Le masculinisme est une forme spécifique d’antiféminisme qui prétend que les problèmes des hommes (le décrochage et l’échec scolaires des garçons, le suicide chez les hommes et la « perte d’identité masculine ») sont causés par la « domination des femmes » et par le féminisme. Il se fonde sur une caricature du féminisme qu’il réduit à une logique de guerre entre les sexes [1].
Le discours masculiniste utilise « les déboires de certains hommes (isolement, suicide) ou leurs propres histoires (séparation, accusation de violence conjugale) pour affirmer que les hommes sont discriminés et victimes du féminisme, et militer pour un renforcement des privilèges masculins. » [2] Prétendant que l’égalité entre les hommes et les femmes est atteinte, les masculinistes affirment que le féminisme discrimine les hommes, notamment en ne reconnaissant pas la différence naturelle et innée entre les sexes, façon détournée de renvoyer les femmes aux cuisines et de garder le contrôle. Ils s’attaquent avec véhémence – fausses statistiques à l’appui – aux subventions accordées aux groupes de femmes, particulièrement les groupes militant contre la violence envers les femmes. Les maisons d’hébergement pour femmes violentées sont directement visées, car selon les masculinistes, « le discours féministe sur la violence est irrationnel et sans fondement. » [3]
Les masculinistes mettent de l’avant de faux concepts comme la symétrie de la violence, qui voudrait qu’il y ait autant d’hommes violents que de femmes violentes. Yves Pageau, un militant masculiniste, avance que « la femme dans son statut de victime nourrit la violence. » [4] Yvon Dallaire, autre porte-étendard des droits des hommes brimés, affirme que « bardasser, […] voire frapper sa partenaire constituent des moyens par lesquels [l’homme] exprime sa frustration. » [5] Ce dernier va jusqu’à dire, à propos de la violence conjugale, qu’« il nous faut une approche sans coupable qui responsabilise les deux protagonistes » [6]… Pourtant, selon Statistique Canada, dans 9 cas sur 10, la violence conjugale est le fait d’un homme.
Une mouvance de droite…
Le masculinisme est en fait une mouvance de droite, réactionnaire et conservatrice qui s’oppose aux changements sociaux portés par les luttes et l’analyse du mouvement féministe. Il promeut une vision essentialiste, traditionaliste et stéréotypée des rapports sociaux de sexes et de la famille : la femme au foyer, faible, douce, émotive, chargée du soin aux personnes ; l’homme pourvoyeur, fort, protecteur et viril.
Le masculinisme n’est pas un mouvement, contrairement au mouvement féministe qui, fondé sur l’oppression structurelle des femmes par le patriarcat et organisé en un vaste réseau de groupes à travers le monde, possède une riche et forte histoire, une diversité de théories et de concepts spécifiques, qui lutte pour des changements sociaux progressistes visant la fin des oppressions et des inégalités systémiques en mettant de l’avant des revendications claires. Le masculinisme est plutôt un discours, souvent démagogique, porté par une poignée d’organisations qui, par certaines actions d’éclat et une analyse préconisant le maintien des privilèges et du pouvoir des hommes, trouve un écho disproportionné dans les médias de même que sur les sièges des parlements et chez certains professeurs d’université.
La première stratégie des masculinistes est de propager à tout crin un discours antiféministe qui nous apparaît assez bien représenté par ces quelques citations : « Les idéologues du féminisme ont bel et bien “récupéré” la tuerie de la Polytechnique à leur profit [7] » ; « La commémoration des événements de la Polytechnique le 6 décembre constitue l’exemple type de […] la fraude intellectuelle, d’un groupe de féministes intégristes qui récupèrent, pour la cause, un événement sans signification. » [8] Le discours masculiniste n’est pas une analyse, mais bien un « discours » haineux.
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