Désigner l'ennemi comme coupable
Pour promouvoir sa propagande, le Kremlin
peut compter sur les médias officiels - les titres indépendants sont aujourd'hui quasiment inexistants en Russie -, et sur les réseaux sociaux. Sur ces derniers, plusieurs versions ont ainsi été relayées par des comptes prorusses
et souvent complotistes. La Russie a commencé par accuser le régiment ukrainien Azov, liée à l'idéologie néonazie, d'être responsable de ce massacre de civils qui a indigné le monde entier. Le régiment est au coeur de la propagande russe dans cette guerre entreprise le 24 février dernier sous le prétexte de "dénazifier" l'Ukraine.
Autre argument dévoilé par Moscou : les corps qui jonchent le sol seraient en fait des acteurs se faisant passer pour des morts. D'un côté, donc, on accuse les militaires d'Azov des exactions ; de l'autre, on dit que ce sont des acteurs. Des accusations difficilement compatibles. Mais l'objectif n'est pas pour autant raté, puisqu'il s'agit, pour le Kremlin, d'embrouiller une partie de la population occidentale, et de la mener à douter de tout, même et surtout d'un crime de guerre.
Pour appuyer leur défense, les responsables russes tentent ainsi des affirmations vite contredites par les faits et par les témoignages recueillis sur le terrain. Le ministère russe de la Défense affirmait notamment, dans une déclaration, dimanche, que "pendant que la ville était sous le contrôle des forces armées russes, pas un seul résident local n'a subi d'action violente". Et d'ajouter : "Les militaires russes ont livré et distribué 452 tonnes d'aide humanitaire aux civils dans la région de Kiev."
Pourtant, l'ONG Human Rights Watch montre le contraire dans
un article publié lundi. L'organisation humanitaire fait en effet état de plusieurs témoignages contredisant les affirmations des officiels du Kremlin, et faisant état de "viols, meurtres et autres actes de violence contre des personnes détenues par les forces russes [qui] devraient faire l'objet d'enquêtes en tant que crimes de guerre".
"Le 4 mars, les forces russes se trouvant à Boutcha, à environ 30 kilomètres au nord-ouest de Kiev, ont appréhendé cinq hommes et ont exécuté sommairement l'un d'entre eux. Un témoin a déclaré à Human Rights Watch que des soldats avaient forcé les cinq hommes à s'agenouiller au bord de la route, leur couvrant la tête à l'aide de leurs T-shirts et tirant sur l'un d'entre eux derrière la tête. 'Il [s'est effondré]', a déclaré le témoin, 'et les femmes [présentes sur les lieux] ont hurlé'", rapporte l'ONG qui dénonce donc des "crimes de guerre", tout comme plusieurs dirigeants occidentaux
dont le président américain, Joe Biden. Le président américain a déclaré vouloir un "procès pour crimes de guerre" et vouloir prendre "des sanctions supplémentaires" contre la Russie, en réaction aux événements de Boutcha.
Face à l'indignation et l'effroi général suscités par les images de cadavres de civils découverts à Boutcha après le retrait des troupes russes, le Kremlin tente des manipulations pour rejeter les accusations qui le visent.
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