utilise dabord son couteau à découper la chair et dissèque
entierement le corps. Les morceaux de chair sempilent autour de lui. Tchampa
saisit son couteau à découper les os et tranche les articulations.
Deux participants broient au fur et à mesure les os et la chair
en les martelant avec de grosses pierres, puis mélangent le tout à
de la tsampa. Du cadavre maintenant il ne reste plus que la tête, dernière
partie du corp à être travaillée. Tchampa arrache les cheveux
et les oreilles. Cest le moment fort de la cérémonie. Tchampa place
le crâne enveloppé de tissu dans une cavité spécialement
aménagée dans le roc. Il sempare dune grosse pierre quil élève
à bout de bras puis se fige. Il se recueille et ânonne la formule
sacrée: "Om Mani Padma Hum" pendant plusieurs minutes. Puis il précipite
violemment la pierre sur le crâne. Protégés par le tissu,
les éclats de boite cranienne ne se dispersent pas. Si quelques débris
séchappent, on sempresse de les rassembler, car cest mauvais signe.
Lexamen des fragments du crâne commence, car il sagit de savoir si le
"principe conscient" est bien sorti. Tchampa recherche un petit trou (louverture
de Brahma) dans les os. En fait il est assez rare den trouver. Pendant ce temps,
les broyeurs ont continué leur méthodique besogne. Ossements et chairs
sont enfin amalgamés en boulettes afin de faciliter le travail des vautours
car le cadavre doit disparaitre totalement si lon veut que lâme soit tout
à fait libérée. Dernier stade: pour que les rapaces ne les
égaillent pas, les boulettes de chair sont attachées à de
lourdes pierres au centre de lautel; puis tout le monde quitte le rocher. Tchampa
claque des doigts. A ce signal, cest la cohue. Les vautours qui sétaient
rapprochés pendant la cérémonie sabattent sur les masses
informes. Le festin est rapidement consommé par ces oiseaux sacrés
que les Tibétains respectent pour le rôle quils tiennent lors du rituel.
Les dépeceurs remballent leurs outils, puis comme ils possèdent quelques
connaissances anatomiques, ils discutent des causes de la mort quils ont cru
déceler dans lobservation des cadavres. Les funérailles célestes
sont finies. Le corps est retourné au vent. Dans la vision bouddhique, en
effet, lêtre humain ne connait quun bref passage sur cette terre et, à
la mort, lenveloppe charnelle nest quun vêtement dérisoire que
lon abandonne pour en vêtir un autre dans une vie future.