucun mot d'explication.»
Au parquet de Chambéry, on assure n'avoir reçu l'appel de la mairie de Jacob-Bellecombette que mercredi dernier. «Nous avons fait opposition conformément aux instructions de la Chancellerie, a indiqué à l'AFP Pierre Filliard, vice-procureur à Chambéry. La Chancellerie nous a demandé de faire prévaloir l'accord international sur le Code civil. C'est pour l'instant la position officielle de la France.»
Onze nationalités privées de «mariage pour tous»
Une circulaire, publiée fin mai, après la promulgation de la loi Taubira, précise que les ressortissants de onze pays (Maroc, Tunisie, Algérie, Laos, Cambodge, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Pologne) ne peuvent pas épouser une personne de même sexe. Les conventions bilatérales entre la France et ces pays «ont une autorité supérieure à la loi», estime en effet la Chancellerie. «Je ne suis pas étonnée que ce couple entame une action en justice, admet Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement. Mais rouvrir ces conventions serait risquer de perdre certains acquis.»
Pour Me Besson, la loi française doit prendre le pas sur la convention. «Ça n'a pas de sens! La loi marocaine interdit aussi le mariage entre une musulmane et un non-musulman. Vous vous imaginez appliquer ça en France? , interroge-t-il. Dominique et Mohammed se sont d'ailleurs pacsés en mars et personne n'a dit quoi que ce soit: le pacs n'est pourtant pas reconnu par la loi marocaine». Maire de Jacob-Bellecombette, Brigitte Bochaton renchérit: «Le jeune couple veut faire en sorte d'avoir une jurisprudence, affirme-t-elle. Quand on sait le nombre de ressortissants marocains, algériens ou tunisiens vivant en France, on imagine le nombre de cas auxquels on va être confrontés…»
«Des disparités sur le territoire»
Face à ce type de situation, plusieurs associations demandent aujourd'hui au ministère de la Justice d'élaborer une «réponse politique et rapide». L'Inter-LGBT, l'Ardhis, l'Autre Cercle et les Amoureux au ban public ont recensé cet été «pas moins de 30 cas de couples rencontrant des difficultés». «Il y a des disparités sur le territoire, précise Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT. Dans deux cas, le procureur de la République a été saisi et a tranché en faveur de la célébration du mariage.» La solution?
Une «réécriture de la circulaire du 29 mai 2013», qui ne mentionnerait plus les onze conventions bilatérales. À l'instar de la Belgique et de l'Espagne, qui, rappellent les associations, ont fait du mariage entre personnes de même sexe un «principe supérieur, au nom duquel il est possible d'écarter la loi étrangère normalement compétente». Parmi leurs amis, soulignent d'ailleurs Dominique et Mohammed, Sami, un Marocain, a réussi, «sans aucun obstacle», à épouser son compagnon en Belgique, effectuant les mêmes démarches qu'un couple hétérosexuel.
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