Vaccins à ARN messager et fertilité des femmes : qu'en est-il ?
Depuis le début de la campagne vaccinale contre le
Covid-19, près de 24 millions de Français ont reçu au moins une dose de vaccin. Si l’adhésion progresse, certains freins et craintes persistent, notamment chez les femmes. En cause ? Une peur d’effets indésirables, un impact sur
la fertilité et ainsi sur la capacité à concevoir un bébé.
Cette angoisse a été alimentée par une pétition adressée en décembre 2020 à l’Agence européenne du médicament (EMA), par le Dr Mike Yeadon, ancien directeur scientifique des laboratoires Pfizer et spécialiste des maladies respiratoires, et le Dr Wolfgang Wodarg, ancien parlementaire allemand. Dans cette lettre ouverte partagée notamment par le mouvement antivax, ils appelaient à
la suspension immédiate de toutes les études sur le vaccin SARS-CoV-2, «pour protéger la vie et la santé des personnes testées». Selon les deux médecins, les anticorps produits par les vaccins à ARN messager (Pfizer/BioNTech et Moderna) pourraient notamment menacer la fertilité des femmes en attaquant une protéine nécessaire à la formation du placenta.
Information génétique
La théorie a été largement contredite par la communauté scientifique, comme le démontre
cet article paru sur l’AFP. Interrogé par téléphone, Philippe Deruelle, chef du pôle de gynécologie obstétrique des hôpitaux universitaires de Strasbourg et ancien secrétaire du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français), la juge quant à lui «improbable».
Pour mieux comprendre de quoi il retourne, il faut cerner le fonctionnement d’un
vaccin à ARN messager. À la base, «nos anticorps ne sont pas formés en majorité pour lutter contre la protéine du virus SARS-CoV-2, appelée S ou Spike, qui permet l’attachement du virus à nos cellules quand celui-ci infecte l'organisme», explique Micheline Misrahi-Abadou, biologiste moléculaire et responsable de l’unité de génétique moléculaire des maladies métaboliques et de la reproduction à l'hôpital Bicêtre. En clair, les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna portent l'information génétique de cette protéine S sous forme d’un ARN dit «messager» qui va voyager jusqu’à l’usine de production des protéines depuis la cellule musculaire où il est injecté. Ces protéines S, une fois fabriquées en grande quantité, vont permettre à l’organisme de produire des anticorps destinés à lutter directement contre la protéine S et donc à l’attachement du virus à nos cellules.
Or, Mike Yeadon et Wolfgang Wodarg avancent l’hypothèse que les anticorps produits par l’administration du vaccin pourraient confondre la protéine Spike et celle de la Syncytin-1 – à l’origine selon eux du bon développement du placenta – et ainsi menacer la fertilité des femmes.
Une homologie extrêmement faible
D’après la biologiste moléculaire et le gynécologue obstétricien, cette théorie se base sur deux arguments scientifiques encore jamais démontrés. La ressemblance entre les deux protéines est «extrêmement faible», souligne Micheline Misrahi-Abadou. Une protéine se constitue de différents acides aminés formant une structure unique, mais «la protéine S et la Syncytin-1 en partagent seulement une infime partie en commun, comme bon nombre d’autres protéines dans le corps», précise la professionnelle. Ainsi, «l’anticorps produit par le vaccin reconnaît la protéine dans son ensemble, un peu comme un moule qui viendrait se placer sur une structure. Si le moule n’est pas parfait, l’anticorps ne s’attache pas correctement et les cellules immunitaires ne peuvent pas agir», résume le Dr Philippe Deruelle.