Dubitative sur les justifications du policier, la juge l’interroge sur la trajectoire du tir. Là encore, les explications restent floues. Christophe I. assure avoir été à une distance minimum de sept mètres, respectant les distances réglementaires.
C’est pourtant le même policier qui, lors de sa première comparution, déclarait que
« la rue était dans le noir » et que tirer,
« c’était prendre le risque de toucher des personnes dans des parties sensibles. C’était une prise de risque en raison de la distance ». Par ailleurs, il affirmait n’avoir pas tiré car il n’avait
« pas été en position de danger à l’endroit où se sont passés les faits ».
Mais ce tir était réglementaire, pourquoi avoir omis de le déclarer ?
« Il a fallu que je remette de l’ordre dans mes idées. » Elles ne semblent toujours pas claires puisque lui-même finit par douter de son geste :
« En temps normal, je ne sais pas s’il y avait matière à l’interpeller […]
. Pour moi, la tentative de violence, je ne suis pas sûr qu’elle tienne. »
La cheffe de la BAC ne sait rien, n’a rien vu, et n’a rien entendu
Christophe I. n’est pas le seul à avoir la mémoire qui flanche. Dans son rapport, la commandante Virginie G. énumère les déplacements de ses unités dans différents secteurs de la ville et l’interpellation de personnes lors du
« pillage d’une parfumerie ».
Mais lorsqu’il est question de leur intervention dans la rue au moment où Hedi a été blessé, elle signale seulement que les vitrines de plusieurs magasins étaient cassées. Elle précise même qu’après 23 heures,
« à a connaissance, aucun tir de lanceur n’a été effectué ».
Avec sa queue de cheval tressée, Virginie G. est facilement traçable. Un témoin l’a vue. Les caméras de vidéosurveillance l’ont enregistrée : elle se situe à trois mètres de Christophe I. au moment où il tire. Elle nie pourtant avoir
« assisté à cette scène ».
Lors de son audition par l’IGPN, cette cheffe de la BAC s’est déchargée de toute responsabilité. En préambule, elle précise qu’elle était
« le chef de colonne BAC, de toutes les BAC » :
« J’étais la plus gradée. »
Pour autant, elle n’avait pas le rôle de
« superviseur », censé encadrer les tireurs.
« Je rappelle qu’on était dans des violences urbaines et non pas dans les règles du maintien de l’ordre », se justifie-t-elle. Elle rejette la faute sur ses effectifs qui
« à aucun moment ne [l]’ont avisée ». Elle paraît, d’ailleurs, tout ignorer de ses subordonnés. Certains ne portent pas de brassard, un autre n’est plus habilité à avoir un LBD, alors même qu’il en est porteur.
Comme ses agents, elle non plus ne se reconnaît pas sur les vidéos. Mais
« dans l’hypothèse où ce serait [elle] », dit-elle,
« en aucun cas » n’a-t-elle pu voir ce qui se passait puisqu’elle tournait le dos à la scène au moment du tir.
« Je suis sincère », lance-t-elle aux inspecteurs. Les enregistrements des caméras de vidéosurveillance en font sérieusement douter. Comment n’a-t-elle pu entendre la détonation du LBD, alors même que le témoin, bien plus éloigné qu’elle du tireur, l’a perçue, lui ? C’est
« le bruit partout, des gens qui courent dans tous les sens, les sirènes de police ou de pompiers ».
La commandante n’a donc rien vu, ni rien entendu. Elle a pris soin, néanmoins, d’appeler trois de ses agents lorsqu’ils ont appris leur convocation par l’IGPN. Une communication qui pose question et qui a justifié la saisie du téléphone de la commandante. Interrogée sur ces appels, elle les justifie pour
« savoir s’ils avaient fait quelque chose qu’ils ne [lui] auraient pas dit ».
Certains policiers déjà mis en cause pour des violences
Cependant, l’IGPN cherche aussi à voir ce qu’ils pourraient imputer à Hedi. Bien que son casier judiciaire soit vierge, l’IGPN tient à faire préciser qu’il a fait l’objet de signalement auprès de la justice, notamment pour « conduite d’un véhicule sans permis ». Son horaire d’arrivée à Marseille est également contesté : contrairement à ce que ses parents ont déclaré, il n’est pas arrivé à Marseille aux alentours de minuit, mais vers 23 heures. Et question de la plus haute importance : les enquêteurs ont voulu savoir pourquoi il portait un sweat à capuche. Le ciel était-il si menaçant ? Figure au dossier le bulletin météo du jour des faits.