ANALYSE. Au-delà d’avoir une cible commune, l’Occident, la Russie et Daech ont l’œil sur les richesses de l’Afrique qu’ils voudraient exploiter, y compris dans des trafics.
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Afrique – La Russie et Daech : des objectifs convergents ?
ANALYSE. Au-delà d’avoir une cible commune, l’Occident, la Russie et Daech ont l’œil sur les richesses de l’Afrique qu’ils voudraient exploiter, y compris dans des trafics.
La lutte contre les « croisés », contre les démocraties libérales et le modèle de vie occidental des élites politiques est l’objectif commun et affiché par tous les mouvements djihadistes opérant en
Afrique subsaharienne, qu’ils relèvent d’
Al-Qaïda ou de Daech, au nom d’un retour revendiqué à l’islam supposé des origines, le salafisme, dans son interprétation armée et totalitaire.
Bien que la religion musulmane de rite malékite, non ancestrale mais d’importation précoloniale au sud du Sahara, ayant souvent développé localement des confréries soufies, soit confrontée bien plus qu’attirée par le salafisme, le message politique des djihadistes, ainsi que leur présence active et croissante depuis les années 2000 dans des zones délaissées par les États africains ne sont pas sans effets. Les populations ne sont pas insensibles à la critique de régimes réputés pro-occidentaux mais corrompus ou clientélistes et qui ont, du fait de leur pauvreté et de leur mauvaise gouvernance, largement négligé les besoins de base des populations rurales : la sécurité, la justice, la santé, l’éducation et le développement.
Déstabiliser la présence occidentale
Les pays occidentaux qui tiennent véritablement à bout de bras les pays sahéliens les plus démunis, mais sans pouvoir apporter de solutions visibles à l’insécurité comme au sous-développement y perdent beaucoup de crédibilité, même si les racines du mal viennent essentiellement des dysfonctionnements étatiques africains. Les anciennes puissances coloniales, en particulier la
France, dont la visibilité est renforcée au Sahel par son intervention armée depuis 2013 (Serval puis Barkhane), servent alors de bouc émissaire idéal à tous ceux qui ne sont pas portés à l’autocritique.
La
Russie, qui n’apporte quant à elle aucune aide au développement, n’a pas manqué d’exploiter cette situation de vulnérabilité occidentale.
On sait que la tension entre la Russie et les pays occidentaux n’a cessé d’augmenter à partir de 1999 pour des raisons extérieures à l’Afrique et qui ont souvent été analysées (intervention de l’Otan de 1999 dans la crise yougoslave et surtout au
Kosovo en contournant le très probable veto russe au CSNU, élargissement de l’Otan en Europe centrale à partir de 1999, dénonciation américaine du traité antimissiles ABM, boucliers antimissiles en Europe, soutien russe aux séparatistes du Donbass en Ukraine, annexion de la Crimée en 2014, assassinats d’opposants russes, etc.).
Depuis les sanctions occidentales contre la Russie en 2014, la confrontation avec l’Occident s’impose désormais
comme un élément structurant de la politique étrangère de Vladimir Poutine. De ce point de vue, l’Afrique subsaharienne, francophone notamment, est un terrain privilégié d’affrontement avec une présence résiduelle de la France déjà contestée par des activistes qui ne demandent qu’à être soutenus ou relayés, même si cela va également dans le sens des djihadistes qui assaillent par ailleurs les régimes locaux.