C'est un peu le combat d'une vie. Saïd Oujibou, 44 ans, se démène depuis des années pour donner de la visibilité et de l'assurance aux musulmans convertis au christianisme. La Conférence européenne des chrétiens de culture nord-africaine et du Moyen-Orient qu'il organise à Paris du 26 au 28 mai, la deuxième du genre, participe de ce militantisme assumé.
Ce pasteur évangélique, franco-marocain musulman, passé par l'islam radical et converti au protestantisme il y a vingt ans, entend sortir "de leur isolement les néochrétiens venus de l'islam". "Ils sont de plus en plus nombreux, assure-t-il, sans donner de chiffres, mais sont souvent rejetés, voire menacés, par leur milieu ou leur famille lors de leur conversion." En France, seule l'Eglise catholique tient un compte précis du nombre de baptêmes de musulmans, évalués à quelque 150 par an. Le protestantisme évangélique, dont de nombreuses Eglises côtoient l'islam sur le terrain, propose un processus de conversion moins long et moins contraignant; sont régulièrement évoquées "plusieurs centaines de convertis" par an.
Côté musulman, le phénomène des conversions est minimisé
"Ces journées de rencontres visent aussi à fortifier ces chrétiens dans leur foi, tout en leur offrant un environnement sémite et oriental, car l'objectif des convertis n'est pas de renier leur culture", précise encore M.Oujibou. Leur défi, estime même le pasteur, est de "ne pas stigmatiser l'islam".
Une gageure, alors que tous dénoncent la sévérité de l'islam envers les apostats: "On accepte que des Français de culture chrétienne se convertissent à l'islam; il faut que l'islam accepte l'inverse et entreprenne sa réforme sur ce sujet." Le pasteur "attend toujours" des déclarations claires des institutions musulmanes sur ce sujet, même si "en vingt ans, malgré le durcissement de l'islam, on constate des progrès de certains imams et théologiens en ce sens".
Côté musulman, le phénomène des conversions est volontiers minimisé et suscite un certain malaise. Mais Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui à plusieurs reprises a été en contact avec M.Oujibou, l'affirme: "J'ai toujours dit que changer de religion relevait de la liberté individuelle, même si en islam l'apostasie demeure un péché." Et, ajoute-t-il, "seul Dieu est juge, et les musulmans n'ont pas à reprocher quoi que ce soit à ceux qui font ce choix".
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Stéphanie Le Bars pour Le Monde