UN POLICIER SAISIT LA HALDE POUR DISCRIMINATION
"Je veux que justice soit faite"
Pouvez-vous raconter précisément votre épreuve orale au concours d'officier de police ?
- J'étais admissible et j'avais quatre épreuves à passer: une épreuve de langue étrangère, une épreuve de sport, une épreuve de droit pénal et un entretien avec un jury. Toutes les épreuves sont notées au coefficient 3 sauf l'entretien avec le jury, coefficient 5. L'entretien avec le jury porte sur la connaissance du candidat, ses aptitudes à exercer son emploi, ses motivations. C'est une mise en situation professionnelle, qui ne contient en aucun cas de questions sur la confession ou les orientations sexuelles du candidat.
J'ai été appelé à passer devant le jury le 27 septembre. J'étais le premier sur 10 candidats à passer. Quand j'arrive devant le jury, je me présente, exactement comme j'ai appris à le faire lors de ma formation à Clermont-Ferrand en vue de ce concours interne. Je dis que je suis né au Maroc. Le président me demande dans quelle ville, je lui réponds. Il me pose alors la question suivante: "Que pensez-vous de la corruption des fonctionnaires de police marocains ?" J'ai été surpris mais j'ai répondu. Autre question: "Est-ce que vous faites le ramadan ?" Six membres composaient le jury: le président est un préfet, le vice-président est un avocat général à la Cour d'appel de Versailles, deux commissaires de police -des femmes-, un commandant de police à la Direction centrale de police au frontière et un psychologue. Là, j'étais dans l'embarras. Leur donner une réponse, pour moi c'est une transgression, cela empiète sur mes convictions. Mais ne pas leur donner de réponse, c'est leur donner l'occasion de se demander ce que je leur cache. J'ai gardé mes convictions et je leur ai dit non. Ils ont enchaîné sur une autre question: "Est-ce que votre femme est maghrébine ?" Je leur ai dit qu'elle était d'origine marocaine. Autre question: "Est-ce qu'elle porte le voile ?" J'avais peur qu'on me reproche de ne pas avoir gardé mon sang-froid alors j'ai répondu sans m'énerver. J'ai gardé le sourire en essayant de faire comprendre qu'il y avait des limites. Je faisais confiance au président-préfet et attendait qu'il réagisse. En vain. Il m'a parlé de la discrimination positive. "Que pensez-vous de la discrimination positive ?" J'ai dit que si Nicolas Sarkozy avait pensé à la discrimination positive, c'est qu'il y a de la discrimination tout court. Il m'a dit "Vous ne trouvez pas bizarre qu'un président à moitié hongrois nomme tant de ministres arabes au gouvernement ?" Je lui ai répondu que non et qu'heureusement, en France, les gens ne sont pas jugés sur leurs origines. D'autres questions ont suivies, sur les quartiers. Ils m'ont demandé pourquoi un fonctionnaire de police en tenue ne pouvait pas rentrer chez lui par les transports en commun quand il habitait dans un quartier. J'étais abasourdi. Moi, je viens d'un quartier et je suis respecté. J'ai fait des études de géologie jusqu'en maîtrise. Puis j'ai été moniteur d'auto-école dans des quartiers difficiles et après, j'ai changé de métier par acte républicain. J'ai la volonté de m'intégrer et de dire fièrement à mes enfants que leur père est un fonctionnaire de police qui sert la République. Je veux être officier car il est naturel de vouloir poursuivre sa carrière.
Aviez-vous déjà été victime de racisme dans l'exercice de votre profession de la part de votre hiérarchie ?
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http://tempsreel.nouvelobs.com/actu...6.OBS8785/je_veux_que_justice_soit_faite.html
Interview de Abdeljalel El Haddioui par Justine Charlet
(le jeudi 6 décembre 2007)