La LDJ invoque aussi les écrits du très laïque Zeev Jabotinsky, le père du courant sioniste ultranationaliste, dit "révisionniste". Cette référence ne l’empêche pas d’organiser, deux fois par an, un voyage en Israël et dans les colonies religieuses de Cisjordanie, notamment à Hébron et Kiriat Arba. Dans le champ politique français, les responsables de la LDJ nient toute sympathie pour le Front national. "Nous ne pouvons accepter les récentes déclarations de Bruno Gollnisch sur les chambres à gaz, justifie Michaël Carlisle. En revanche, Philippe de Villiers est bien parti pour capter le vote contestataire juif. Si nous devions donner une consigne de vote, ce serait en sa faveur."
A entendre ses militants, la Ligue se sent pousser des ailes. "Nous sommes les porte-drapeaux de la jeunesse juive, se vante Simon. La montée de l’antisémitisme nous a donné raison." Le mouvement tient un discours sévère sur les dirigeants communautaires. "Les notables du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) sont motivés par des ambitions personnelles, se plaint Simon. Il y a un écart énorme entre la base et le leadership communautaire." Un seul dirigeant, et non des moindres, trouve grâce à ses yeux : Roger Cukierman, président du CRIF. "C’est un homme honnête", tranche-t-il. Michaël Carlisle affirme qu’après la mort d’Ilan Halimi, la LDJ a reçu sur son site Internet "vingt à trente demandes d’adhésion chaque jour". A l’entendre, son mouvement aurait infiltré l’UEJF, le service de protection de la communauté juive (SPCJ) et même le comité exécutif du CRIF ! "Nous y avons deux sous-marins", dit-il. "Je crois qu’ils sont plus bruyants que nombreux", tempère Ariel Goldman, porte-parole du SPCJ, qui qualifie par ailleurs d’"abracadabrantesques" les accusations d’infiltration.
Régulièrement, des militants propalestiniens sont agressés par des bandes de jeunes casqués ou cagoulés. Michaël Carlisle n’endosse aucun de ces actes violents. "L’autodéfense est une chose, la violence gratuite en est une autre, déclare-t-il. Nous calmons les jeunes et les excités !" Malgré ces dénégations, quelques actes peuvent être imputés à coup sûr à des militants liés de près ou de loin à la LDJ. Le 30 décembre 2003, des étudiants de l’Association générale des étudiants de Nanterre (AGEN), une association d’extrême gauche propalestinienne, sont agressés dans l’enceinte même du tribunal administratif de Paris. Les victimes reconnaissent un de leurs agresseurs, Anthony A. Celui-ci est condamné, le 16 décembre 2004, à dix mois de prison avec sursis. Simon, le militant parisien de la LDJ, admet que le jeune homme faisait partie de la "base" de son mouvement, même s’il nie toute implication directe de la Ligue. La LDJ s’est également fait connaître en créant un "prix Goebbels de la désinformation", décerné en 2002 à l’Agence France-Presse et au correspondant de France 2 en Israël, Charles Enderlin.
En réalité, il faudrait parler d’une "nébuleuse LDJ", pour reprendre le titre d’une enquête publiée en 2003 dans Tohu-Bohu, la revue de l’UEJF. Autour d’un noyau de militants gravitent des individus plus ou moins bien contrôlés, parfois très jeunes (jusqu’à 14-15 ans), circulant en bande et prêts à en découdre à la moindre occasion. Ce fait était particulièrement visible dans la manifestation du 26 février. Les militants défilaient en groupe serré derrière les pancartes arborant le poing jaune. Au même moment, des jeunes avec blousons de cuir et casques de moto couraient sur les trottoirs, en tête de la manifestation, et s’en prenaient à tout ce qui paraissait arabe (keffiehs, enseigne de restaurants de kebabs, etc.).
Pour certains responsables communautaires, le succès de la Ligue de défense juive est inquiétant. "C’est un mouvement raciste, qui prospère sur l’idée que la population juive n’a plus d’avenir en France", déplore Benjamin Abtan, président de l’UEJF. "Le problème, c’est le déplacement à droite de l’axe idéologique des institutions communautaires, s’alarme le politologue Jean-Yves Camus. Aujourd’hui, Roger Cukierman est présenté par certains, dans la communauté juive, comme un dangereux gauchiste !"
Xavier Ternisien
source :
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