tinky
Moche ou Bekheir hamdullah
salam, bonsoir,
Fatwa. Et si Al Qaradawi avait raison ?
Par Nadia Lamlili
La fatwa d'Al Qaradawi autorisant les Marocains à contracter des crédits à intérêts lui a valu une volée de bois vert de la part des oulémas. Récit d'une bagarre dont l'essentiel est ailleurs.
Il fallait s'y attendre. La guerre en sourdine entre l'Islam officiel made in Morocco et l'Islam satellitaire qui hypnotise les foules depuis le Golfe a fini par éclater. Le clash a été retentissant. En émettant sa fatwa qui autorise les Marocains à contracter des crédits bancaires pour acquérir un logement, Cheikh Al Qaradawi s'est attiré les foudres des oulémas du roi qui n'ont, évidemment, pas manqué cette occasion de lui tirer
dessus. Dans un communiqué, ils ont dénoncé son ingérence dans les affaires des Marocains. Appréciez ce florilège : L'instance de l'Iftaa est consciente des dangers que recèle ce flux médiatique qui a ouvert les vannes de la fatwa de sorte que le premier venu s'y adonne. C'est d'autant plus inquiétant qu'elle est à présent entre les mains de prétentieux (ndlr-Al Qaradawi) , dont certains ont fait mauvais usage du savoir contre l'intérêt des gens. Plus loin, on lira : Le mufti en question a outrepassé les règles de la bienséance et commis de grossières erreurs en matière de savoir et d'éthique, et en premier lieu celle qui consiste à empiéter sur le droit des oulémas du Maroc. Attendez, ce n'est pas encore fini. Le K.O arrive ! Les oulémas considèrent que cette fatwa ne peut émaner que d'une personne qui, sous le couvert de défendre les autres, agit en réalité pour son propre profit.
Patatras ! Sa Sainteté Al Qaradawi, cheikh connu et reconnu à travers le monde, s'est fait pratiquement insulter en terre marocaine. Il a commis une faute monumentale en décrétant une fatwa se basant sur un rite autre que le malékisme, a déclaré Mohamed Yssef, secrétaire général du Conseil Supérieur des Oulémas, au journal Assahra Al Maghribia.
A l'origine, une consultation banale
Pour comprendre les enjeux de cette affaire, il est important d'expliquer le contexte dans lequel la fatwa a été émise. Tout a commencé en août dernier alors que le cheikh était en vacances au Maroc. La jeunesse du PJD, qui tenait son université d'été, l'a alors invité à donner des conférences. L'histoire, comme l'explique Abdelaziz Rebbah, secrétaire général de cette formation, était on ne peut plus banale. Un groupe de jeunes Marocains est allé voir le cheikh dans son hôtel et lui a demandé un avis religieux sur les crédits bancaires dans l'immobilier. Ils étaient tiraillés entre leur conviction religieuse qui interdit l'usure et leur besoin d'acquérir un logement, explique le Pjdiste. C'est à ce moment précis que le cheikh leur donne le feu vert, citant un avis antécédent, émis par le comité européen de l'Iftaa en faveur de la minorité musulmane d'Europe. Oups ! l'irréparable a été commis. C'est précisément ce bout de phrase qui a déchaîné l'ire des officiels marocains. Pour eux, cela veut dire que le régime marocain est laïc comme en Europe et que les musulmans y constituent une minorité ! La presse socialiste initie la polémique en publiant une mise au point virulente du directeur de Dar Al Hadith Al Hassania. L'affaire grossit. La religion étant une affaire royale, les oulémas s'en prennent à l'intrus. On n'en finit pas de décrypter les conséquences désastreuses sur le Maroc. Le politologue Mohamed Darif considère que la réaction d'Al Qaradawi cautionne tous les mouvements extrémistes. Il leur demande clairement de venir se battre au Maroc du moment que ce n'est pas une terre musulmane, analyse-t-il. Pour lui, cette fatwa est d'autant plus dangereuse qu'elle confirme le point de vue d'Al Qaïda sur le Maroc (le pays du Taghout, de la décadence).
L'usure version halal
Au-delà de ses conséquences politiques, la fatwa dérange même sur un plan religieux. Un membre de l'association des lauréats de Dar Al Hadith Al Hassania estime que les paroles d'Al Qaradawi n'engagent que lui. Le logement n'est pas une nécessité pour que le musulman utilise le hram (l'illicite), s'interroge notre source.
Le contraste est spectaculaire. Dans sa fatwa, Al Qaradawi est encore plus progressiste que nos oulémas. Pour la première fois au Maroc, une sommité religieuse valide le recours à un péché sous le poids de la contrainte. Il n'a pas autorisé le principe de l'usure. Mais il a appliqué la règle qui permet l'utilisation de l'illicite en cas de grande nécessité, explique Abdelbari Zemzmi, imam de la mosquée Al Hamra. J'ai moi-même validé le principe du leasing dans les crédits bancaires. Mais cette formule n'existe pas encore dans l'immobilier. Les gens sont, de toute façon, obligés de contracter des crédits à intérêts. Alors, pourquoi tout ce bruit ? s'interroge Zemzmi. Plus logique que ça, tu meurs ! Que doivent se dire nos oulémas officiels devant des milliers de musulmans incapables d'acheter un logement social alors que les conditions d'acquisition sont nettement plus avantageuses grâce au Fogarim et autres fonds d'aide? La formule du Fogarim connaît un succès sans égal car elle permet aux petits travailleurs, y compris dans l'informel, de contracter des crédits. Quand on sait que le taux moyen se situe à 7,27% et que les gens peuvent acheter un logement à partir de 120 000 DH, continuer à brandir le caractère illicite de l'usure est une pure aberration.
Bagarre de hammam
C'est d'ailleurs pour éviter un ijtihad trop laborieux et sûrement trop courageux, que nos fouqaha ont évité de discuter le contenu de la fatwa d'Al Qaradawi. La polémique a porté sur la forme et non sur l'idée d'autoriser ou non le recours à l'usure, aussi modique soit-elle. A part Mohamed Rougui, un alem proche du Mouvement unicité et réforme, résidant actuellement en Arabie Saoudite, aucun autre alem marocain n'a osé braver la tempête des taux d'intérêts dans le système bancaire. Et encore ! Car l'imam en question s'est contenté de manifester son opposition au raisonnement du cheikh, gentiment soit dit au passage, mais sans donner d'alternative. Le problème demeure entier, vu l'absence de banques islamiques au Maroc. Au lieu de débattre d'une façon constructive, nos oulémas sont entrés dans une dispute de hammam qui a décrédibilisé leurs propos et les a décrédibilisés eux-mêmes, se désole une source ministérielle. Ne dramatisons rien ! Al Qaradawi non plus n'est pas innocent. Mohamed Darif fait remarquer qu'il a déjà eu des positions hostiles envers le Maroc sur la chaîne qatarie Al Jazeera. En plus, décréter une fatwa aussi pointue suppose une connaissance approfondie du contexte. Or, Al Qaradawi n'est pas marocain. Et alors ? Abou Malik ne l'était pas non plus, fulmine notre source ministérielle. Rien à dire.
L'enjeu de toute cette bataille est finalement d'ordre politique. Depuis sa création en juillet 2005, l'instance de l'Iftaa a fait deux sorties : une pour condamner l'enlèvement des deux Marocains en Irak et l'autre pour interdire aux femmes de diriger la prière. A chaque fois, elle réagissait suite à une tempête médiatique. Comme pour protéger une légitimité menacée. L'a-t-on une seule fois entendue se prononcer sur la hausse des prix du sucre, du transport ou de la corruption dans les élections ?, se révolte un responsable du PJD. Cette commission est trop loin du peuple. On ne sait même pas si elle existe. C'est pour cela que les imams du Golfe ont du succès au Maroc, tonne-t-il. A l'image du dirham, non convertible à l'étranger, l'islam marocain n'en finit pas de se renfermer sur lui-même. Il crie sa hargne face à un golfe tout puissant qui allèche les foules par une monnaie unique : Un islam transcendant les frontières Mais de quel islam s'agit-il ?
Secteur bancaire. Razzia islamiste
Que se passerait-il si les banques islamiques s'installaient au Maroc ? Un responsable du ministère des Habous sourit : Vous n'imaginez pas l'importante clientèle qu'elles attireraient !. La fatwa d'Al Qaradawi pose un problème aux officiels marocains, non pas uniquement au niveau de la forme, mais aussi parce qu'il n'y pas d'alternative aux banques commerciales fonctionnant selon le système occidental. Un système bancaire islamique ? Le Maroc n'en veut pas tout simplement. Il veut protéger le cartel existant mais au-delà, se prémunir contre les financements terroristes. Vu le succès de ce type d'institutions à l'international, une question se pose : et si une banque de chez nous décidait de créer un guichet islamique ?
tawmat
Fatwa. Et si Al Qaradawi avait raison ?
Par Nadia Lamlili
La fatwa d'Al Qaradawi autorisant les Marocains à contracter des crédits à intérêts lui a valu une volée de bois vert de la part des oulémas. Récit d'une bagarre dont l'essentiel est ailleurs.
Il fallait s'y attendre. La guerre en sourdine entre l'Islam officiel made in Morocco et l'Islam satellitaire qui hypnotise les foules depuis le Golfe a fini par éclater. Le clash a été retentissant. En émettant sa fatwa qui autorise les Marocains à contracter des crédits bancaires pour acquérir un logement, Cheikh Al Qaradawi s'est attiré les foudres des oulémas du roi qui n'ont, évidemment, pas manqué cette occasion de lui tirer
dessus. Dans un communiqué, ils ont dénoncé son ingérence dans les affaires des Marocains. Appréciez ce florilège : L'instance de l'Iftaa est consciente des dangers que recèle ce flux médiatique qui a ouvert les vannes de la fatwa de sorte que le premier venu s'y adonne. C'est d'autant plus inquiétant qu'elle est à présent entre les mains de prétentieux (ndlr-Al Qaradawi) , dont certains ont fait mauvais usage du savoir contre l'intérêt des gens. Plus loin, on lira : Le mufti en question a outrepassé les règles de la bienséance et commis de grossières erreurs en matière de savoir et d'éthique, et en premier lieu celle qui consiste à empiéter sur le droit des oulémas du Maroc. Attendez, ce n'est pas encore fini. Le K.O arrive ! Les oulémas considèrent que cette fatwa ne peut émaner que d'une personne qui, sous le couvert de défendre les autres, agit en réalité pour son propre profit.
Patatras ! Sa Sainteté Al Qaradawi, cheikh connu et reconnu à travers le monde, s'est fait pratiquement insulter en terre marocaine. Il a commis une faute monumentale en décrétant une fatwa se basant sur un rite autre que le malékisme, a déclaré Mohamed Yssef, secrétaire général du Conseil Supérieur des Oulémas, au journal Assahra Al Maghribia.
A l'origine, une consultation banale
Pour comprendre les enjeux de cette affaire, il est important d'expliquer le contexte dans lequel la fatwa a été émise. Tout a commencé en août dernier alors que le cheikh était en vacances au Maroc. La jeunesse du PJD, qui tenait son université d'été, l'a alors invité à donner des conférences. L'histoire, comme l'explique Abdelaziz Rebbah, secrétaire général de cette formation, était on ne peut plus banale. Un groupe de jeunes Marocains est allé voir le cheikh dans son hôtel et lui a demandé un avis religieux sur les crédits bancaires dans l'immobilier. Ils étaient tiraillés entre leur conviction religieuse qui interdit l'usure et leur besoin d'acquérir un logement, explique le Pjdiste. C'est à ce moment précis que le cheikh leur donne le feu vert, citant un avis antécédent, émis par le comité européen de l'Iftaa en faveur de la minorité musulmane d'Europe. Oups ! l'irréparable a été commis. C'est précisément ce bout de phrase qui a déchaîné l'ire des officiels marocains. Pour eux, cela veut dire que le régime marocain est laïc comme en Europe et que les musulmans y constituent une minorité ! La presse socialiste initie la polémique en publiant une mise au point virulente du directeur de Dar Al Hadith Al Hassania. L'affaire grossit. La religion étant une affaire royale, les oulémas s'en prennent à l'intrus. On n'en finit pas de décrypter les conséquences désastreuses sur le Maroc. Le politologue Mohamed Darif considère que la réaction d'Al Qaradawi cautionne tous les mouvements extrémistes. Il leur demande clairement de venir se battre au Maroc du moment que ce n'est pas une terre musulmane, analyse-t-il. Pour lui, cette fatwa est d'autant plus dangereuse qu'elle confirme le point de vue d'Al Qaïda sur le Maroc (le pays du Taghout, de la décadence).
L'usure version halal
Au-delà de ses conséquences politiques, la fatwa dérange même sur un plan religieux. Un membre de l'association des lauréats de Dar Al Hadith Al Hassania estime que les paroles d'Al Qaradawi n'engagent que lui. Le logement n'est pas une nécessité pour que le musulman utilise le hram (l'illicite), s'interroge notre source.
Le contraste est spectaculaire. Dans sa fatwa, Al Qaradawi est encore plus progressiste que nos oulémas. Pour la première fois au Maroc, une sommité religieuse valide le recours à un péché sous le poids de la contrainte. Il n'a pas autorisé le principe de l'usure. Mais il a appliqué la règle qui permet l'utilisation de l'illicite en cas de grande nécessité, explique Abdelbari Zemzmi, imam de la mosquée Al Hamra. J'ai moi-même validé le principe du leasing dans les crédits bancaires. Mais cette formule n'existe pas encore dans l'immobilier. Les gens sont, de toute façon, obligés de contracter des crédits à intérêts. Alors, pourquoi tout ce bruit ? s'interroge Zemzmi. Plus logique que ça, tu meurs ! Que doivent se dire nos oulémas officiels devant des milliers de musulmans incapables d'acheter un logement social alors que les conditions d'acquisition sont nettement plus avantageuses grâce au Fogarim et autres fonds d'aide? La formule du Fogarim connaît un succès sans égal car elle permet aux petits travailleurs, y compris dans l'informel, de contracter des crédits. Quand on sait que le taux moyen se situe à 7,27% et que les gens peuvent acheter un logement à partir de 120 000 DH, continuer à brandir le caractère illicite de l'usure est une pure aberration.
Bagarre de hammam
C'est d'ailleurs pour éviter un ijtihad trop laborieux et sûrement trop courageux, que nos fouqaha ont évité de discuter le contenu de la fatwa d'Al Qaradawi. La polémique a porté sur la forme et non sur l'idée d'autoriser ou non le recours à l'usure, aussi modique soit-elle. A part Mohamed Rougui, un alem proche du Mouvement unicité et réforme, résidant actuellement en Arabie Saoudite, aucun autre alem marocain n'a osé braver la tempête des taux d'intérêts dans le système bancaire. Et encore ! Car l'imam en question s'est contenté de manifester son opposition au raisonnement du cheikh, gentiment soit dit au passage, mais sans donner d'alternative. Le problème demeure entier, vu l'absence de banques islamiques au Maroc. Au lieu de débattre d'une façon constructive, nos oulémas sont entrés dans une dispute de hammam qui a décrédibilisé leurs propos et les a décrédibilisés eux-mêmes, se désole une source ministérielle. Ne dramatisons rien ! Al Qaradawi non plus n'est pas innocent. Mohamed Darif fait remarquer qu'il a déjà eu des positions hostiles envers le Maroc sur la chaîne qatarie Al Jazeera. En plus, décréter une fatwa aussi pointue suppose une connaissance approfondie du contexte. Or, Al Qaradawi n'est pas marocain. Et alors ? Abou Malik ne l'était pas non plus, fulmine notre source ministérielle. Rien à dire.
L'enjeu de toute cette bataille est finalement d'ordre politique. Depuis sa création en juillet 2005, l'instance de l'Iftaa a fait deux sorties : une pour condamner l'enlèvement des deux Marocains en Irak et l'autre pour interdire aux femmes de diriger la prière. A chaque fois, elle réagissait suite à une tempête médiatique. Comme pour protéger une légitimité menacée. L'a-t-on une seule fois entendue se prononcer sur la hausse des prix du sucre, du transport ou de la corruption dans les élections ?, se révolte un responsable du PJD. Cette commission est trop loin du peuple. On ne sait même pas si elle existe. C'est pour cela que les imams du Golfe ont du succès au Maroc, tonne-t-il. A l'image du dirham, non convertible à l'étranger, l'islam marocain n'en finit pas de se renfermer sur lui-même. Il crie sa hargne face à un golfe tout puissant qui allèche les foules par une monnaie unique : Un islam transcendant les frontières Mais de quel islam s'agit-il ?
Secteur bancaire. Razzia islamiste
Que se passerait-il si les banques islamiques s'installaient au Maroc ? Un responsable du ministère des Habous sourit : Vous n'imaginez pas l'importante clientèle qu'elles attireraient !. La fatwa d'Al Qaradawi pose un problème aux officiels marocains, non pas uniquement au niveau de la forme, mais aussi parce qu'il n'y pas d'alternative aux banques commerciales fonctionnant selon le système occidental. Un système bancaire islamique ? Le Maroc n'en veut pas tout simplement. Il veut protéger le cartel existant mais au-delà, se prémunir contre les financements terroristes. Vu le succès de ce type d'institutions à l'international, une question se pose : et si une banque de chez nous décidait de créer un guichet islamique ?
tawmat