L’excuse n’affecte en rien le prestige
par :Taoufiq Bouachrine
Il était prévu qu’hier paraisse un communiqué du cabinet royal expliquant ce qui s’est passé dans l’affaire de la grâce accordée au criminel pédophile Daniel Galvan. Je pensais que cela n’allait en rien discréditer le palais tant il est vrai que l’erreur est humaine, et personne au Maroc ne pourrait croire que Mohammed VI pourrait gracier un Espagnol qui avait violé 11 enfants des deux sexes et qui avait été condamné à 30 ans de prison.
J’imaginais qu’un communiqué allait donc être publié pour expliquer qu’une erreur administrative s’était produite au niveau de la commission en charge d’établir la liste de ceux qui devaient être graciés, et que le Roi avait donné ses instructions au ministère de la Justice pour corriger cette erreur par tous moyens juridiques ou judiciaires qu’il jugerait adéquats ; le communiqué aurait pu aussi dire que le Roi, connu pour son caractère humain, avait veillé à prendre contact avec les familles des petites victimes pour s’excuser auprès d’elles et leur promettre que tout serait fait pour mettre un terme à cette situation…
Il n’existe pas un seul chef d’Etat aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, qui ne pourrait s’excuser pour des fautes qu’il aurait commises, ou que d’autres auraient commises en son nom… La reine d’Angleterre a ainsi présenté plusieurs fois ses excuses à son peuple, la dernière en date étant intervenue en 1997, quand Elisabeth II, alors en vacances, n’avait pas interrompu sa villégiature pour rentrer à Londres et assister aux obsèques de Diana qui avait conquis les cœurs des Britanniques et l’avait conservé jusqu’après son divorce avec le Prince de Galles… La reine la plus célèbre de la planète avait donc adressé ses excuses et ses regrets à son peuple, qui les attendait, pour ne pas avoir fait diligence à se joindre au chagrin immense ressenti par l’ensemble de la population suite au décès accidentel de Lady Di, avec son ami Dodi.
Les Marocains, quant à eux, n’ont pas du tout apprécié que le « monstre de Kenitra » sorte de prison du fait d’une grâce à lui accordée par le Roi ; ils ont appelé à des manifestations de rue pour exprimer leur courroux… Un simple et bref communiqué du palais royal aurait pu éteindre le feu qui prenait, en mettant les points sur les « i » et en expliquant ce qui s’était passé. Un tel acte n’aurait entamé le prestige de personne, ni l’aura de quiconque ; bien au contraire, cela aurait encore plus rapproché le trône des gens, de leurs cœurs et de leurs esprits.
La liste des grâces en faveur des Espagnols avait été établie au dernier moment, sans passer par la commission qui se réunit des semaines avant les occasions nationales ou religieuses, présidée par le ministre de la Justice ou son représentant et regroupant des responsables de la direction des grâces et des affaires pénales au même ministère, des gens de l’Intérieur, des services de police et de l’administration pénitentiaire ; ladite liste est intervenue pour des considérations diplomatiques, afin de raffermir les relations entre Madrid et Rabat suite à la visite du Roi d’Espagne au Maroc. L’accueil était beau, le décorum grandiose, et il fallait que Rabat couronne cette visite par une telle grâce accordée aux sujets de Juan Carlos. Mais ce qui s’est passé est que la liste a été élaborée au palais lundi et est parvenue le jour même, tard, au ministère de la Justice. Reste à savoir qui a choisi les noms des prisonniers qui devaient être libérés, et reste à savoir aussi si le palais a reçu une liste précise de l’ambassade d’Espagne, ou de l’administration des prisons ou d’ailleurs…
Mais, en tout état de cause, pas un président, pas un Roi ne penserait à mener une enquête policière sur une liste qui lui serait soumise contenant des noms, des condamnations et des comportements en prison ; il y a des services qui s’occupent de cela, et ces services doivent assumer leurs erreurs, quand elles se produisent.
Chaque faute a plusieurs manières d’être corrigée, parmi lesquelles la communication, et il est toujours temps de le faire.
Le communiqué du ministère de la Justice est confus et ne présente aucune explication sur la libération de ce monstre ; le texte semble dire que le simple fait d’expulser Galvan du Maroc et de lui en interdire l’accès à l’avenir est suffisant pour montrer que les sentiments des victimes avaient été pris en compte dans toute cette affaire. Mais, en réalité, cela n’est pas vrai car cette grâce d’un type condamné à 30 ans pour actes pédophiles n’est compréhensible ni politiquement ni diplomatiquement, étant donné que les Espagnols se sont lavés les mains de toute demande de libération d’un tel individu. La logique d’Etat n’est donc pas opposable… Reste l’erreur administrative, la plus probable… Et reste aussi à trouver une solution de droit pour ramener Galvan au Maroc, ou le faire juger, condamner et incarcérer en Espagne… car laisser un tel prédateur en liberté mettrait en grand danger les enfants des autres.
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