Le premier ministre turc claque la porte de Davos
Par Jean-Jacques Roth, Davos
vendredi30 janvier 2009
Recep Tayyip Erdogan na pas supporté dêtre interrompu dans un débat enflammé sur le Proche-Orient, alors quil voulait riposter au président israélien Shimon Peres
Le conflit israélo-palestinien a souvent réservé des surprises au World Economic Forum de Davos, dordinaire heureuses et tissées despoirs. Rien de tel jeudi soir dans la grande salle du Centre des congrès, au terme dun débat houleux qui a opposé Shimon Peres, le président israélien, et le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Alors que la discussion avait largement débordé le temps imparti, et alors que David Ignatius, léditorialiste du Washington Post chargé danimer le débat, tentait dempêcher le chef du gouvernement turc de relancer ses accusations contre Israël, celui-ci a quitté la salle, estimant quil navait pas eu droit au même temps de parole que le président israélien. Et déclarant quil ne mettrait plus les pieds à Davos.
Ce coup de théâtre exprime la violence qui sest emparée du verbe diplomatique après lattaque israélienne sur Gaza. Le débat avait commencé avec un réquisitoire de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, inhabituellement dur. Après avoir lancé à la communauté internationale un appel de fonds de 613 millions de dollars pour venir en aide aux habitants de la bande de Gaza, il a dénoncé la «tragédie» dont il a été témoin sur place. Amr Moussa, le président de la Ligue arabe, na pas été en reste, rappelant la longue occupation militaire dont les Palestiniens sont victimes depuis des décennies, à Gaza comme en Cisjordanie, le «déni de démocratie» représenté par le refus de reconnaître le Hamas pourtant élu, labsence totale de résultats tangibles après les longues négociations entreprises par le président palestinien Abbas. «Cest contre la nature humaine que de demander aux Gazaouis dêtre calmes», a-t-il lancé.
Mais cest Tayyip Recep Erdogan qui a parlé le plus fort, reprenant mot pour mot les déclarations faites calmement le matin même devant une poignée de journalistes en marge du Forum, mais en adoptant dans la grande salle le ton enflammé de la harangue. Sa colère nest pas seulement politique, elle prend un tour personnel. Quatre jours avant lattaque israélienne sur Gaza, il a reçu le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, dans le cadre du processus de reprise de dialogue avec la Syrie, où la Turquie est médiatrice. Ehoud Olmert était reparti en lui promettant des réponses à quelques questions laissées en suspens. «Nous avions parlé pendant six heures! Nous progressions! Mais je nai jamais reçu de réponse. Jai vu les bombes tomber sur Gaza», sest exclamé Erdogan.
Les cris avant les excuses
Après ces puissants tirs, Shimon Peres semblait avoir partie perdue, et cest en parlant plus fort que tous ses interlocuteurs quil a tenté de ramener à lui les sympathies. Il a notamment lu un extrait de la charte du Hamas promettant la mort de tous les Juifs pour rappeler la nature de ce mouvement «terroriste et illégal», évoqué les plus de 1000 Israéliens tués par ses attentats, les 5500 roquettes tirées «au hasard» sur les populations civiles israéliennes, le drame des mères et des enfants vivant dans la peur et les abris. «Nous navons jamais commencé! a-t-il crié. Nous avons évacué Gaza de fond en comble, ouvert tous les passages, avons investi 20 millions dans lagriculture, fourni leau et lessence. Et ils ont détruit tout cela! Et ils nous ont envoyé les roquettes! Pourquoi? Pourquoi?» Le problème, a ajouté Shimon Peres, «cest lambition iranienne de gouverner le Proche-Orient, via le Hezbollah, via le Hamas». Shimon Peres a plus tard présenté ses excuses au téléphone à Recep Tayyip Erdogan.
Lagenda est désormais clair pour tous, et Ban Ki-moon la détaillé. Il comporte quatre points: un cessez-le-feu durable avec ouverture des frontières de Gaza et la fin des trafics darmes à travers les tunnels du couloir de Philadelphie, la reconstruction de Gaza, la réconciliation entre Palestiniens et la relance dun processus de paix que le changement dadministration américaine et la nomination du sénateur Mitchell comme envoyé spécial dans la région permet à lensemble des acteurs daborder avec un peu doptimisme. Un peu, seulement
Le Temps Suisse
Par Jean-Jacques Roth, Davos
vendredi30 janvier 2009
Recep Tayyip Erdogan na pas supporté dêtre interrompu dans un débat enflammé sur le Proche-Orient, alors quil voulait riposter au président israélien Shimon Peres
Le conflit israélo-palestinien a souvent réservé des surprises au World Economic Forum de Davos, dordinaire heureuses et tissées despoirs. Rien de tel jeudi soir dans la grande salle du Centre des congrès, au terme dun débat houleux qui a opposé Shimon Peres, le président israélien, et le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Alors que la discussion avait largement débordé le temps imparti, et alors que David Ignatius, léditorialiste du Washington Post chargé danimer le débat, tentait dempêcher le chef du gouvernement turc de relancer ses accusations contre Israël, celui-ci a quitté la salle, estimant quil navait pas eu droit au même temps de parole que le président israélien. Et déclarant quil ne mettrait plus les pieds à Davos.
Ce coup de théâtre exprime la violence qui sest emparée du verbe diplomatique après lattaque israélienne sur Gaza. Le débat avait commencé avec un réquisitoire de Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, inhabituellement dur. Après avoir lancé à la communauté internationale un appel de fonds de 613 millions de dollars pour venir en aide aux habitants de la bande de Gaza, il a dénoncé la «tragédie» dont il a été témoin sur place. Amr Moussa, le président de la Ligue arabe, na pas été en reste, rappelant la longue occupation militaire dont les Palestiniens sont victimes depuis des décennies, à Gaza comme en Cisjordanie, le «déni de démocratie» représenté par le refus de reconnaître le Hamas pourtant élu, labsence totale de résultats tangibles après les longues négociations entreprises par le président palestinien Abbas. «Cest contre la nature humaine que de demander aux Gazaouis dêtre calmes», a-t-il lancé.
Mais cest Tayyip Recep Erdogan qui a parlé le plus fort, reprenant mot pour mot les déclarations faites calmement le matin même devant une poignée de journalistes en marge du Forum, mais en adoptant dans la grande salle le ton enflammé de la harangue. Sa colère nest pas seulement politique, elle prend un tour personnel. Quatre jours avant lattaque israélienne sur Gaza, il a reçu le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, dans le cadre du processus de reprise de dialogue avec la Syrie, où la Turquie est médiatrice. Ehoud Olmert était reparti en lui promettant des réponses à quelques questions laissées en suspens. «Nous avions parlé pendant six heures! Nous progressions! Mais je nai jamais reçu de réponse. Jai vu les bombes tomber sur Gaza», sest exclamé Erdogan.
Les cris avant les excuses
Après ces puissants tirs, Shimon Peres semblait avoir partie perdue, et cest en parlant plus fort que tous ses interlocuteurs quil a tenté de ramener à lui les sympathies. Il a notamment lu un extrait de la charte du Hamas promettant la mort de tous les Juifs pour rappeler la nature de ce mouvement «terroriste et illégal», évoqué les plus de 1000 Israéliens tués par ses attentats, les 5500 roquettes tirées «au hasard» sur les populations civiles israéliennes, le drame des mères et des enfants vivant dans la peur et les abris. «Nous navons jamais commencé! a-t-il crié. Nous avons évacué Gaza de fond en comble, ouvert tous les passages, avons investi 20 millions dans lagriculture, fourni leau et lessence. Et ils ont détruit tout cela! Et ils nous ont envoyé les roquettes! Pourquoi? Pourquoi?» Le problème, a ajouté Shimon Peres, «cest lambition iranienne de gouverner le Proche-Orient, via le Hezbollah, via le Hamas». Shimon Peres a plus tard présenté ses excuses au téléphone à Recep Tayyip Erdogan.
Lagenda est désormais clair pour tous, et Ban Ki-moon la détaillé. Il comporte quatre points: un cessez-le-feu durable avec ouverture des frontières de Gaza et la fin des trafics darmes à travers les tunnels du couloir de Philadelphie, la reconstruction de Gaza, la réconciliation entre Palestiniens et la relance dun processus de paix que le changement dadministration américaine et la nomination du sénateur Mitchell comme envoyé spécial dans la région permet à lensemble des acteurs daborder avec un peu doptimisme. Un peu, seulement
Le Temps Suisse