La résistance est si acharnée que le général Huré, qui commande les troupes françaises au Maroc, décide de prendre, lui-même, en mains le commandement de l'opération. "Aucune campagne coloniale, dans aucun pays, n'aurait pu briser une telle résistance de l'homme et du terrain", témoigne le romancier Henry Bordeaux. " Il fallait donc recourir à d'autres moyens pour réduire cet ennemi acharné dans son formidable bastion : le bombarder sans répit, jour et nuit, lui enlever les points d'eau, le resserrer dans son réduit et le contraindre à y demeurer avec son bétail mort, avec ses cadavres...".
La bataille entre alors dans une nouvelle phase. L'artillerie coloniale commence à marteler la citadelle de jour et de nuit. Un déluge de feu se déchaîne sur elle de la terre et du ciel. Les résistants sont acculés mais ne cèdent pas. Ils sont décidés à combattre jusqu'au dernier. Les hommes comme les femmes.
De toutes les guerres connues, la femme, en effet, n'a jamais joué un rôle aussi prééminent et admirable qu'à la guerre de Bougafer. Elle assurait les arrières, préparait les vivres et les munitions, soutenait et vivifiait la flamme des combattants et les encourageait par des youyous stridents que les échos des montagnes amplifiaient. Elles défiaient les mitrailleuses braquées sur les points d'eau en allant y remplir leurs cruches pour approvisionner les résistants. Beaucoup d'entre elles tombaient, mais d'autres arrivaient aussitôt.
Après quarante deux jours d'enfer, les Français ont perdu 3500 hommes dont 10 officiers. Les résistants, eux, ont perdu 1300 combattants. Parmi les victimes, il y a beaucoup d'enfants, de femmes et de vieillards.
Acculés, cernés, extenués par la faim et la soif, les résistants vont se rendre. Mais, malgré la situation difficile, voire intenable, la reddition ne se fera que par la négociation.
Le 25 mars 1933, Assou Oubaslam, en compagnie de ses "frères" descend de sa forteresse, droit impassible. Il échange une poignée de mains avec le général Huré. Le spectacle est émouvant. Oubaslam dicte ses conditions. Le général Huré les accepte. C'est la paix des braves. L'honneur et la fierté des Aït Atta n'en sont que plus renforcés. Après l'indépendance, Assou Oubaslam fait allégeance au roi Mohamed V. Il sera nommé caïd et le restera jusqu'à sa mort, le 16 août 1960. Il aura laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du Maroc.
Abdellah Abbadi