Les Marocains ont tendance à vivre de plus en plus en dehors de la famille. Les femmes arrivent en tête de liste. Ce choix est-il un signe dune société qui se métamorphose ou la résultante de conditions économiques ? Détails.
Près de 224.000 femmes marocaines vivent seules selon les dernières statistiques révélées par le Haut Commissariat au Plan (HCP).
De nouvelles formes de cohabitation
Ces femmes représentent 51% du nombre total des personnes vivant seules au Maroc. Ce nombre est en augmentation depuis dix ans. Il est passé de 256.000 en 1999 à 438.000 en 2007 ajoutent ces mêmes statistiques réunies dans un recueil sous le titre la femme marocaine en chiffres : tendances dévolution des caractéristiques démographiques et socio-professionnelles.
Pour le chercheur en sociologie, Abderrahim El Atri, la société marocaine est en perpétuel changement. Un changement qui affecte dabord la structure de la famille marocaine. Car, selon lui, on est passé de la grande famille à une famille nucléaire avec, de nos jours, dautres formes de cohabitation sociale qui sinstallent dans notre société, à savoir la vie en concubinage ou bien la vie en célibataire.
Ce phénomène est le fruit des facteurs socio-économiques. Les femmes travaillent de plus en plus et souvent loin de la famille. On connait le phénomène des milliers d'ouvrières venues sinstaller dans les villes. Mais je pense aussi, qu'il existe un pourcentage de femmes formées, éduquées, qui font ce choix avec conscience. On observe une conscience vers lindépendance ajoute notre chercheur.
Concernant le profil des ces femmes, le document révèle que les femmes veuves occupent la part la plus importante de femmes vivant seules (62%), contre 8,2% de femmes mariées.
Les femmes seules stigmatisées
Vivre seule n'est pas une sinécure, surtout dans une société où lattachement au groupe familial et les valeurs religieuses priment encore, note notre chercheur.
La société marocaine na pas encore reconnu de facto que les femmes ont le droit de vivre seules. En général la représentation des femmes dans la conscience collective est toujours négative, à fortiori quand elles vivent seules. La femme marocaine est condamnée tant qu'elle n'a pas confirmé le contraire, malgré quelle peut avoir un pouvoir économique sur lhomme explique Abderrahim El Atri.
Pour lui, cette situation qu'il qualifie de vide (parce qu'elle ne vit pas sous la tutelle dun homme), peut mener la femme à vivre une guerre quotidienne. Elle subit les regards, les insultes, le harcèlement sexuel
. Elle est toujours condamnée tant quil ny pas lhomme (le père, le frère ou le mari) qui la protège.
86,6%
Selon le même document du HCP la plupart des femmes qui vivent seules nont pas de diplôme soit 86,6%.
7% ont un niveau moyen contre seulement 6,7% qui ont un niveau supérieur.
Indépendance forcée ou individualisme conscient
Si les chiffres montrent une tendance à la hausse vers plus dindépendance, Abderrahim El Atri note: je ne crois pas quon tende vers une société individualiste. Certes il y une tendance vers lindépendance mais surtout économique. On vit un changement mais il y a toujours un attachement et un retour au passé avec ses valeurs et dogmes. Lindividualisme cest un mode de vie, une éducation et une manière dexistence.
Ni notre système éducatif, ni les medias n'inculquent les valeurs de lindividualisme. Lindividualisme conscient bien évidemment
Abderrahim El Atri, chercheur en sociologie
www.hcp.ma
Auteur : Ahmed El Mekkaou