Hersh a déclaré dans son
interview au Berliner Zeitung :
«
Ce que je sais, c’est qu’il n’y a aucune chance que cette guerre se termine de la façon dont nous [les États-Unis] voulons qu’elle se termine… Cela m’effraie que le président ait été prêt à une telle chose. Et les personnes qui ont mené à bien cette mission pensaient que le président était parfaitement conscient de ce qu’il faisait au peuple allemand. Et à long terme, [ils pensent] que cela n’entachera pas seulement sa réputation de président, mais sera également très dommageable sur le plan politique. Ce sera un stigmate pour les États-Unis ».
L’inquiétude est plus grande que cela : le zèle obsessionnel de Biden fait passer l’Ukraine d’une guerre par procuration à une question existentielle pour les États-Unis (existentielle dans le sens de l’humiliation et de l’atteinte à la réputation si la guerre était perdue). C’est déjà une question existentielle pour la Russie. Et deux puissances nucléaires dans une confrontation existentielle est une mauvaise nouvelle.
Soyons clairs : ce n’était pas la première fois que Biden faisait quelque chose – considéré par les professionnels du renseignement des États-Unis – comme totalement irréfléchi : Robert Gates, l’ancien secrétaire à la Défense, a
déclaré dimanche que Biden s’est trompé sur presque toutes les grandes questions étrangères et de sécurité depuis quatre décennies. En février 2022, il a saisi les avoirs en devises de la Russie ; il a expulsé ses banques du SWIFT (le système de compensation interbancaire) et lui a imposé un tsunami de sanctions. La Réserve fédérale et la BCE ont déclaré après coup qu’elles n’avaient jamais été consultées, et que si elles l’avaient été – elles n’auraient jamais consenti à ces mesures.
Biden a affirmé que son action allait «
réduire le rouble au rouble » ; il s’est lourdement trompé. Au contraire, la résilience de la Russie a rapproché les États-Unis d’un précipice financier (à mesure que la demande de dollars se tarit et que le monde se déplace vers l’Est). Du point de vue des acteurs financiers importants de New York, Biden et la Fed doivent maintenant se dépêcher de sauver les États-Unis, dont le système est fragile.
En bref, l’importance de l’interview de Hersh au
Berliner Zeitung (et de ses autres articles) est que les factions de l’État profond américain sont furieuses contre le cercle des néocons (Sullivan, Blinken et Nuland). La confiance est « terminée ». Ils viennent les chercher, et continueront à le faire… L’article de Hersh n’est qu’un avant-goût.
Pour l’instant, le projet ukrainien des néoconservateurs reste d’actualité, l’équipe Biden exigeant que tous les alliés occidentaux restent fidèles au message, avant le premier anniversaire de l’opération spéciale de la Russie, le 24 février.
Il semblerait toutefois que la fenêtre critique permettant à l’Ukraine de « gagner par magie » soit réduite de quelques mois à quelques semaines. « Gagner », bien sûr, reste indéfini. Pourtant, la réalité est que ce sera la Russie, plutôt que l’Ukraine, qui montera l’offensive de printemps – et probablement sur toute la longueur de la ligne de contact.
« L’avertissement est donné » pour l’Ukraine (bien que Kamala Harris ait été dépêchée à la Conférence de Munich sur la sécurité) afin d’enfoncer la « ligne » de l’équipe d’un « engagement durable envers l’Ukraine » par l’Occident collectif sur le long terme.