Critiques (141), citations (152), extraits de Le sabotage amoureux de Amélie Nothomb. Ne soyons pas trop exigeant avec Amélie Nothomb, ses récits ont le mér...
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La seule manière de cesser de souffrir, c'est de n'avoir plus que du vide dans la tête.
La seule manière de se vider la tête à fond, c'est d'aller le plus vite possible,
c'est de lancer son cheval au galop, c'est de caler son front contre le vent,
c'est de n'être plus que le prolongement de son coursier, la corne de la licorne,
avec pour seule mission de fendre les airs —
jusqu'à la joute finale où l'éther l'emportera, où le cavalier et sa monture,
perdus dans leur emballement, seront désintégrés et absorbés par l'invisible, aspirés et pulvérisés par les Ventilateurs.
Elena est aveugle. Ce cheval est un cheval. Dès qu'il y a libération par la vitesse et le vent, il y a cheval.
J'appelle cheval non pas ce qui a quatre jambes et produit du crottin,
mais ce qui maudit le sol et m'en éloigne, ce qui me hisse et me force à ne pas tomber,
ce qui me piétinerait à mort si je cédais à la tentation de la boue,
ce qui me fait danser le cœur et hennir le ventre,
ce qui me jette dans une allure si frénétique que je dois plisser les paupières,
car la lumière la plus pure n'éblouira jamais autant que la gifle de l'air.
J'appelle cheval cet endroit unique où il est possible de perdre tout ancrage, toute pensée, toute conscience, toute idée du lendemain, pour ne plus être qu'un élan, pour n'être que ce qui déferle.
J'appelle cheval cet accès à l'infini et j'appelle chevauchée ce moment où je rencontre les multitudes de Mongols, de Tartares, de Sarrasins, de Peaux-Rouges ou autres frères de galop qui ont vécu pour être cavaliers, c'est-à-dire pour être.