Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie ; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires ministérielles expédiées, on ne saurait réussir une seule valeur humaine. Il faudrait dabord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à labrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois quil y a au Viet Nam une tête coupée et un il crevé et quen France on accepte, une fillette violée et quen France on accepte, un Malgache supplicié et quen France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui sopère, une gangrène qui sinstalle, un foyer dinfection qui sétend et quau bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de lEurope, et le progrès lent, mais sûr, de lensauvagement du continent