Maroc : Personnes âgées : 87% sans couverture médicale et 84% sans retraite

lles représentaient 8% de la population totale en 2006, elles seront 16% en 2030
60% déclarent souffrir au moins d’une maladie chronique
83% sont analphabètes et 52% sont des femmes.


Elles étaient 2,4 millions en 2006 (8 % de la population) et seront 5,8 millions (15,9 % de la population) en 2030. Autrement dit, leur nombre croîtra de... 142% ! «Elles», ce sont les personnes âgées. Le Haut Commissariat au plan (HCP) leur a consacré une enquête dont il vient de rendre publics les résultats.

Basée sur un échantillon de 3 010 personnes âgées résidant dans 2 500 ménages, cette enquête conforte les constats «psycho-sociologiques» plus ou moins connus, ou, en tout cas, perçus : comme le fait que 83% des personnes âgées, plus particulièrement les hommes (87,8%), sont consultées par les membres de leur ménage pour leur fournir des conseils ; que 92,2% entretiennent des rapports constants avec leurs enfants; que 83% parmi elles sont analphabètes, surtout les ruraux (92%) et les femmes (94,5%) ; que les veufs dans la population des personnes âgées sont surtout des femmes (65,1%) et très peu d’hommes (8,1%), ceux-ci se remariant presque toujours après un veuvage (90% des hommes âgés sont mariés ou se sont remariés, contre 31,1% pour les femmes).

Le grand mérite de cette enquête, cependant, est sans doute d’avoir révélé des éléments socio-économiques et démographiques de nature à orienter les politiques publiques. Il faut bien voir, en effet, que le Maroc vit une transition démographique due - comme partout ailleurs - à l’allongement de l’espérance de vie, et à la baisse de la fécondité.

Une démographie qui verra à plus ou moins long terme s’inverser la pyramide des âges. Selon les estimations du Plan, les personnes âgées de 60 ans et plus représenteront près de 16% de la population en 2030, soit un accroissement annuel moyen de 3,4%, contre 0,9% pour l’ensemble de la population.

Dans le même temps, la proportion des moins de 15 ans passera de 31% en 2004 à 24,1% en 2020 et à 20,9% en 2030. Entre ces deux extrémités, si l’on peut dire, c’est surtout le «ventre» de la pyramide qui va gonfler considérablement, générant des pressions fortes sur le marché du travail.

Déjà, entre 1960 et 2006, la proportion des jeunes de moins de 15 ans est passée de 44,4% à 29,8%, tandis que celle des personnes en âge d’activité (15-59 ans) a, au contraire, augmenté de 48,4% à 62,2%.

Peu de veufs dans la population des personnes âgées
L’enquête nous apprend également que ces personnes âgées, dont l’âge médian est de 66,7 ans (ce qui n’est pas si vieux !) vivent en majorité en milieu urbain (52,4 %). Ce résultat est quelque peu surprenant, sachant que la campagne a de tout temps été le lieu où la longévité est la plus forte (hygiène de vie oblige). En fait, il y a une explication simple : la population urbaine au Maroc est aujourd’hui plus importante (55 %) que la population rurale.

En revanche, on n’est guère surpris d’apprendre que, parmi les personnes âgées, les femmes sont plus nombreuses (52,2 %) que les hommes. Ce déséquilibre au profit de la femme étant connu depuis fort longtemps. De la même manière, le fait que les veuves soient plus nombreuses que les veufs n’est pas étonnant. Cette situation est le propre de toutes les sociétés en développement, en particulier les sociétés arabo-musulmanes où il est prédominant.

Mais on peut la retrouver également, à des degrés divers, dans les sociétés occidentales ou asiatiques. De ce point de vue, on peut avancer que l’équilibre social et la stabilité psychologique au sein des ménages, ce sont surtout les femmes qui l’assurent grâce, justement, à ce statut matrimonial ; sachant que le remariage (de l’homme ou de la femme) donne lieu assez souvent à des déchirures, voire à des conflits.

Outre ces caractéristiques sociologiques et matrimoniales, les enseignements socio-économiques de l’enquête sont encore plus intéressants, du point de vue de l’élaboration de politiques publiques et de prise en charge de ces personnes par la collectivité.

Le mal est bien connu, mais l’enquête permet désormais de le quantifier : 60% des personnes enquêtées déclarent avoir au moins une maladie chronique, et, parmi cette proportion, 66,6% sont des femmes.

Encore heureux que 70% de ces personnes âgées soient encore capables d’effectuer les tâches de la vie quotidienne ! Car, il faut savoir que 86,7% parmi elles n’ont aucune couverture médicale, en particulier les personnes habitant en milieu rural (96,7%). Certes, la solidarité familiale continue de jouer, mais elle semble en régression : 62,8% des femmes et 55,1% des hommes malades n’accèdent pas aux soins de santé par manque de moyens matériels.

«Normal», au vu du taux de couverture médicale indiqué plus haut et de la proportion (16%) des personnes âgées disposant d’une retraite.

Autre tendance qui commence à gagner la société marocaine, la nucléarisation de la famille : 51,5% en 1982, 63% en 2004.

Et le mouvement se poursuit : la taille moyenne des ménages, qui était de 5,2 personnes en 2004, passerait à 3,7 en 2030. Il est évident que l’éclatement de la famille produit des conséquences, sur l’ensemble de la société bien sûr (il faut construire de plus en plus de logements, produire de plus en plus de biens, etc.), mais aussi sur la population des personnes âgées. Exemple : 63,2% parmi elles déclarent souffrir de solitude.

Le défi, pour la société marocaine, et pour toutes les sociétés, d’ailleurs, réside dans cette équation : comment concilier la nécessaire sinon inévitable évolution de la famille, d’un côté, et le besoin de solidarité et de prise en charge des uns par les autres, d’un autre côté...

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